Une exposition à Paris et un livre remettent en valeur le travail trop méconnu du peintre gay Jacques Sultana, qui peignaient les corps masculins avec un réalisme donnant à son travail une dimension bien au-delà de l'érotique.

Des Michel-Ange contemporains de la peinture gay, il est sans doute le plu méconnu. Contrairement à Tom of Finland, Pierre et Gilles ou James Bidgood, récemment disparu, le travail de Jacques Sultana n'a pas connu, du vivant de l'artiste, le succès qu'il aurait pu en attendre. D'ailleurs, il n'a même pas de page Wikipédia. Mais plusieurs défenseurs de ce peintre né en 1938 se sont rassemblés pour redonner à la peinture de Sultana la place qu'il mérite au panthéon de nos artistes fétiches. Parmi eux, le galeriste Pierre Passebon consacre au peintre, mort en 2012, une exposition et un livre qui valent le détour.

Sultana, mélancolie et paradis perdus 

"Jacques était un paria, explique le passionné d'art et de nus masculins. Malgré une adresse dans les beaux quartiers du 16e arrondissement, il vivait dans deux chambres en soupente qui lui servaient d’appartement et d’atelier. Jeune homme chassé par sa famille en raison de son homosexualité, il trouva refuge dans ce nid d’aigle qu’il ne quitta jamais, une adresse convenue qui fut le dernier lien avec son éducation bourgeoise. De ce traumatisme familial il garda une certaine agressivité de peur d’être agressé, la moindre remarque sur un de ces tableaux pouvait le bouleverser et j’ai su plus tard qu’il reproduisait ce schéma de la rupture, même avec ses amis." 

"Je peins pour ceux qui savent voir la différence entre la peinture et la photo", s'amusait le peintre, dont les travaux ont été redécouverts par Passebon lorsqu'un collectionneur l'a contacté afin de faire expertiser des toiles qu'il pensait être une "supercherie technique" tant elles étaient réalistes. Une révélation. Pour Jean-Pierre Blanc aussi, directeur de la Villa Noailles, haut lieu de l'art à Hyères, le travail de Sultana est essentiel. Et pas seulement parce qu'il donne à voir une représentation érotique du corps masculin. "Bien sûr ces images conservent une forme de fascination charnelle, mais autre chose s’y glisse, le rayonnement solaire de la jeunesse y côtoie la mélancolie d’un paradis perdu." Un paradis perdu enfin retrouvé, et un peinture de génie qui, cette fois, devrait trouver une place éternelle dans l'histoire de l'art queer... et au delà. À voir absolument.

Jacques Sultana 
Du 24 mars au 21 avril 2022
Pierre Passebon - Galerie du Passage
20/26 Galerie Véro-Dodat, 75001 Paris