Christiane TaubiraPMA, GPA : n'oublions pas les enfants !

Par Alexandre Urwicz le 19/06/2019
PMA

TRIBUNE. La semaine dernière, le gouvernement a précisé les contours et le calendrier du projet de révision de loi bioéthique, incluant la procréation assistée pour toute les femmes. Mais pour Alexandre Urwicz, le président de l'association des familles homoparentales (ADFH), plusieurs des mesures envisagées (ou exclues) pourraient créer des inégalités entre les enfants.

Dans son discours de politique générale devant la représentation nationale le 12 juin 2019, le Premier-ministre a précisé que « conformément aux engagements du Président de la République, le projet de loi bioéthique autorise le recours à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes. Il pourra être débattu au Parlement dès la fin septembre ». Il a ajouté que s’agissant de la filiation des personnes conçues par PMA avec tiers donneur et de l’accès aux origines, « plusieurs options sont possibles et le gouvernement a retenu celles qui étaient les plus à même de permettre un débat apaisé». La ministre de la justice a précisé le 13 juin 2019 sur France-Inter que deux solutions sont maintenant soumises au Conseil d’État pour avis. De quoi parlons-nous ?

Non au don "ni vu, ni connu" pour les couples hétéros

Certains sont partisans, comme la ManifPourTous, de maintenir le statu quo pour les enfants conçus par don de parents hétérosexuels. Ce système du «ni vu, ni connu» instauré il y a 50 ans efface l’existence même du donneur de gamètes au point de faire croire en droit et même en fait que ses deux parents sont aussi ses deux géniteurs. Tout est organisé par l’État pour que l’existence même du donneur de gamètes ne soit jamais portée à la connaissance de ces enfants.

Mais comment peut-on se construire à l’aune d’un mensonge ? Comment transmettre sa propre histoire à ses enfants si on ne la connait pas soi-même ? Comment se soigner sans disposer des antécédents médicaux de celui ou de celle auquel on est biologiquement lié, sans bénéficier des avancées de la médecine prédictive ? Pourquoi ces enfants nés du don devraient-ils être sanctionnés du seul fait de leur mode de conception ?

Le maintien de ce statu quo obligerait, avec l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, à la création d’une solution à part, spécifique à ces couples, car on ne saurait les faire passer comme ayant conçu l’enfant à elles seules. Ce dispositif maintiendrait alors les enfants nés du don de couples hétérosexuels dans le mensonge procréatif là où ceux nés de couples lesbiens sauraient à l’évidence qu’ils n’ont pu être conçus que par le recours à un tiers donneur.

Oui à l'égalité des droits de tous les enfants

D’autres, dont nous faisons partie, sont partisans d’un dispositif universel pour tous les enfants conçus par don. Que leurs parents soient hétérosexuels ou homosexuels, mariés ou non mariés, leur filiation serait établie de la même manière et ils disposeraient des mêmes droits. Comment ? Par une « déclaration commune anticipée de filiation », autrement dit un engagement solennel à devenir parents, faite devant notaire au moment où est recueilli le consentement au don de gamètes qui est déjà obligatoire.

Cette filiation fondée sur l’engagement permettrait de ne pas hiérarchiser les parents entre un parent « biologique » et un « qui ne le serait pas ». Elle permettrait à l’enfant de ne plus être la victime d’un droit qui l’empêche de connaître son histoire puisque la mention de cette déclaration de filiation serait portée sur son acte intégral de naissance, document qui lui serait exclusivement réservé. Une telle mention ne serait pas nouvelle, puisqu’elle existe déjà lorsque la filiation est établie à la suite d’une adoption ou à la suite de la constatation de la possession d’état.

Se battre pour l’égalité des droits, c’est aussi se battre pour l’égalité des droits de tous les enfants à disposer de leur histoire personnelle, sans les discriminer au regard de l’orientation sexuelle de leurs parents. L’appel inédit publié dans Le Monde le 4 juin dernier par 100 personnes conçues par don et soutenues par plus de 150 personnalités démontre ô combien l’accès aux origines est une demande légitime qui est d’ailleurs partagée par 75% des français.

Les enfants nés de GPA oubliés

La ministre Nicole Belloubet a par ailleurs indiqué que rien ne serait proposé par le gouvernement au sein du vecteur législatif de la révision des lois de bioéthique pour la reconnaissance des états civils étrangers des enfants nés par GPA. Si une avancée éventuelle se précise, elle ne porterait que sur une adoption intraconjugale facilitée, ouverte à tous, parents mariés ou non mariés.

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Quinze ans de jurisprudences successives sans aucune implication du politique (exception faite de la circulaire Taubira qui reconnait la nationalité française aux enfants nés par GPA) aboutissent aujourd’hui à un imbroglio juridico-administratif ubuesque : le ou la conjoint-e du père biologique devrait adopter en France son propre enfant alors qu’il est déjà mentionné comme parent sur l’état civil du pays de naissance de son enfant. Avouons qu’il aurait été difficile d’inventer un dispositif plus tordu que certains responsables politiques affectionnent pour l’imaginer dissuasif mais qui permet en réalité de ne pas les désigner comme facilitateurs potentiels de GPA faites à l’étranger.

Respectons les enfants

Ce sont nos têtes blondes qui paient le prix fort de ce manque de courage politique puisque certaines ne pourront même pas bénéficier de cette solution bricolée. Les enfants nés par GPA de femmes célibataires, de couples de femmes, de veuves ou encore de couples séparés sont exclus de ce dispositif qui nécessite obligatoirement un consentement à l’adoption du père biologique. Sauf retournement de situation, l’engagement présidentiel visant la reconnaissance de tous les états civils des enfants nés par GPA ne sera pas honoré.

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Reste le débat à venir. Ce fameux débat qui ne nous a pas épargné en 2012 et 2013, lorsque le mariage et l’adoption pour tous étaient annoncés. La hausse des actes homophobes pendant ces années témoigne à quel point la libération de la parole homophobe peut conduire aux passages à tabac. SOS Homophobie a qualifié 2018 d’année noire. Que seront 2019 et 2020 ? Dans tous ces débats, exprimons nos positions sans jamais attaquer les enfants qui existent et qui sont déjà nés de PMA ou de GPA. Respectons-les. C’est l’apaisement souhaité que nous partageons pour les mois qui viennent. Espérons qu’il ne sera pas un vœu pieux.

 

Crédit photo : Steven Libralon on Unsplash