L'artiste Romain Brau, révélé par le cabaret Madame Arthur et qu'on a vu dans le film Les Crevettes pailletées, évoque la sortie de son premier album, Je suis demain.
"Il y a cinq ans, je n’aurais jamais pensé produire un album." En octobre, Romain Brau s'est donc surpris lui-même avec Je suis demain, un disque électro-pop aux élans de variété. À l’aube de la quarantaine, après s'être fait un nom avec le cabaret Madame Arthur, avoir percé au cinéma dans Les Crevettes pailletées et écrit un seul en scène à succès, Romain Brau allume les étoiles, l'artiste touche-à-tout se lance dans la chanson. Des projets divers qui ont tous un point commun : la flamboyance naturelle de leur auteur.
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Sur les planches ou dans ses clips, Romain Brau occupe l’espace avec une énergie folle, sans limites, où se brouillent volontiers les frontières de genre. La vidéo de son single "Fais-moi un dessert", parue au printemps, résume bien le personnage : un look androgyne et des tenues toutes plus glamours et tape-à-l’œil les unes que les autres. “J’adore bousculer les gens, reconnaît-il avec un air mutin. Mais j’essaie de toujours faire ça avec charme et élégance.” Et ça paie : “J’ai rarement des remarques méchantes, dans la vraie vie comme sur les réseaux.”
Vengeance sur le passé
Cette exubérance, Romain Brau l'a toujours portée en étendard, malgré l'homophobie. “Quand j'étais jeune, on me renvoyait chez mes parents parce que je m’habillais n’importe comment, se rappelle-t-il. J’étais une vraie petite fille à l’époque.” Cette féminité, qu’il se refuse à refouler, lui vaut des années de harcèlement et un surnom, Suzanne. Une chanson nommée ainsi forme un élément clé de son spectacle. Mais inverser la charge de l'insulte ne suffit pas toujours : "En un sens, j’ai lavé ce prénom, mais ça peut toujours me faire du mal quand on m’appelle comme ça."
Le chanteur aborde également cette thématique du rejet dans d’autres morceaux présents sur son album, comme "Bijou" : "J'y parle de ma solitude lorsque j'étais jeune. Je n’avais pas d’amis car j’étais pédé et tout le monde me trouvait trop efféminé pour traîner avec moi.” Tout ce disque est introspectif, ancré dans son vécu et en particulier dans sa jeunesse : “C’est un album sur mes bases. Un jour, j’aimerais en faire un sur l’amour. Mais dans ma vie, avant d’atteindre l’amour, j’ai dû accéder à plein d’autres choses comme la réalité de soi-même, les amis, le confort social… Ce disque représente tout ce que j’ai réussi à consolider : je me suis réconcilié avec mon enfance et j’ai avancé avec mes traumatismes.”
Exister sans compromis
Aujourd’hui, l’artiste ne transige pas. Il fait le choix de vivre de la façon la plus authentique possible, sans compromis. Pas besoin de cases, que ce soit dans sa carrière ou dans son identité de genre : “Qu’on m’appelle monsieur ou madame, je m’en fiche. Je me retrouve plutôt dans le raisonnement et dans la fluidité des nouvelles générations.” Un peu à la manière de Fred, le personnage de femme trans qu’il incarne dans les deux volets des Crevettes pailletées. "On me parle tout le temps des Crevettes, et je le comprends, car ce sont des films grand public avec beaucoup de retours. J’en suis fier, mais c’est dur pour un artiste d’être enfermé dans quelque chose… Est-ce que j'accepterais de jouer dans un troisième film ? Je ne sais pas…", hésite-t-il, avant d’ajouter : "Si un nouveau volet sortait et que je n’en faisais pas partie, je serais embêté."
En témoigne le titre de son album, Romain Brau est "énormément excité” lorsqu’il pense au futur et à toutes les possibilités qu’il recèle : “J’adore avoir le pouvoir de décider de quoi demain sera fait.” Bien qu’il laisse place à la surprise, l’auteur-compositeur a une certitude : la scène fera toujours faire partie de sa vie. "Si on est à un dîner et qu’on me propose de chanter, alors je me lève et je te fais direct une chanson a cappella avec la même énergie et la même espièglerie que si j’étais en train de performer mon spectacle, affirme-t-il, tout sourire. Mais quand je suis sur scène, je me sens propulsé. C’est comme si je devenais plus grand, que je m’élevais." Et de là, personne ne le rabaissera plus.
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Crédit photo : Nathan Selighini