Maxence, jeune garçon trans' de 22 ans, ne s'attendait pas à ce que son tweet, posté le 27 août dernier, lui vaille autant de réactions. Cet étudiant en sociologie à Rennes a partagé le message adorable et inspirant de sa petite sœur de 11 ans, qui lui a fait une attestation pour soutenir sa demande de changement d'état civil. Il témoigne auprès de TÊTU, pour dédramatiser le rapport des enfants à la transidentité.
« Je suis un homme trans, qui a entamé une transition sociale – donc au niveau des pronoms et prénom – peu avant ses 20 ans, et une transition hormonale un petit moment après. L'annonce de ma transidentité auprès de ma famille s'est faite en plusieurs temps. J'ai d'abord envoyé un message aux plus âgés, ainsi qu'à mon père, qui n'ont pas vraiment réagi, nos relations étant de toute façon tendues de base. J'en ai ensuite informé ma mère par lettre manuscrite, plusieurs mois après, et c'est elle qui s'est chargée de faire mon coming-out auprès de mon grand-père et de mes deux plus jeunes soeurs. Habitant loin, je ne pouvais leur expliquer décemment par Skype, cela me semblait trop compliqué, surtout pour la plus jeune que je ne voulais pas déboussoler.
« Je leur présente ma transition comme quelque chose d'anodin »
Je n'ai pas plus interrogé ma mère à ce sujet, mais je pense qu'elle leur a présenté cela comme le fait que je voulais devenir un garçon car je n'aimais pas être une fille, afin que son discours reste accessible à leur âge. Elle leur a également expliqué que j'usais d'un nouveau prénom.
Mes jeunes soeurs ont mis quelques temps avant d'oser me demander, via Skype, si elles pouvaient m'appeler par mon prénom d'usage, et la plus jeune a attendu que je vienne les voir durant l'été pour me prendre à part et me redemander la permission. Malgré quelques erreurs au début, elles s'y sont vite fait sans problème.
Je pense que mes liens forts avec mes deux jeunes soeurs – la première est née quand j'avais 11 ans, la seconde quand j'en avais 13, et je me suis beaucoup impliqué dans leur éducation, leur jeux, étant plus patient que d'autres membres de la famille – a beaucoup joué sur leur acceptation. Je leur présente ma transition comme quelque chose d'anodin dont on peut rire, en leur laissant jouer avec ma barbe naissante, en forçant sur les graves quand je parle et en leur montrant comment je fais mes injections de testotérone, pour que cela soit plus concret à leurs yeux, donc moins effrayant. La plus jeune a même tenté un bras de fer contre moi.
Elles ne m'ont pas donné au final le sentiment que ma transition changeait beaucoup de choses pour elles, et ce sont les membres de la fratrie qui le vivent le mieux (deux autres ayant d'abord refusé de m'appeler par mon prénom d'usage, tout comme mon père, et ma soeur aînée refusant de me considérer comme un garçon du fait du courant féministe radical auquel elle adhère).
« Depuis que mon frère est un garçon, il est plus heureux »
J'essaie depuis un moment d'effectuer un changement de prénom et d'état civil officiel, et pour appuyer ma demande, il me faut ainsi des attestations de proches affirmant que je me désigne au masculin, que je présente les traits d'un homme et autres idées préfabriquées qui constituent un autre débat.
Après en avoir parlé avec ma mère, j'ai demandé à ma sœur, qui a atteint depuis peu ses 11 ans, si elle désirait me faire une attestation. L'ayant trouvée attendrissante, je l'ai partagée sur mon Twitter, et le tweet a vite pris de l'ampleur.
J'ai été agréablement surpris du nombre de réactions positives que j'ai eu en retour. S'il est vrai qu'au bout de quelques jours j'ai mute le tweet par pitié pour mes mentions, et également pour limiter les commentaires négatifs que je pouvais avoir, les premiers temps m'ont donné une bonne idée de ce que ce genre de tweet pouvait susciter comme effets.
Je m'attendais à passer dans l'extrême-droite de Twitter mais ce ne fut au final pas le cas. J'ai donc eu beaucoup de personnes attendries également par ma sœur, et admiratives de son écriture, ce qui fut d'ailleurs relevé par d'autres, plus sceptiques ; ma sœur écrit très bien pour son jeune âge, du fait d'une culture familiale très littéraire, de notre mère professeure des écoles, mais également, sans doute, parce que ma mère lui a probablement fait faire un brouillon auparavant…
« Dédramatiser le rapport des enfants à la transidentité »
De façon générale, je trouve les retours très positifs ; quoi qu'en disent les détracteurs, cela montre que des enfants, quel que soit leur âge, peuvent appréhender la transidentité sans grand problème. Mes sœurs utilisent mon prénom d'usage, et, si elles peinent encore à me genrer correctement, ce que j'estime compréhensible du fait qu'elles soient jeunes et peut-être pas encore au courant de l'importance de l’utilisation du masculin, elles me désignent sans difficulté comme leur grand frère.
J'ai posté ce tweet pour deux raisons. D'abord parce que je voulais partager mon plaisir devant le mot de ma sœur, mais aussi pour dédramatiser le rapport des enfants à la transidentité. Mes jeunes sœurs l'ont bien vécu, cela ne les perturbe pas ou quoi que ce soit d'autre, contrairement à ce que peuvent en dire d'autres personnes avançant que les enfants sont perturbés par la prétendue 'théorie du genre' et qu'il faut les en préserver.
Il ressort souvent dans les discours transphobes que les enfants doivent être tenus éloignés de toute mention de la transidentité pour leur bien. Or mes sœurs pleurent lorsqu'elles tombent et se font mal, ou quand le jour de la rentrée vient. Pas parce que leur sœur est devenue leur frère. »
Crédit photo : @ArsonitsLullaby.