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cinéma"Mean Girls", le remake qui voulait faire les choses (les)bien

Par Florian Ques le 12/01/2024
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Le film ado culte des années 2000 Lolita malgré moi s'offre un lifting avec une version comédie musicale. Drôle et moderne, Mean Girls corrige son aînée avec une représentation lesbienne assumée. Mais à quel prix ?

En l'espace de vingt ans, les mentalités évoluent – les "méchantes filles" aussi. En 2004 sortait Lolita malgré moi (Mean Girls dans la version originale, soit littéralement "les méchantes filles"), comédie ado piquante où Cady Heron, une lycéenne quelconque et candide au possible, infiltrait la clique des Plastiques, les reines du bahut menées par l'impitoyable Regina George. Deux décennies plus tard, Tina Fey, qui était scénariste du film originel, signe un remake intitulé Mean Girls, lolita malgré moi. Dans cette nouvelle mouture actuellement en salles, les fondations sont en grande partie identiques, certaines répliques sont même reproduites mot pour mot.

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Quand les Mean Girls étaient lesbophobes

Au début de notre siècle, les pestes de Mean Girls portaient bien leur nom, insultant de "salope" toutes celles qu'elles prenaient en grippe. Une acolyte de l'héroïne, Janis, incarnée par Lizzy Caplan (Masters of Sex), était leur souffre-douleur préférée. Étiquetée lesbienne par Regina, la jeune fille était constamment mise à l'écart par ses pairs. Elle ne pouvait compter que sur le soutien de Damian, son fidèle acolyte, lui-même ouvertement gay – ce qui était d'ailleurs assez novateur pour l'époque.

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Cady, Janis et Damian dans la version 2004.

En tout cas, l'image était claire : les queers se serraient les coudes mais restaient à l'écart, loin des cool kids, forcément hétéros. Pour autant, face au harcèlement lesbophobe de Regina et la moutonnerie des autres élèves, Janis ne se laissait pas faire, jusqu'à une scène mémorable où, face aux filles du lycée, elle avoue avoir tout manigancé pour faire tomber les "Plastiques" : "Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, lâche-t-elle d'un air sarcastique à l'attention de Regina. Peut-être parce que j'ai un énorme crush de lesbienne pour toi. Prends-toi ça !" La foule, hilare, se positionne du côté de Janis. La dynamique de pouvoir s'inverse enfin.

Une lesbienne mais un film plus lisse

En 2004, voir un personnage féminin comme Janis clamer haut et fort son homosexualité, c'est fort. Sauf que… la lycéenne au look emo n'est pas lesbienne et finit même le film dans les bras de Kevin Kapoor, l'intello de l'établissement qui en pince pour elle depuis le début. Ce n'est plus le cas en 2024 : "Avant le tournage, on est allé dans mon ancien lycée pour faire une enquête de terrain, appuie Arturo Perez Jr., co-réalisateur du remake. En parlant aux élèves d'aujourd'hui, il m'a semblé qu'ils acceptaient mieux la sexualité de leurs camarades et qu'ils étaient libres de s'assumer. Les choses qui étaient décriées ou tabous en 2004 ne le sont plus vraiment de nos jours. Le drapeau queer est brandi plus fièrement."

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Les nouveaux Damian, Cady et Janis de Mean Girls 2024.

La Janis nouvelle version – qui est interprétée par l'actrice bisexuelle Auliʻi Cravalho (Vaiana) – peut donc se pointer au bal de promo avec sa petite copine, main dans la main. Pas de coming out, pas de dialogue explicite : cette scène à elle seule suffit à nous apprendre la sexualité du personnage ainsi qu'à la banaliser. Ce n'est jamais un point de tension, l'aspect du harcèlement lesbophobe ayant totalement disparu du scénario. Sur le papier, cette modification paraît judicieuse. Après tout, elle normalise l'homosexualité et offre en prime une représentation lesbienne positive.

Or cette évolution est à double tranchant. Dans Lolita malgré moi, même si Janis souffrait d'être traitée comme une pestiférée, elle ne se laissait pas faire et parvenait même à retourner le stigmate dont elle était victime. À l'époque, le film dénonçait, en le montrant, le harcèlement LGBTphobe. En 2024, le politiquement correct et la distraction apportée par le côté comédie musicale – la principale plus-value de ce remake – font de Mean Girls un récit plus lisse. Si on peut s'attendre à passer un bon moment, mi-madeleine de Proust mi-plaisir coupable, c'est au détriment de la critique sociale, qui était pourtant l'un des socles de l'œuvre originale.

>> [Vidéo] La bande-annonce de Mean Girls, lolita malgré moi :

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Crédits photos : Paramount Pictures