bioéthiqueEnfants nés d'une GPA : l'adoption par le second parent vient tout recompliquer

Par Nicolas Scheffer le 04/06/2021
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Lors du nouvel examen cette semaine du projet de loi bioéthique à l'Assemblée, les députés ont bataillé pour que l'exécutif tienne ses promesses. Si l'état civil des parents d'un enfant né d'une GPA n'est plus transmis automatiquement en France, il faut faciliter l'adoption.

Les parlementaires ont redémarré l'examen du projet de loi bioéthique ce mardi 2 juin. Le vote de la loi, qui contient la PMA pour toutes, est attendu depuis une éternité par les militants des droits LGBTQI+. Mais dans les couloirs du Palais Bourbon, c'est bien de GPA dont on a parlé cette semaine.

En deuxième lecture, les députés ont adopté l'article 4bis, une petite révolution. Il revient sur la transcription automatique de l'état civil des enfants nés d'une GPA à l'étranger, un acquis de la Cour de cassation qui a fait jurisprudence. Simplifions : lorsqu'un couple est reconnu parents à l'étranger d'un enfant issu d'une GPA, la France doit les reconnaître tous les deux parents en France. C'est dans l'intérêt de l'enfant, avait tranché la justice en décembre 2019.

Le gouvernement revient sur la jurisprudence

Mais les députés sont revenus sur cet usage. "Il y avait un problème de trafic d'enfants en Ukraine", souffle à TÊTU Coralie Dubost, l'une des rapporteuses LREM du projet de loi bioéthique. Caroline Mecary, l'avocate qui avait obtenu cette jurisprudence, y voit plutôt un "calcul électoral pour cajoler un électorat conservateur". Car le résultat c'est qu'une fois la loi votée, la France reconnaîtra le parent biologique mais plus automatiquement le parent d'intention, qui devra à nouveau adopter son propre enfant.

Une démarche non seulement injuste mais compliquée, à l'issue d'un parcours du combattant pour voir naître son enfant. "Il a fallu 20 ans de batailles juridiques pour avoir cette décision et une minute de débat en séance pour revenir dessus avec de mauvais motifs", déplorait Me Mecary fin juillet dans TÊTU. "C'est une démarche qui créé une pression sur le parent d'intention qui a besoin du consentement de son partenaire pour adopter. Si le couple se sépare juste après la naissance, cela peut remettre en cause la place du père d'intention. Tout cela est inutilement préjudiciable pour l'enfant", complétait Alexandre Urwicz, président de l'ADFH.

Une proposition de loi pour faciliter l'adoption

Voyant le tollé potentiel autour d'une réforme censée incarner la jambe progressiste du gouvernement, l'exécutif promet de compenser le recul en facilitant l'adoption. Interrogé par TÊTU en avril, le ministère de la Justice souligne ainsi que celle-ci doit être "améliorée et, très prochainement, ouverte à tous les couples". Actuellement, pour adopter l'enfant du conjoint, il faut en effet être marié. La proposition de loi Limon prévoit que les concubins et les couples pacsés pourront désormais également adopter.

"La proposition de loi a déjà été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale et devrait revenir prochainement au Sénat", nous assurait encore le ministère. Prochainement, vraiment ? "Cela fait deux ou trois mois qu'on demande au gouvernement de s'engager sur un calendrier et qu'il ne le fait pas", peste Coralie Dubost. "Le gouvernement n'a même pas envoyé le texte au Sénat alors qu'il a été voté à l'Assemblée début décembre", râle également une source parlementaire de la majorité.

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Pour mettre la pression sur le gouvernement, Coralie Dubost a menacé cette semaine de supprimer purement et simplement  l'article 4bis du projet de loi bioéthique. Et devinez quoi ? L'exécutif a miraculeusement trouvé un créneau pour l'examen de la proposition de loi Limon ! "Matignon m'a assuré que la proposition de loi sur l'adoption pourrait être examinée fin septembre, début octobre. Elle suivra une procédure accélérée pour qu'il n'y ait qu'une lecture supplémentaire à l'Assemblée. La loi devrait être promulguée avant la fin de l'année", glisse aujourd'hui la députée Dubost. Interrogé de nouveau, le ministère de la Justice n'a pas souhaité nous préciser ce calendrier. "Les promesses n'engagent que ceux qui y croient", souffle la source parlementaire…

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