On ne penserait pas chose possible dans l'Europe d'aujourd'hui mais la République Tchèque l'a fait. Les autorités sanitaires du pays ont porté plainte contre 30 hommes séropositifs, les accusant d'avoir eu des relations sexuelles non-protégées, et ce alors qu'aucune victime ne s'est manifestée et qu'aucune preuve tangible ne vienne étayer cette thèse.
Une inquisition au mépris du secret médicale
Le Département de la Santé de Prague a récolté les donnée médicales de 30 hommes ayant contracté une autre infection sexuellement transmissible (IST) après avoir été dépistés positifs au VIH. Pour l'organisme, il s'agit de la preuve que ces hommes ont eu des rapports sexuels non-protégés. Comment auraient-ils pu contracter une autre IST si ça avait été le cas ?
Pour l'association Aide tchèque contre le sida, qui a offert un soutien juridique aux personnes concernées, cette affaire est ahurissante. En effet, ces hommes sont tous sous traitement avec une charge virale indétectable pour la plupart d'entre-eux. Ils ne sont donc pas en mesure de transmettre le virus à leur partenaire, le plus souvent séropositif comme eux. De plus, certaines IST, comme la syphilis, peuvent être transmises malgré l'utilisation d'un préservatif. Rien ne semble donc expliquer un tel haro de la part des autorités sanitaires tchèques. Jakub Tomšej, juriste auprès de l'association, explique que "la conséquence de tout cela, c’est que les gens qui sont séropositifs éviteront les docteurs à l’avenir, quand ils contracteront une IST".
A contre-courant de la lutte contre le VIH
La criminalisation des séropositifs met en péril les politiques de prévention et de dépistage. Matthew Howdson, associatif britannique dans la protection sanitaire des homosexuels, prévient :
"Cette application particulièrement stricte de la loi ne peut servir qu'à décourager les personnes séropositives de se faire prendre en charge par les services sanitaires en République tchèque, avec pour résultat le non-diagnostic et le non-traitement des IST, ce qui ne peut que faciliter leur propagation".
L'European AIDS Treatment Group a adressé une pétition à la Commission Européenne pour dénoncer la dangerosité de ces pratiques tant d'un point de vue sanitaire que des libertés individuelles.
Le caractère homophobe de ces poursuites est également pointé du doigt par les associations. En effet, tous les hommes poursuivis dans cette affaire sont homosexuels, tandis qu'aucune femme n'a été inquiétée. La réaction de la cheffe du Département de la Santé de Prague laisse peut de doute à ce sujet :
"La campagne qui met en cause nos pratiques vise clairement à asseoir les droits d’une minorité aux dépens des droits de la majorité, à savoir le droit à la santé. Nous considérons comme très dangereuses les tentatives de créer un groupe privilégié qui serait dégagé de toute responsabilité"
Les associations attendent maintenant que le Commission Européenne se saisisse de cette affaire et rappelle à l'ordre la République Tchèque sur ses obligations en matière de santé publique, de prévention et de non-discrimination.