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mariage10 événements LGBT+ en France qui ont marqué la décennie

Par Timothée de Rauglaudre le 25/12/2019
LGBT+

Mariage pour tous, changement d'état civil, PrEP... Les années 2010 ont été marquées par l'acquisition de nouveaux droits pour les personnes LGBT+. Avec comme revers de ces conquêtes et de la visibilité qu'elles impliquent, une hausse de l'hostilité. TÊTU vous propose de revivre la décennie qui s'achève en 10 dates clés.

Entre l'agression d'une jeune femme trans en pleine place de la République à Paris, l'adoption de la PMA pour toutes à l'Assemblée nationale (avant son arrivée au Sénat), on ne sait pas trop quoi penser de ces derniers mois qui concluent les années 2010. En tout cas, la décennie écoulée aura incontestablement vu la conquête de nouveaux droits pour les personnes LGBT+, obtenues au terme de combats militants sans relâche. Le mariage pour tous a été adopté, le changement d'état civil pour les personnes trans a été (légèrement) facilité, la PrEP a fait son arrivée en France, pour le plus bonheur des associations de lutte contre le VIH/sida, la PMA pour toutes est en bonne voie... Et il reste encore tant à faire.

Mais la décennie 2010 aura aussi été celle de La Manif pour tous, qui continue de se mobiliser bruyamment contre les droits LGBT+. Les actes homophobes et transphobes ne cessent d'augmenter ; pas une semaine ne passe, ou presque, sans qu'une nouvelle agression soit signalée. Alors plaçons cette nouvelle décennie sous le signe de la vigilance, et méditons sur cette célèbre citation de Simone de Beauvoir, qui se référait aux droits des femmes mais qu'on peut facilement appliquer à nos propres droits : "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."

1. 10 février 2010 : la transidentité n'est plus considérée comme une maladie mentale

La France a été le premier pays au monde à franchir ce pas. Mercredi 10 février, le ministère de la Santé, sous la houlette de Roselyne Bachelot, publie au Journal officiel un décret qui retire "les troubles précoces de l'identité de genre" de la liste des affections psychiatriques. En d'autres termes, la transidentité n'est plus considérée comme une maladie mentale.

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L'Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle, attendra quelques années de plus. Jusqu'à 2019, la "non-cohérence de genre" restera classée dans la partie "troubles mentaux et du comportement" dans sa Classification internationale des maladies (CIM-11). Le 27 mai 2019, l'institution des Nations unies déplace enfin la transidentité au chapitre de la santé sexuelle. Une manière d'éviter le déremboursement des frais médicaux dans certains parcours de transition.

2. 17 mai 2013 : les couples de même sexe peuvent se marier et adopter des enfants

C'était une promesse du candidat François Hollande. Le président du "changement c'est maintenant" écrivait dans sa promesse n°31 : "J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels." Une revendication de longue date des associations LGBT+. Le candidat socialiste pensait faire passer sa réforme les yeux fermés. Il était loin d'imaginer les centaines de milliers de manifestants, notamment issus des rangs la droite chrétienne, rassemblées au sein du collectif La Manif pour tous, qui allaient battre le pavé pour s'y opposer.

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Après des débats houleux, douloureux pour de nombreuses personnes LGBT+, l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe est adoptée le 17 mai 2013, date de la journée mondiale contre l'homophobie. La France devient ainsi le 9e pays européen et le 14e pays au monde à s'engager dans cette voie. Une avancée qui se sera faite au prix de renoncements et de souffrances. Comme lorsque la PMA pour toutes, autre promesse du candidat à la présidence de la République, a été enterrée. Ou quand le président Hollande a envisagé une clause de conscience pour les maires ne souhaitant pas marier des couples de même sexe... avant de reculer.

3. 23 novembre 2015 : la PrEP, traitement préventif contre le VIH, est désormais remboursée par la Sécurité sociale

Un traitement qui a fait des preuves aux États-Unis et qui commence à s'installer en France depuis quelques années. Le 23 novembre 2015, la ministre de la Santé Marisol Touraine annonce que la PrEP (prophylaxie pré-exposition) sera disponible en France dès le mois de décembre et remboursé à 100 % par la Sécurité sociale à partir de 2016. Plusieurs associations, dont AIDES, demandaient le remboursement du traitement préventif contre le VIH, destinés aux personnes séronégatives, depuis janvier 2013.

