justice"Je voulais rétablir la vérité" : Lucas a fait condamner ses parents pour violences homophobes

Par Tessa Lanney le 08/10/2024
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Le tribunal judiciaire d'Amiens a condamné les parents de Lucas, 18 ans, pour violences et insultes homophobes à l’encontre de leur fils. Le jeune homme témoigne auprès de têtu·.

Dans la maison familiale, Lucas vivait un enfer. Le tribunal judiciaire d'Amiens, dans les Hauts-de-France (Picardie), a validé son calvaire en condamnant, vendredi 4 octobre, ses parents à huit et dix mois de prison avec sursis pour violences et insultes homophobes. Le jeune homme, aujourd'hui âgé de 18 ans, avait déposé plainte en avril.

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"En portant plainte, je voulais rétablir la vérité. Je voulais qu’on reconnaisse le mal-être que j’avais vécu", témoigne Lucas auprès de têtu·. Le jeune homme espérait encore que ses parents aient un déclic et se remettent en question. "Je voulais qu’ils voient ce qu'ils m'ont fait, qu’ils finissent par s’ouvrir au monde." Mais à l'audience, "il n'y a eu aucun regard de compréhension de leur part, aucun début d’excuse, constate le jeune homme, amer. Lorsqu’on leur a demandé comment ils envisageaient l’avenir, ils ont répondu que ce serait mon choix puisque j’avais fait celui de partir. Comme si on ne m’y avait pas forcé…" Aujourd’hui, il sait qu’il ne renouera pas avec ses parents. "Je m’y suis préparé depuis mes 15 ans. J’ai déjà commencé ma vie d’adulte seul. Ils n’ont jamais été là pour moi."

Fouilles quotidiennes, maquillage interdit

Désormais, Lucas s'assume complètement, mais le coming out n'était longtemps pas envisageable pour lui : "Au collège, je me souviens dire à mes amis que je ne parlerais pas à mes parents avant d’avoir une situation stable. Je savais qu’il y avait la possibilité qu’ils me rejettent." Sauf que, très vite, ceux-ci ont eu des doutes. Alors le garçon fait attention, se maquille tôt le matin, quitte le domicile avant que ses parents ne soient levés et se démaquille avant de rentrer. "J’ai toujours été efféminé et attiré par le maquillage. Quand j'en porte, je suis dans ma bulle, je n’ai plus peur de rien", explique-t-il. Mais un jour, des résidus sur son visage ne passent pas inaperçus. La veille d’une sortie en famille, son père s’exclame devant sa sœur : "Je ne sortirai pas avec cette pédale au cinéma !"

Sa sœur répète immédiatement l'insulte à Lucas, 17 ans à l'époque. Le jeune homme refuse alors de sortir avec sa famille, sa mère monte dans sa chambre pour en connaître la raison, "et tout s’est enchaîné très vite, se remémore-t-il. Elle tournait autour du pot et elle a sorti cette phrase : «On appelle un chat un chat, un chien un chien.» J’ai répondu du tac-au-tac «un gay un gay»." Sa mère insiste pour qu’il en parle à son père. "C’était impossible de le faire de vive voix, raconte Lucas. Alors je lui ai écrit une lettre et il m’a répondu : «Excuse-moi si je vais être cru avec toi. Pour ma part, tu connais ma réaction, tu fais ce que tu veux avec ton cul mais ton gay tu ne me le ramènes pas à la maison.»"

"Si je peux aider ne serait-ce qu'une seule personne, alors j'aurai gagné."

C'est à partir de ce moment-là qu'ont commencé les violences. Le jeune homme est fouillé quotidiennement pour s’assurer qu’il n’a pas de maquillage dans les poches. Le 15 janvier, les choses atteignent un point de non-retour. "Ma mère me fouillait. À force de subir ça tous les jours, j'en ai eu marre, détaille-t-il. J’ai retiré sa main en criant «dégage». Mon père a débarqué et s’en est pris à moi." Il plaque Lucas contre le mur, le maintient par le cou.

Le jeune homme se réfugie chez sa tante et porte plainte. Avec cette démarche, il espère que son cas serve à d'autres : "Si j'ai pu aller jusque-là, c'est grâce à mes amis LGBTQI+ qui ont vécu la même chose mais n'ont pas osé parler. Si je peux aider ne serait-ce qu'une seule personne, alors j'aurai gagné." Depuis, il a pris son indépendance et vient d'emménager dans son propre logement. Il profite d'une nouvelle liberté, découvre les lieux communautaires, appelle ses amis sans qu'on lui reproche d'être encore au téléphone avec sa "tarlouze".

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Crédit photo : Tingey Injury Law Firm / Unsplash

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