Avec son nouvel ouvrage photographique, François Pragnère braque son objectif sur une dizaine de femmes trans habitant la capitale. Une démarche qui entend à décortiquer le rapport que les modèles entretiennent avec leur corps.
À l'échelle française, la transidentité est encore trop peu représentée dans le milieu de la photo. François Pragnère espère remédier à ce triste constat avec Elle, She, Her., son premier beau-livre. Paru aux éditions Rive Gauche / 37.2 ce vendredi 22 janvier, ce recueil artistique compile des dizaines de clichés saisis par le photographe. Et représente, à bien des égards, une incursion dans l'intimité de jeunes femmes trans.
L'authenticité avant tout
L'auteur de ce nouvel ouvrage côtoie la communauté trans depuis bon nombre d'années. C'est ainsi, tout naturellement, qu'il a commencé à prendre certaines de ses membres en photo. Des connaissances à lui, dans un premier temps. Puis, François Pragnère s'est mis en quête d'autres modèles, dénichées via Instagram. Bien qu'il soit familier avec le secteur de la mode, il souhaitait que cette série soit aux antipodes de l'imaginaire de ce milieu, misant plutôt sur de l'authenticité. "C'est elles qui choisissaient comment elles s'habillaient, comment elles se maquillaient, détaille-t-il. Moi, j'étais juste-là pour prendre la photo".
En plus de superbes images en noir et blanc, Elle, She, Her. comprend de courts écrits signés par chacune des femmes trans mises en lumière. "Au début, je n'avais rien donné comme directives sur ce point, explique François Pragnère. Puis, je me suis dit que la première chose que l'on voit chez quelqu'un, c'est son apparence physique. Son corps. Je leur ai donc juste donné le mot 'corps' en leur laissant carte blanche pour parler de ce dont elles avaient envie. Au final, tous les textes sont différents et l'idée de corps n'est pas du tout traitée de la même manière". En découlent des témoignages sensibles, parfois poétiques.
Un éveil personnel
Lorsque l'on demande au photographe si ce beau-livre s'apparente à une forme d'activisme, l'hésitation est palpable. "Je ne sais pas si ce projet est militant, déclare-t-il. Ce livre, je l'ai fait parce qu'il y a eu une résurgence d'agressions transphobes en 2019, surtout à Paris. Mais aussi parce que le gouvernement a décidé de fermer les yeux sur les violences qui ont été faites. C'est pour ça que le premier livre que j'avais envie de faire, c'était celui-ci. L'idée était de créer un espace safe sous forme de livre, où toutes les femmes qui seraient dedans pourraient être représentées telles qu'elles le souhaitaient".
En réalisant cette série photo, François Pragnère a également été en proie à une remise en question plus intime. "Je ne savais pas trop pourquoi j'étais fasciné par ces femmes au début, explique l'artiste. Au final, j'ai réalisé qu'elles m'aidaient à mieux comprendre qui j'étais et surtout qui je n'avais plus envie d'être. Il y a eu tout un questionnement là-dessus et c'est d'ailleurs pour ça que j'ai commencé à faire des autoportraits où j'ai vraiment réfléchi sur mon corps, mon genre". Une démarche des plus salvatrices.