On dit que l'habit ne fait pas le moine. Pourtant, il peut dire beaucoup. Ces trois jeunes créateurs sont français. Ils sont jeunes, créatifs, et queer. Et ils ont voulu faire une mode différente, qu'elle mise sur une identité forte, ou sur une conception durable...
BALLORIN - Wilfried Hubert, Virgil Dechègne - Lamette, Jonathan Demay et Arthur Ballorin
Ballorin (le vestiaire pour garçons) est l'une de ces marques qui va bien au delà du vêtement. Ballorin propose plus que des vêtements. La marque prône une véritable identité queer à travers des collections originales. Née de la collaboration entre Wilfried Hubert, Virgil Dechègne - Lamette, les deux co-fondateurs, et Arthur Ballorin, le directeur artistique de la marque, Ballorin réinvente et réinterprète les pièces phares des années 80-90. "Nos modèles phares, comme la combinaison est passée du modèle "ouvrier" à une pièce bien plus mode", explique Wilfried pour TÊTU, "tout comme le crop-top type 'Britney Spears', on en a fait quelque chose de plus classe".
Car le coeur du vestiaire de Ballorin, c'est, en effet, des pièces audacieuses, qu'il faut assumer porter, des pièces donc plus associées à la communauté LGBT+. "La communauté LGBT+ a ce goût pour la transgression et la mode avant-gardiste", explique Virgil, "Les vêtements sont un mode d'expression et on a une réelle volonté de liberté, que chacun puisse porter ce qu'il veut".
L'ADN de Ballorin est principalement inspiré de la nuit underground. Les inspirations se trouvent dans les soirées électro gay, là où la mode n'est pas conventionnelle. "On veut vraiment que ceux qui portent du Ballorin puissent exprimer leur identité à travers nos vêtements", explique Wilfried. "Ballorin porte un discours assez visuel et permet de diffuser une volonté de tolérance", enchérit Virgil.
C'est assez naturellement que Ballorin a alors rencontré le fameux tatoueur parisien Martin Sauvage pour une collaboration des plus culottés. "On s'était déjà tatouer par Martin Sauvage et c'est vrai qu'en voyant ces modèles d'hommes nus, très noctambules, cette idée a pris tout son sens", raconte Wilfried. Les dessins de Martin Sauvage, qui explorent les codes de la masculinité, sont ainsi brodés sur le tissu Ballorin.
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Les créateurs ont choisi de créer leurs collections de manière maîtrisée et réfléchie. La marque est basée sur un savoir-français et mise sur des tissus "hyper résistants" qui sont assebmlés en France."On a voulu avoir une démarche locale et environnementale à divers niveaux", explique Wilfried, "On a fait le choix de ne pas s'enfoncer dans un rythme de collections effréné", souligne Wilfried. Ainsi, à leur propre rythme, l'équipe Ballorin réinvente l'homme moderne avec une petite touche queer qui ne nous rend pas insensibles.
LOOM - Julia Faure et Guillaume Declair
H&M, Zara, Asos, autant de marque chez qui beaucoup ont l'habitude de se vêtir. En sachant très bien que les tee-shirts finiront déformés après deux lavages, et que les conditions de travail des ouvriers laissent à désirer. Mais il y a des acheteurs et des créateurs qui décident d'y mettre le holà. C'est le cas de Julia Faure et Guillaume Declair, qui ont créé en 2016 LOOM. Une marque de vêtement avec pour philosophie : "moins mais mieux". LOOM fait front à la "fast fashion", et met l'accent sur la qualité du coton et l'assemblage même du vêtement pour qu'il puisse durer bien plus longtemps.
"Au début, on se demandait comment les vêtements peuvent être reconnus comme des vêtements de qualité. Il n'y a rien qui indiquait la durée du vêtement", raconte Julia, "On a donc essayé de comprendre comment marche véritablement pour ensuite le réinventer". Les deux créateurs sont alors allés à la rencontre des usines spécialisées dans la fabrique de vêtement. Leur réponse était plus qu'équivoque sur notre mode de consommation. "Quand on leur demandait comment pouvait être fait un t-shirt de qualité, personne n'a vraiment su nous répondre", déclare la créatrice, "C'est vraiment un langage qui ne parle plus aux professionnels", souligne t-elle. Julia et Guillaume se sont ainsi formés, en autodidactes. "On a rencontré des experts, on a lu beaucoup de livres, participé à des formations", explique Julia.
Pour Julia, être une femme lesbienne, c'est ce qui l'a aidé à s'intéresser et militer en faveur de l'environnement. "C'est un peu comme si j'avais eu une pré sensibilisation à ça", raconte t-elle. "Le fait de m'intéresser aux questions de genre ont clairement a clairement créé un terreau fertile pour les problématiques liées à l'environnement".
Il faut savoir que l'industrie de la mode est la deuxième industrie la plus polluante derrière l’industrie pétrolière dont elle exploite ses dérivés. Aussi LOOM se veut être une marque militante. "On montre à quel point ce système d'obsolescence du vêtement est un véritable piège", précise Julia "On utilise principalement du coton et de la laine. Des matières dont micro fibres qu'elles relâchent ne sont pas nocives pour l'environnement". Les fibre de cotons, différentes de celles utilisées au quotidien, sont ensuite tissées de manière compact permettant d'éviter l'apparition de bouloche et que le tissu soit plus résistant. Ainsi se forme le vêtement LOOM qui, selon l'émission Capital sur M6, tient 10 ans, contre 10 jours face à un tissu Primark.
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Phèros - Clémence David et Juliette Bergé
"My Love", "Human", "Dramaqueer" ou encore "Fesses que tu veux", sont des broderies que l'on peut retrouver sur les t-shirts, casquettes, bonnets et sweats produits et vendus par Clémence David et Juliette Bergé. Toutes deux, en couple depuis deux ans, ont fondé Phèros, un e-commerce de vente de vêtement en ligne. Ou plutôt une manière de "prôner la liberté d'aimer", comme les deux créatrices aiment le proclamer. De simples vêtements qui véhiculent pourtant un message de tolérance dans une société encore haineuse vis à vis de la communauté LGBT+.
Avant de confectionner des vêtements, Phèros est une entreprise qui prône les valeurs LGBT+. Par leurs habits, les deux créatrices espèrent créer un monde plus tolérant et respectueux. Aussi, Clémence assure qu'une partie des bénéfices seront reversés à des associations LGBT+. "On fait ça pour la communauté LGBT+ et à plusieurs, on est plus forts", déclare t-elle pour TÊTU. "L'idée, c'est vraiment de lier la communauté LGBT+", ajoute Clémence. Elle explique également qu'elle souhaite donner la possibilité aux personnes queer de se reconnaître de manière discrète dans la rue. Par un simple message aux couleurs arc en ciel, brodé sur un t-shirt, tous pourront se distinguer, et éventuellement échanger. "Je me souviens d'un mec qui nous a contacté, nous disant qu'avec son t-shirt une fille en soirée est venue le voir lui disant 'hey tu fais partie de la communauté!'. C'est l'idée", précise Clémence.
Néanmoins, loin de là l'idée d'être sectaire. Même si la couleur du drapeau arc en ciel domine sur les produits des deux créatrices, les vêtements proposés s'adressent à tous, et même aux alliés. "On est LGBT+ mais c'est destiné à tout le monde", souligne Clémence "C'est juste une manière de se reconnaître entre nous dans une société hétéronormée". Une façon, finalement, de créer des safe spaces n'importe où.
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Crédits photos : @jerome_haffner / @alex.blnchard / Phèros / LOOM