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En 2018, 7 000 personnes sur le territoire national étaient sous PrEP, dont 97 % sont des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Le traitement, commercialisé sous le nom de Truvada, est accessible sur prescription médicale. La PrEP permet d'avoir des relations sexuelles sans préservatif mais ne protège pas d'autres infections sexuellement transmissibles comme la chlamydia - curables, contrairement au VIH.

4. 11 juillet 2016 : les homosexuels peuvent donner leur sang... après un an d'abstinence

Depuis 1983, les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes, considérés comme "catégorie à risque", étaient exclus du sang du sang. Une partie de la sphère militante LGBT+ y voit une discrimination majeure. L'association AIDES, elle, estime que "le don du sang n’est pas un droit et qu’il n’a pas à répondre à une demande sociale des donneurs-ses mais aux besoins des receveurs-ses" et se soucie de "garantir la sécurité du système transfusionnel".

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Pour autant, l'exclusion des HSH de ce dispositif a peu a peu été résorbée. Lundi 11 juillet 2016, cette interdiction trentenaire est partiellement levée, à l'initiative de la ministre de la Santé Marisol Touraine. Une promesse de campagne, là encore, du candidat Hollande. Cependant, les hommes gays ou bisexuels souhaitant donner leur sang doivent avoir auparavant observé une période d'abstinence... de douze mois ! Un vrai challenge. À partir de février 2020, ce délai à respecter sera réduit à quatre mois.

5. 18 novembre 2016 : les personnes trans n'ont plus besoin d'opération pour changer d'état civil

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, portée par la ministre de la Justice Christine Taubira, a (un peu) facilité le changement de sexe à l'état civil pour les personnes transgenres. En effet, grâce à cette loi qui sera complétée par un décret d'application le 29 mars 2017, les personnes trans n'ont plus besoin, en principe, de fournir des documents médicaux pour effectuer une telle demande.

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En effet, depuis 1992, une jurisprudence de la Cour de cassation, les personnes souhaitant changer de sexe à l'état civil devaient fournir la preuve qu'elles avaient effectué une opération génitale irréversible ou qu'elles suivaient un traitement hormonal. C'est donc la fin de la stérilisation forcée. Mais, pour les associations de défense des droits des personnes transgenres, cette loi n'est pas allée assez loin. La procédure n'est ni libre ni gratuite : elle se fait devant un juge et non devant un officier d'état civil en mairie, et implique des frais d'avocat.

6. 17 mai 2018 : Mounir Mahjoubi est le premier membre d'un gouvernement en exercice à faire son coming out gay

Il a choisi comme date symbolique la journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie. Et Twitter comme moyen d'expression. Le 17 mai 2018, le secrétaire d'État au Numérique Mounir Mahjoubi, alors âgé de 34 ans, poste un message sur son compte Twitter : "L’homophobie est un mal qui ronge la Société, envahit les collèges et les lycées, contamine les familles et les amis perdus. Pire, elle hante les esprits des homosexuels, et nous oblige parfois, souvent, à nous adapter et mentir pour éviter la haine, pour vivre."

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Ce simple "nous" permet de comprendre. Il est alors le premier membre d'un gouvernement en exercice à faire son coming out homosexuel. Quelques mois plus tard, le 17 juillet, il devient le premier secrétaire d'État à poser en couple avec un homme dans le magazine Paris Match. En mai 2019, dans les pages de TÊTU, il confiait son espoir de devenir le dernier maire de Paris ouvertement gay après Bertrand Delanoë. Un espoir balayé par son ralliement, en août, à Benjamin Griveaux.

7. 16-17 août 2018 : la travailleuse du sexe transgenre Vanesa Campos est assassinée au bois de Boulogne

C'est un meurtre qui a bouleversé la communauté des travailleuses et travailleurs du sexe. Et qui continue, encore aujourd'hui, de marquer les esprits. Dans la nuit du 16 au 17 août, Vanesa Campos, 36 ans, travailleuse du sexe transgenre, est assassinée en plein bois de Boulogne. Depuis la loi de pénalisation des clients de la prostitution, adoptée en 2016, les travailleuses et travailleurs du sexe, surtout ceux qui exercent dans l'espace public, doivent travailler dans des endroits plus reculés, pour préserver l'anonymat de leurs clients.

