Avec Langue étrangère, son troisième long-métrage présenté en février à la Berlinale, Claire Burger continue d’explorer la représentation lesbienne adolescente qu’elle avait effleurée dans C’est ça l’amour. Au cinéma ce mercredi 11 septembre.
En 2014, Claire Burger remportait la Caméra d'or du Festival de Cannes avec Party Girl, un portrait de femme forte coréalisé avec Marie Amachoukeli et Samuel Theis. Avec C'est ça l'amour, en 2018, la réalisatrice se penchait sur le quotidien d'un père célibataire et de ses deux enfants, dont une ado lesbienne. Désormais âgée de 45 ans, Claire Burger, qui a grandi à la frontière franco-allemande, revient avec Langue étrangère, un troisième long-métrage centré sur deux adolescentes lesbiennes, correspondantes d'un côté et de l'autre du Rhin. Bonus et non des moindres : la bande originale est signée Rebeka Warrior.
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Lorsque Fanny (Lilith Grasmug) arrive chez Lena (Josefa Heinsius) à Leipzig, cette dernière s'adresse immédiatement à elle en allemand. Fanny ne la comprend pas, et confie à sa mère (Chiara Mastroianni) : "Ma correspondante me correspond pas." Mais se rencontrer et apprendre à parler la langue de l’une et de l’autre, c’est aussi accepter de se décentrer de soi pour parvenir à créer un lien. Si, au début du film, Lena est réticente à accueillir cette correspondante française qui arrive chez elle au milieu d’un moment familial difficile (sa mère, qui vient d’être quittée par son beau-père, est particulièrement fragile), le fait d'échanger sur leurs histoires et de se rendre dans leurs pays respectifs va créer un lien de plus en plus intime entre elles.
Unies dans la lutte
Claire Burger, accompagnée au scénario par la réalisatrice Léa Mysius (Ava, sorti en 2017), nous donne à sentir avec beaucoup de justesse cette temporalité particulière de l’adolescence et des premiers émois lesbiens, où le temps semble à la fois suspendu et pouvoir s’accélérer très vite. La temporalité de l’amour qui grandit entre Lena et Fanny est ainsi électrisée par la lutte politique contre la montée des extrêmes droites en Europe et l’inaction climatique, qui occupe l’esprit des lycéens du film. Fanny s’invente alors une sœur black bloc disparue pour plaire à Lena, mais aussi pour se connecter à ces luttes dont elle semble plus éloignée que sa correspondante.
Toute l’intelligence de la mise en scène de Claire Burger réside dans le fait de ne pas opposer les degrés d’engagement militant de Lena et Fanny. Loin de se désintéresser des questions politiques, Fanny est surtout étouffée par le harcèlement scolaire qu’elle subit en France. Le silence et l’incapacité des adultes à faire face à ce qu'elle traverse est alors pointé du doigt : du professeur dépassé, qui n’a pour seul recours que des pratiques punitives inefficaces, en passant par ses parents qui échouent à la protéger de l’inertie du système scolaire.
Face au silence, la langue, qui les séparait tout d'abord, et son apprentissage, va s'avérer précieuse. À mesure que l’allemand et le français leur deviennent familiers se construit entre Fanny et Lena un nouvel espace pour se raconter autrement. Le rapport à la langue prend alors la forme d’un jeu qui permet aux deux personnages de prendre conscience de leur désir… et de le nommer.
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Crédit photo : Les Films de Pierre