L'avantage du Covid-19, c'est que tout le monde pouvait regarder les défilés de la Fashion Week masculine en ligne. Notre chroniqueur cobaye Ulysse Josselin raconte sa semaine de la mode.
Il m'a fallu un peu de temps pour me remettre de ces 6 jours de fashion week masculine intensifs. Des journées entières de défilés. De 10h à 20h30. Comme si la mode tentait de garder la face en schedulant (du verbe scheduler) des défilés pré-enregistrés, parfois sous forme de court-métrage, performance et autres prouesses. C’est une bonne chose, que de donner aux marques l’occasion de se réinventer, dans une industrie où performance et compétitivité règnent et où il est de plus en plus compliqué à étonner et donc à se démarquer.
Passons à l’essentiel. Cette Paris fashion week homme collection automne hiver 2021, c’est 68 shows et présentations, c’est 6h52 et 12 secondes de looks, de mode et de set digital improbable. C’est Paris Hilton qui dit 20 586 fois “That’s hot” en boucle. C’est quasi 382 fois le clip Libertine de Mylène Farmer en continu. C’est presque 2419 fois le post instagram de Marlène Schiappa agitant son nouveau lissage brésilien. C’est long et si court à la fois.
Ambiance apocalyptique
J’ai été étonné que les défilés et présentations ne soient pas plus troubles, pessimistes, alarmistes, maussades. Seulement deux défilés ont coché ces adjectifs. Le premier étant le label chinois Sankuanz. Le défilé se passe dans une reproduction de la Tour Eiffel dans la ville de Tiandu, autour d’immeubles qui semblent inhabités. La musique est anxiogène, tout est fait pour créer une ambiance apocalyptique. Comme le monde tend à l’être ces derniers temps. Les looks sont déprimants, froids mais extrêmement visuels. Beaucoup de pièces cloutées, dont des cagoules qui ont remplacé les masques et qui arborent des pointes métalliques. Et on a l’impression d’être dans un clip de Slipknot. Pratique pour respecter la distanciation sociale, et elle fonctionne surtout parce que vous faites peur et que personne ne veut s’approcher de vous.
Le deuxième show, se rapprochant de cet état d’esprit est celui de Sean Suen. Le défilé a lieu sous un énorme pont en fer. Il y a beaucoup de brume, le climat n'est pas rassurant. Les images tremblent. On aperçoit les grattes ciels autour, puis on s’y retrouve de plus en plus proche de ce modèle, en haut d’un de ces immeubles froids et tristes comme le look monochrome gris qu’il porte. Des bruits de klaxons ont été ajoutés au visuel. Inconfortable.
Performances contemporaines
Certaines marques ont vraiment joué le jeu et ont présenté leurs collections à travers des performances comme le créateur LGN Louis-Gabriel Nouchi, qui a révélé sa collection au Palais de Tokyo à travers des modèles qui dansent, chorégraphiés par la compagnie Sohrâb Chitan. Et notamment devant un mur de miroirs. Le look monochrome blanc s’y décuple à l’infini. Il porte un long trench qui vacille avec ses mouvements et qui, par une ouverture symétrique des deux côtés du trench, laisse ses jambes traverser le manteau. C’est beau.
C’est chez Études qu’on retrouve également de la danse. Le défilé commence dans le hall de la station de métro Châtelet/Les Halles avec un mannequin qui agite les bras et les pieds, une sorte de danse moderne et j’ai l’impression de me voir jadis, saoul, en train de danser au Tango. Nostalgie. La chorégraphie est signée Jordan Robson. Pour les pièces, on retrouve du costume mixé à du léopard, des blousons seventies, de la maille et des colliers imposants.
(De gauche à droite par ordre d’apparition, Sankuanz, LGN Louis-Gabriel Nouchi, Études)...