Mika Ex Machina est une comédie d'enquête ancrée dans le réel qui nous invite à suivre dans leurs investigations un groupe de potes queers.
Chaque jour, Mika trouve des rubans, cadenas sur sa moto. Lorsque l'un d'eux provoque un accident, elle réunit en urgence une équipe de choc pour découvrir qui semble vouloir intenter à sa vie. L’intrigue de Mika Ex Machina, film d'ouverture du festival de cinéma LGBTQI+ Chéries-Chéris, est tirée par les cheveux, et pourtant, tout est vrai. Ce cinéma en direct, où chaque plan a été filmé sur le vif, produit "une comédie d’enquête inclassable", s’amusent Mika Tard et Déborah Saïag, réalisatrices et protagonistes du film. S'inspirant de la Nouvelle Vague, les réalisatrices ne cachent pas leur admiration pour Agnès Varda et ses courts-métrages en caméra embarquée. "C’est très punk, un truc fabriqué entre potes", lance Déborah. Pour les besoins du film, les réalisatrices, également colocataires, ouvrent les portes de leur appartement, et introduisent les spectateurs à leur groupe d'amis pour mieux les embarquer dans leur périple. En résultent 140 heures de vidéo, condensées en une heure trente-cinq.
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"On ne joue pas et ça se sent dans nos comportements, avance Mika. Je pense que ça permettra aux gens de se reconnaître et de se mettre à la place des « personnages »." Au départ, il n'était même pas question de faire un film, mais cette affaire intrigue et suscite des réactions inattendues. "On a fait un repas avec une quinzaine de copines, des meufs de tous bords, de tous horizons et chacune avait un avis sur la question, explique Mika. L'une y voyait du harcèlement, l'autre était persuadée qu’il s’agissait de maraboutage. Une autre encore y voyait une demande en mariage puisque le foulard rouge et la pièce à l’intérieur lui rappelait une cérémonie guyanaise. C’était romanesque", commente-t-elle. Le dénouement importe finalement peu. Mika Ex Machina en dit davantage sur les enquêteurs que sur le coupable. "Tout le monde a projeté son propre imaginaire sur une même situation", détaille Mika. "Chacun s'est fait son propre film, renchérit Déborah. Et puis, même lorsque le film prend fin, les interprétations et les ressentis diffèrent."
Une famille d'amis
La plupart des intervenants étant queers, le film nous donne un aperçu de la manière dont les membres de la commu se polarisent autour d'une menace. Au premier signe de détresse, les potes de Mika serrent les rangs et chamboulent leur emploi du temps pour lui porter main forte. "On est vraiment comme une famille d'amis, reconnaissent les réalisatrices. C'est notre mode de vie, la vie en communauté. On n'a pas de gamins, on passe notre vie avec nos copains, on vit en coloc. Chaque vacance, on les passe en bande de dix." Comble de la lesbianité, les deux amies sont sorties ensemble pendant cinq ans il y a une vingtaine d'années. Un point qui n'a pas manqué d'étonner les spectateurs, sur les hétéros, qui ont vu le film en avant-première. "Ça paraît exotique, ils ne parviennent pas à comprendre. Les gens continuent de penser qu’on cache notre relation", affirme Mika. "Ma mère le pense", confirme Deb.
Malgré ses allures de Cluedo entre potes, Mika Ex Machina retrace des mois d'angoisse et de parano. "On a tendance à aller parfois loin dans nos façons de sur-analyser. Certaines de nos théories étaient tirées par les cheveux, admettent-elles. Peut-être qu’un autre aurait tiré des conclusions plus rapides ou aurait confronté les gens directement." Seulement, en tant que meufs, et en tant que lesbiennes, elles envisagent le pire. "Je ressentais dans mon corps que c’était une forme de harcèlement, insiste Mika. J’avais peur, je ne dormais pas. Je m’étais fait agresser trois ans auparavant et tout ça venait appuyer sur ce trauma." Si le caractère homophobe est envisagé, la piste d'une amante éconduite n'est pas non plus écartée. "Mika avait déjà été harcelée par une meuf il y a cinq ans, précise Déborah. Elle avait été jusqu’à escalader la façade de notre immeuble pour entrer dans sa chambre, s’était cachée dans les poubelles… La police est venue la chercher plusieurs fois."
Bien que leur ressenti soit indissociable de leur expérience en tant que minorité prise pour cible, cette expérience leur a toutefois permis de prendre de la hauteur : "Cette affaire a totalement ouvert mon regard, ça l’a décentré", affirme Mika. Déborah, quant à elle, l'associe au mythe de la caverne de Platon : "La résolution de l'enquête nous a fait sortir de la caverne. On s'est retrouvées nez à nez avec le réel et sa violence. C'était une dissonance cognitive totale." Il ne tient désormais qu'à vous de mener l'enquête.
>> Mika Ex Machina, en salles ce mercredi 1er janvier
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Crédit photo : Pyramide films