VIHVIH/sida : quelle place pour "l'autre épidémie" dans la campagne présidentielle ?

Par Nicolas Scheffer le 06/04/2022
Présidentielle, vih/sida

Après l'épidémie de Covid-19, la campagne présidentielle occulte la lutte contre VIH/sida. Et les prétendants à l'Élysée ont peu d'idées pour faire repartir les dépistages.

Dans toute l'Île-de-France, des affiches se multiplient. Contrairement aux pancartes officielles, les candidats sont présentés de dos avec ce slogan : "aujourd'hui pour faire face au sida, il n'y a aucun·e candidat·e". Force est de constater que "l'autre épidémie" peine à avoir une place dans les discours politiques. Or, "nous sommes loin des engagements que nous nous étions fixés d'éradication de l'épidémie d'ici 2030", assure la présidente d'Aides en visio. Avant le premier tour, on fait le point.

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À noter : à quelques jours de l'élection présidentielle, faute d'avoir rendu public son programme concernant les sujets LGBTQI+, nous ne sommes pas en mesure de développer les propositions d'Emmanuel Macron. Contrairement à Emmanuel Macron qui ne s'est donc pas exprimé sur le sujet, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon ont le programme le plus complet concernant le VIH/sida. L'un comme l'autre portent comme mesure principale l'ouverture de plusieurs Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) et font le constat qu'ils sont à ce jour débordés, avec des horaires restreints, freinant l'accès à la santé. En outre, Jean-Luc Mélenchon veut étendre "au labo sans ordo" à toutes les IST.

Au labo sans ordo, mais aussi sans info

Cette mesure permet à n'importe quelle personne de se rendre dans un laboratoire pour se faire dépister au VIH sans ordonnance et sans avance de frais. Jusqu'alors, cette possibilité était à l'expérimentale et limitée à Paris et aux Alpes-Maritimes. Le gouvernement l'a étendue cette année, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. "On est au tout début du déploiement. Il faut maintenant que les Français sachent qu'ils ont cette possibilité que nous appelions de nos vœux de longue date. Or, à ce jour, aucune campagne d'information n'a été faite", demande Camille Spire. Alors qu'on estime que quelque 25.000 personnes ne savent pas qu'elles vivent avec le virus, il est nécessaire de relancer les dépistages et de faire circuler l'information.

Pas d'information non plus auprès des généralistes, qui peuvent désormais prescrire la PrEP en première intention, depuis mai dernier. Jusqu'à présent, il fallait se rendre dans un CeGIDD. Seulement avant de le faire, le médecin doit être formé au médicament. Près d'un an après la réforme, peu de médecins ont été formés et cette possibilité ouverte sur le papier est difficilement accessible pour les particuliers. Par exemple, aucun rendez-vous de généraliste pouvant prescrire la PrEP n'est disponible à La Rochelle selon Doctolib. Même chose à Strasbourg. À Rennes, un centre de santé peut la prescrire, mais aucun rendez-vous n'est disponible.

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"Si ni les médecins ni les patients ne savent qu'ils peuvent proposer la PrEP, la mesure ne peut atteindre ses objectifs", regrette Camille Spire. D'autant que les bons chiffres d'avant Covid-19 ont été stoppés par l'épidémie : entre 2019 et 2020, le nombre de dépistage a diminué de 19% et les nouvelles prescriptions de PrEP ont diminué de 25%. Pour revenir à des chiffres positifs, aides préconise de mettre à disposition le maximum d'auto-tests. "Nous envoyons des auto tests par courrier car nous avons vu pendant le confinement que c'était un moyen efficace de faire de la prévention auprès de personnes qui ne poussent pas la porte des lieux de prévention", soutient la présidente de Aides. Mais les financements publics ne suivent pas la cadence.

L'association alerte également sur les retards quant aux engagements de la France dans le financement mondial de la lutte contre le VIH/sida. À neuf mois de la fin du cycle d'engagement, la France n'a versé que 60% de ce qu'elle promettait. "Les derniers versement auront lieu avec un an de retard en 2023. Mais ils sont indispensables dans de nombreux pays où l'accès aux traitement n'est pas suffisant et où le dépistage a ralenti", pointe-elle.

Pas d'ambition pour le chemsex

Concernant le chemsex, un rapport a été rendu public, mi-mars. Il appelle à mettre en oeuvre une démarche "d'aller vers" et encourage les pouvoirs publics à s'appuyer sur les associations communautaires. "Aujourd'hui, c'est bien que le chemsex devienne un sujet, mais il n'y a pas encore de parcours, les acteurs ne sont pas coordonnés. Et surtout, en dehors de Paris, rien n'est fait pour accompagner les personnes qui ne maîtrisent pas leur consommation", souffle Camille Spire. Pourtant, 20% des hommes gays et bis seraient concernés.

Jean-Luc Mélenchon promet de "mettre en oeuvre une stratégie de prévention spécifique aux usager·es de chemsex par un renforcement des moyens alloués par les pouvoirs publics aux associations communautaire, en favorisant la consommation maîtrisée par l'accompagnement et l'éducation aux risques liés à chaque pratique". Les écologistes entendent financer des expérimentations associatives.

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