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politiquePrésidentielle : ce que réclament les associations LGBTQI+

Par têtu· le 14/04/2022
Présidentielle : ce que réclament les associations LGBTQI+

Alors que le second tour de l'élection présidentielle, le dimanche 24 avril, doit déterminer qui d'Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen présidera aux destinées de la France pour les cinq ans à venir, têtu· a demandé à cinq associations de la communauté un plaidoyer définissant les actions nécessaires dans leur domaine : droits des personnes trans, lutte contre les LGBTphobies, prévention du VIH et du chemsex, sécurité… La parole est aux spécialistes du terrain.

GIOVANNA RINCON
→ ACCEPTESS-T

Les personnes trans doivent être globalement mieux soignées. Dans les cabinets de médecins comme à l’hôpital, l’accueil qui leur est réservé est souvent maladroit, voire hostile, ces personnes étant souvent confrontées à un regard psychiatrisant de leur identité. Elles ont également toutes les difficultés du monde à pouvoir accéder à une transition médicale. Un testing de l’association OUTrans montre que sur 50 endocrinologues appelés, 45 refusent de prendre en charge la transition de personnes trans, déclarant ne pas être suffisamment formés pour le faire.

Si la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a énuméré des recommandations afin de faire respecter les droits des personnes transgenres en prison, on en est toujours au point mort dans l’harmonisation des règles initiant les parcours de transition en détention. Dans de nombreux centres pénitentiaires, des détenu·es sont d’ailleurs placé·es dans un secteur ne correspondant pas à leur genre. Cela doit cesser.

Il faut aussi lutter contre les discriminations au travail. Selon la Commission européenne, une personne trans sur trois déclare avoir perdu un emploi en raison de sa transidentité. La France doit également reconnaître avoir pratiqué une forme de maltraitance en demandant aux personnes trans, et ce jusqu’en 1992, d’être stérilisées pour pouvoir accéder à une transition, et réfléchir à une forme de réparation financière par l'État.

Enfin les demandeur·euses d'asile LGBTQI+ doivent être véritablement protégé·es. Et les officiers publics et les juges chargés des demandes d'asile doivent respecter leur vie privée.

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SÉBASTIEN TÜLLER
→ AMNESTY INTERNATIONAL

Le prochain quinquennat devra impérativement mettre fin à toutes les discriminations à l’égard des personnes LGBTQI+ sur le territoire national, notamment en permettant enfin l’accès à la PMA à toutes les personnes transgenres et en protégeant d’urgence les personnes intersexes. La France doit d’urgence élaborer et appliquer des protocoles de santé respectueux des droits fondamentaux afin de garantir qu’aucun enfant intersexe ne soit soumis à des pratiques médicales de “normalisation” ne présentant aucun caractère d’urgence.

Face à la multiplication des mesures et rhétoriques homophobes et transphobes en Europe et dans le monde, les candidat·es à la présidentielle doivent également s’engager à promouvoir et à protéger de manière énergique les droits des personnes LGBTQI+ à l’international. Sur ce point, si nous souhaitons véritablement avoir l’ambition de travailler efficacement à la dépénalisation universelle de l’homosexualité et de la transidentité dans le monde, il nous faut nous doter d’une stratégie diplomatique et d’un·e ambassadeur·rice spécifique aux droits des personnes LGBTQI+.

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AURÉLIE MAYEUX
→ AIDES

Les communautés LGBTQI+ sont confrontées au phénomène du chemsex. La politique prohibitionniste déployée depuis des décennies en France vise un monde sans drogue et cherche à dissuader de consommer des produits psychoactifs en multipliant les sanctions pénales. Outre l’absence d’effets sur la consommation, cette logique est un non-sens en termes de santé publique. Au contraire, la réduction des risques consiste à soutenir les personnes et à trouver avec elles des solutions adaptées à leurs pratiques. Elle leur redonne une place, alors qu’elles sont stigmatisées et discriminées en raison de leur consommation.

Les politiques de contrôle de l’immigration, les difficultés à obtenir un titre de séjour, et les réformes visant à restreindre l’accès au soin des personnes étrangères vivant en France favorisent les contaminations au VIH et aux hépatites virales. Près de la moitié des personnes étrangères vivant avec le VIH ont été contaminées après leur arrivée en France. Agir sur la santé des personnes étrangères, c’est adopter la démarche d’aller vers ce public avec des personnes elles-mêmes issues de leurs communautés, et connaissant leurs besoins.

Enfin, donner accès à un outil de prévention à toutes les personnes vivant avec le VIH, cela passe par une plus grande transparence dans l’évaluation des médicaments et des mécanismes de fixation des prix, ainsi que dans la remise en cause de certains brevets.

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LUCILE JOMAT
→ SOS HOMOPHOBIE

Les nombreuses mesures que comporte le plan de lutte contre les LGBTphobie porté par la ministre de la Diversité et de l’Égalité des chances, Élisabeth Moreno, ne sont pas financées, ce qui fait reposer tout le travail sur les militants bénévoles. Résultat, les choses avancent à petits pas. À l’image de la lutte contre les violences faites aux femmes, un budget important doit être alloué, et du personnel formé doit être dédié à l’accompagnement des victimes de LGBTphobies.

Nous devons mieux former et mieux sensibiliser à ces violences, notamment à l’école, où l’on peut faire évoluer les mentalités. Ces séances doivent être réalisées par des personnes sachant parler aux jeunes des sujets LGBTQI+. Une sensibilisation maladroite peut devenir catastrophique et créer des situations dangereuses. C’est pourquoi SOS Homophobie fournit aux intervenants des outils pour aborder ces questions.

Mais notre travail ne doit pas s’arrêter aux élèves. Tous les adultes devraient être sensibilisés aux LGBTphobies, à commencer par ceux travaillant dans les ressources humaines et dont la charge est d’instaurer dans l’entreprise un environnement bienveillant. Dans le monde du travail, ces formations doivent être obligatoires et non optionnelles, afin
de toucher le maximum de salariés possible.

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JOHAN CAVIROT
→ FLAG

Nous devons poursuivre l’effort de formation aux LGBTphobies des forces de l’ordre, notamment en gendarmerie, où les victimes sont beaucoup plus isolées que dans les grandes villes. Actuellement, les policiers sont sensibilisés durant deux heures pendant leur formation initiale, et les sous-officiers de gendarmerie le sont une heure trente. C’est trop peu, et il faut que ces questions soient également abordées tout au long de la carrière.

Des forces de l’ordre formées, c’est un meilleur accueil des personnes qui font appel à nous dans un moment où elles sont particulièrement vulnérables, mais c’est également une meilleure réponse aux actes dont elles nous font part. Car la bonne qualification d’une plainte participe fortement à la manière dont elle sera traitée par un magistrat.

Par ailleurs, il faut faire connaître l’application de signalements Flag! et le dispositif En lieu sûr. L’application permet de recenser anonymement les actes LGBTphobes, sérophobes ou relevant d’autres discriminations, ainsi que ceux liés aux violences conjugales dans les couples LGBTQI+, puis de diriger les victimes dans un processus de plainte et vers les associations pouvant les aider. Car seules 4% des victimes d’injures osent les signaler. Des simples autocollants “En lieu sûr” permettent également aux victimes de reconnaître un endroit sûr où se réfugier avant d’être prises en charge par les secours. Ces personnes y trouveront un accueil bienveillant.

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Crédit photo : Élodie Hervé