TÊTU a rencontré Stéphane Loiselier, fondateur de mygayplaces.com - anciennement Attitude Travels. Il nous parle des tendances du tourisme gay.
En 2003, Stéphane Loiselier fonde Attitude Travels, le premier tour opérateur gay en France et en Europe. Depuis, l'agence a disparu pour laisser place à mygayplaces.com. Derrière ces boutiques en ligne, il y a toujours Stéphane Loiselier qui répond lui-même, avec deux autres employés, aux appels de ses clients, anciens et nouveaux. Car si Attitude Travels n'existe plus, les fidèles ont suivi l'évolution du tour opérateur depuis sa présence historique dans le Marais jusqu'à sa totale dématérialisation.
Peux-tu nous raconter l'histoire récente d'Attitude Travels ?
En 2013, Attitude Travels est passée sous licence du réseau TourCom. J'étais d'accord d'intégrer leur réseau à la condition de ne travailler que sur internet et par téléphone, plus en agence avec pignon sur rue. Car, les gens ne vont plus en agence. Aujourd'hui, 75% des réservations se font en ligne.
Attitude Travels est devenue mygayplaces.com. C'est toujours l'url d'Attitude Travels mais une fois sur le site c'est mygayplaces.com. Je voulais vraiment couper avec Attitude Travels notamment car je ne fais plus de croisières.
Justement, parle-nous de cette aventure.
A l'époque, je revendais déjà des croisières Atlantis (croisières américaines, ndlr) et je me suis demandé pourquoi ne pas faire nos propres croisières. C'est comme ça que j'ai lancé les premières croisières gays en Europe au départ de Marseille. Il y en a eu en 2009, 2010 et 2011.
Puis ça s'est arrêté car les bateaux devenaient trop chers, tout simplement. Ce n'était pas ma vision du tourisme que de faire exploser les prix sous prétexte qu'on privatise un bateau donc j'ai préféré tout arrêter.
Les croisières gays étaient-elles votre produit phare ?
Non, ça c'était la vitrine internationale. Ça permettait d'avoir une visibilité. Après, nous sommes spécialisés en individuel : Mykonos, Sitges, Canaries. Soixante pour cent de ce qu'on vend, c'est purement gay et le reste c'est le monde entier de manière classique j'ai envie de dire. De toute façon, on va pas vendre le Maroc ou la Turquie comme des destinations gays. Mais on a beaucoup de clients qui voulaient quand mêmes visiter ces pays.
Pourquoi avoir arrêté les croisières gays ?
Je ne gagnais presque rien avec ces croisières car je réinjectais tout dans les activités : on proposait notamment du théâtre. C'est ce qui faisait la différence des croisières Attitude Travels par rapport à la démence des croisières Atlantis. Par exemple, on ne communiquait presque pas avec des beaux mecs dénudés. Ce n'était pas l'idée.
En sommes, les gays veulent voyager partout et découvrir les mêmes pays que les autres ?
Oui, tout à fait. Donc Maroc, mais aussi Sri Lanka... Les groupes de trekking, ou que sais-je, marchaient très bien. On appelait ça les "circuits trésors" : visiter des pays qui n'étaient pas réputés gay-friendly mais dans un groupe de gays. En revanche, je n'en fais plus aujourd'hui car le secteur du tourisme a beaucoup changé. Les gens veulent réserver au dernier moment alors que ces produits s'achètent et surtout se remplissent longtemps en avance sinon les prestataires annulent faute de remplissage, d'acomptes... J'ai préféré me focaliser sur le voyage individuel (vol sec, package vol + hôtel...).
Alors, c'est vrai qu'on sent un net recul ces derniers temps sur le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et la Turquie. Mais c'est une tendance générale comme pour les autres clientèles. Finalement, les attentes des clients gays ne sont pas si différentes de celles des autres : sécurité, confort...
Aujourd'hui, qu'est ce qui marche ?
On a toujours Sitgès, Mykonos, les Canaries et Ibiza mais ça tend à changer. Par exemple, Mykonos est devenu hors de prix. EasyJet a cassé les prix en arrivant donc il n'y a plus d’affrètement d'avion comme ça se faisait auparavant donc plus de prix garantis pour les tours opérateurs comme moi.
Ce sont ces prix garantis qui nous permettent des rester compétitifs. Sinon, Sitgès devient très cher et Ibiza ne marche presque plus hormis deux ou trois grands complexes hôteliers. Ce qui fonctionne le plus c'est la Grande Canarie. On a 15 à 20 dossiers par jour et on est complet pour cet été. Quinze jours aux Canaries ne se payent même pas cinq jours à Mykonos, c'est dire !
Sinon, on fait beaucoup les Etats-Unis, l'Asie (Thaïlande, Bali, Cambodge, Laos...). Finalement des destinations assez classiques.
Qu'est ce qui fait la différence de mygayplaces.com ?
Déjà, nous ne sommes pas une agence de voyages mais un tour opérateur. On ne vend pas les produits des autres mais nos propres produits, c'est important de le souligner. Ensuite, quand on achète sur internet séparément le vol, l'hôtel... si un des prestataires est défaillant, on n'a aucune garantie sur les autres produits puisque tout est indépendant alors que le tour opérateur s'engage à pallier la défaillance de ses partenaires en trouvant des solutions pour ses clients. C'est d'ailleurs pour ça que le numéro de licence en ligne est super important. Ça donne une gageure. Ça prouve que ce sont des professionnels du tourisme.
Les gens ne viennent-ils pas chercher également une expertise ?
Tout à fait. J'ai été chef produits pendant des années avant de monter Attitude Travels puis mygayplaces.com. Je connais parfaitement mon métier, mes destinations et mes produits. D'ailleurs, j'ai une anecdote très parlante. Un couple de femmes a pris un vol sec avec mygayplaces.com. En discutant avec elle, je me rends compte que l'hôtel où elles se rendent à la Grande Canarie, acheté sur booking.com, est exclusivement réservé aux hommes. Mais bien sûr, ce n'est écrit nulle par sur le site. Je leur ai dit : "Si vous débarquez à l'hôtel ils ne vous laisseront jamais rentrer". Du coup, on a réussi, non sans mal, à tout annuler car je connaissais bien l'hôtel en question. Elles ont donc pris l'hôtel chez moi aussi. Et ça, personne ne vous le dira en ligne.