Jocelyn a longtemps refoulé son homosexualité. Elle décide de faire son coming-out à 69 ans et trouve petit à petit les mots pour en parler. Témoignage.
Jocelyn a éprouvé très jeune ses premiers émois lesbiens. Jeu d'enfants, certes, mais épisode majeur et bouleversant. A tel point, qu'elle le refoule violemment. En effet, élevée par une grand-mère croyante, elle ne comprend pas ses attirances et les considère même comme condamnables, ne sachant même pas ce que le mot "lesbienne" signifie. Surtout qu'on ne parlait pas de sexualité à cette époque.
Puis elle tombe amoureuse de sa professeure de physique au collège. Elle ne comprend toujours pas ce qui lui arrive, refusant de s'avouer son attirance pour les femmes. Cette attirance pour sa professeure reste donc enfouie en elle, fantasmée, platonique mais comme le premier amour de sa vie.
Devenue femme, elle fait "comme tout le monde", se marie, avec un client rencontré dans la boucherie dans laquelle elle travaille. Elle donne naissance à trois filles, qu'elle aime par dessus tout. D'ailleurs, elle se focalise sur son rôle de mère pour oublier son rôle d'épouse. Elle ne prendra jamais de plaisir avec son mari mais éprouve du chagrin à sa disparition, ayant beaucoup d'affection pour lui. Cependant, à sa disparition, elle se sent comme libérée...
Elle comprend ensuite que sa fille est lesbienne, culpabilise, pense lui avoir transmis son refoulement. Mais elle l'accepte, pour sa fille, sans pour autant pouvoir l'accepter pour elle. Reviennent alors ses fantasmes, notamment ceux qu'elle imaginait avec son ancienne professeure de physique. Cela durera des années...
Puis, par un concours de circonstance, elle passe une journée en compagnie d'une amie de sa fille, Irène, 50 ans et également lesbienne. Cette dernière complètement assumée n'y va pas par quatre chemins en lui demandant si elle est, elle-même, lesbienne. Troublée, elle finit par lui avouer timidement que : "Oui ! Je suis lesbienne". C'est la libération, la première fois qu'on le lui demande ouvertement, qu'elle pose des mots.
Elle l'annonce à ses filles qui l'acceptent plutôt bien. Ca n'a pas été facile. Elle avait peur. Une fille lesbienne : ok ! Mais une mère lesbienne : comment allaient-elles réagir ? Au bout de deux mois tous ses proches sont au courant : amis, famille...
Juliette, sa fille, l'encourage à aller parler au sein d'associations LGBT, ce qu'elle font toutes les deux tous les vendredi. Elle ne pensait pas rencontrer quelqu'un, seulement parler à d'autres femmes comme elle, mais rien ne se passe comme on l'avait prévu. Elle rencontre Michelle. Tout semble les opposer mais le courant passe tout de suite. Michelle est plus expérimentée, a vécu 19 ans en couple et cherche à nouveau quelqu'un. C'est pourtant Jocelyn qui fait le premier pas.
Elle va découvrir avec Michelle ses premiers émois, sa première nuit d'amour. Elle se sent comme une adolescente, heureuse, vivante. Aujourd'hui, elles sont toujours ensemble, s'aiment énormément, se tiennent la main dans la rue... Elles songent même au mariage.
S'il n'est toujours pas facile de mettre des mots sur son histoire, après tant d'années de silence, elle a quand même souhaité livrer ce témoignage pour dire aux femmes qui n'osent pas franchir le pas : "même après 60 ans, rien n'est jamais fini. Il ne faut pas renoncer à ses désirs. Je me sens vivre pour la première fois. Comme si je m'étais enfin mise à respirer".
Retrouvez l'intégralité du témoignage de Jocelyn sur le site de Marie Claire.