sexoFolsom-Europe : "Ça fait partie de l'ADN de Berlin d'être ouvert sur les kinks"

Par Nicolas Scheffer le 11/09/2024
Le rendez-vous fétichiste La Folsom a lieu chaque année à Berlin

Depuis vingt-et-un ans, tous les mois de septembre, Berlin s'en donne à cuir joie. Pendant cinq jours, les festivaliers de la Folsom occupent une rue entière avec tous les fétichismes de la commu.

Des kinks à tous les coins de rue. À Berlin s'ouvre ce mercredi 11 la Folsom-Europe, le plus gros événement de la communauté fetish gay d'Europe. Jusqu'au dimanche 15 septembre, le festival met à l'honneur une sexualité positive et ouverte à tous types de pratiques – et notamment les plus hard. Depuis 2003, les participants occupent la Fuggerstrasse et les clubs environnants, dans le quartier historiquement gay de Schöneberg, pour célébrer l'amour du cuir, les jeux sado-masochistes, les jappements des puppies, le goût du fist… Tout est permis dans la limite du consentement !

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L'évènement berlinois s'est inspiré de la Folsom Street Fair, créée en 1984 à San Francisco pour soutenir les saunas pourchassés par la ville lors des premières années de l'épidémie de sida, qui rassemble chaque année plusieurs centaines de milliers de personnes pendant une semaine.

Cette année, on pourra assister à des séances de bondage, à des shows fétichistes ou à des concerts sur les trois scènes en plein air. Les participants qui veulent passer à l'action se retrouvent ensuite dans les clubs du quartier. Denis Watson, membre du bureau de l'association organisatrice, nous explique l'importance de donner de la visibilité aux fétiches.

  • Comment décrirais-tu Folsom-Europe à quelqu'un qui n'y est jamais allé ?

On s'est inspiré de la version de San Francisco, on voulait un événement de plein air dédié aux kinks, où toute forme d'amusement peut avoir lieu, un endroit où il est possible d'expérimenter toutes sortes de fantaisies sexuelles. Cette année, par exemple, nous avons une "ferme animalière", où nos chers puppies et furries pourront s'ébrouer librement. C'est un événement très social, où il est facile de discuter avec son voisin et de trouver des amis. Le festival commence à 12 h et dure jusqu'à 22 h. Après, généralement, les gens vont dans des sex clubs où ils peuvent faire et voir tout un tas de choses que l'on ne montre pas dans la rue...

  • En quoi est-ce important que les kinks soient ainsi exposés en plein air, dans l'espace public ?

C'est une question de visibilité : il s'agit de montrer qu'il n'y a pas de honte à avoir des kinks, qu'il y a des adeptes et qu'ils sont nombreux. Et puis, la Fuggerstrasse à Berlin est une rue historiquement dédiée aux fétichismes et notamment au cuir, au sein d'un quartier historiquement gay… On veut donc affirmer qu'on ne partira pas, qu'on est comme ça et qu'on entend le rester.

  • Tout se passe bien avec les voisins ?

Schöneberg, c'est aussi un quartier résidentiel où vivent des familles avec des enfants, alors bien évidemment, nous devons prendre en compte les voisins. Ça fait plus de vingt ans que la Folsom se déroule ici, alors la plupart sont très informés de ce qu'il se passe. Évidemment, nous organisons un conseil de quartier pour les avertir et discuter de l'organisation. Certains préfèrent aller à la campagne pendant le temps du festival. Globalement, ça se passe très bien. Même si la droite s'oppose à nous, ça fait partie de l'ADN de Berlin d'être très ouvert sur les kinks, au moins dans le quartier de Schöneberg.

  • Il y a quand même des règles pour les festivaliers ?

Les voisins nous font des retours après chaque évènement, et l'on doit trouver un équilibre entre nous exprimer et ne pas être trop encombrants – d'autant qu'il y a une école pas très loin. Par exemple, nous sommes très sévères avec les festivaliers qui urinent dans la rue. Pour la partie de la Folsom qui se déroule en extérieur, il est demandé de porter au moins quelques vêtements, de ne pas faire de sexe ou de flagellation en public par exemple ; il y a d'autres lieux dédiés pour ça ! Comme le festival tient sur plusieurs jours, on fait en sorte qu'il y ait aussi des soirées dans d'autres quartiers, pour ne pas épuiser les voisins.

  • L'année dernière, pour les 20 ans de la Folsom, quelque 25.000 personnes sont venues, c'est énorme ! Les fétiches sont-ils en train de devenir populaires ?

Carrément, on n'avait jamais rassemblé autant de monde. Désormais, le festival s'étend sur deux rues, Fuggerstrasse et Welserstrasse. Les kinks sont populaires et ça fait partie de l'image de Berlin : ici, il y a plein de soirées autours des fétiches et tu peux être en kilt ou en cuir dans la rue toute la journée sans être dévisagé. Même dans de plus modestes villes d'Allemagne, on voit que des petits clubs commencent à grandir. La communauté kink s'élargit d'ailleurs à de nouveaux publics : on voit de plus en plus d'hétéros ou de bi qui revendiquent une sexualité libérée. Et les plus jeunes semblent moins timides.

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Crédit photo : Emmanuele Contini, NurPhoto via AFP

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