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Ce soir-là, Vanesa Campos et ses collègues doivent s'enfoncer dans le bois plus que d'habitude, pour faire leur travail à l'abri des regards et de la police. Des rôdeurs en profitent pour tenter de dépouiller leurs clients. C'est elle qui crie pour donner l'alerte à ses collègues. Avant d'être tuée par balle. Le 18 janvier dernier, son meurtrier présumé a été mis en examen et incarcéré. Il ferait partie d'une sorte de "mafia". Depuis l'assassinat de Vanesa Campos, les associations de travailleuses et travailleurs du sexe n'ont eu de cesse que de dénoncer la multiplication des agressions contre les femmes et hommes exerçant ce métier.

8. 31 mars 2019 : Julia Boyer, femme transgenre, est agressée en pleine place de la République

Elle est devenue une figure de la lutte contre la transphobie dans l'espace public. Le 31 mars 2019, Julia Boyer, jeune femme transgenre de 31 ans, se trouve place de la République, à Paris. Elle traverse une manifestation anti-Bouteflika et est prise à partie par de jeunes Algériens. Elle est insultée, arrosée de bière, touchée aux seins et à la tête, puis violemment frappée. L'agression, filmée, fait le tour des réseaux sociaux. Julia Boyer témoigne dans divers médias avec un flegme exemplaire. Elle porte plainte le 3 avril.

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Le même jour, sur LCI, elle refuse toute récupération de son agression à des fins racistes : "Les personnes qui m'ont agressée sont des personnes ignorantes, et ça n'a rien à voir avec leurs croyances, le fait qu'ils soient algériens", déclare-t-elle. Le 22 mai, le tribunal correctionnel condamne à dix mois de prison, dont quatre avec sursis, son agresseur, Amari Saddik, 23 ans, sans-papiers, d’origine maroco-algérienne. "La justice a fait son travail", a sobrement estimé Julia Boyer à la sortie du tribunal.

9. 15 octobre 2019 : la PMA pour toutes est adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale

La promesse enterrée du candidat Hollande a été reprise par Emmanuel Macron. Mais le réexamen de la loi bioéthique, comprenant l'ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules, sera sans cesse reporté, officiellement pour des raisons d'encombrement du calendrier parlementaire. Le 15 octobre 2019, finalement, le projet de loi bioéthique est adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, à 359 voix contre 114.

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Le texte doit désormais passer l'étape du Sénat en janvier 2020. Un passage qui ne s'annonce pas sans embûches, puisque le palais du Luxembourg est dominé par une majorité de droite. À l'Assemblée nationale, la plupart des députés Les Républicains se sont opposés au projet de la loi bioéthique. Chez TÊTU, on va continuer de suivre ce dossier majeur de l'égalité des droits avec la plus grande attention...

10. 11 décembre 2019 : deux députés rendent leur rapport sur les "thérapies de conversion", qu'ils veulent pénaliser

C'est un sujet médiatisé très récemment, et longtemps resté hors des radars des pouvoirs publics. Oui, en France, en 2019, des groupes, des pseudo-thérapeutes, souvent dans des milieux religieux fondamentalistes, continuent de vouloir changer ou refréner l'orientation sexuelle ou l'identité de genre des personnes. Un livre, Dieu est amour, publié en octobre chez Flammarion, et un documentaire, Homothérapies, diffusé sur ARTE le 26 novembre, ont contribué à alerter l'opinion publique sur les dangers des "thérapies de conversion" pour la santé mentale des participants. De leur côté, la députée LREM de l’Allier Laurence Vanceunebrock Mialon et le député LFI de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud ont mené depuis début septembre une mission d'information pour essayer de mieux comprendre les contours du phénomène et réfléchir à des moyens de le pénaliser.

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Le 11 décembre, ils ont présenté devant la commission des lois les conclusions de cette mission d'information. Si leur rapport souligne qu'il n'existe pas de "mesure objective" des "thérapies de conversion" en France, il suggère toutefois que "ces pratiques s’étendent et prennent une ampleur inquiétante". La mission d'information a en effet permis d'identifier une centaine de témoignages, directs ou indirects, de victimes de ces pseudo-thérapies, en milieu religieux mais aussi médical. À cette occasion, Laurence Vanceunebrock Mialon et Bastien Lachaud ont proposé onze recommandations pour lutter contre ces pratiques. La principale, la création d'un "délit spécifique", dans le code pénal, devrait faire l'objet d'une proposition de loi déposée dans les prochains mois, courant 2020.

Crédit photo : Amanda Hinault / Flickr