Guillaume Laroze, ex-militant gay au FN, a dénoncé les dérives homophobes du parti d'extrême droite dans un message sur Facebook. Nous l'avons interrogé pour en savoir davantage sur les coulisses du Front national.
"J'ai voulu passer un message à tous ceux qui comme moi ont une fibre de gauche et qui se font happer par la technique de communication du Front national : Réfléchissez-y à deux fois."
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2012. C'est l'histoire d'un garçon de 15 ans qui distribue des stickers "de la vraie gauche" incarnée par Jean-Luc Mélenchon. D'un adolescent qui saute de joie quand François Hollande légalise le mariage pour tous l'année suivante. Et d'un jeune adulte qui déchante en découvrant le programme libéral du gouvernement adopté aux forceps. Déçu par la gauche dans laquelle il ne se reconnaît plus, il fait un virage à 360° et embraye vers le parti frontiste, attiré par un discours patriotique, anti-système, et un numéro 2 ouvertement gay.
"J'ai été séduit par cette stratégie du FN qui consistait à attirer les gens déçus de la gauche - comme ils ont une stratégies destinée à attirer ceux qui sont déçus de la droite - avec des figures comme Florian Philippot et Sophie Montel, très anti-libéraux, très eurosceptiques et très sobres sur des sujets sociétaux quand d'autres au Front national sont beaucoup plus virulents. Donc je me suis dit "pourquoi pas", j'ai commencé à rencontrer des gens, à discuter, et petit à petit j'ai été pris dans la machine. Un peu naïvement."
"Des élus du Front national m'ont dit que je n'avais pas ma place dans ce parti"
Il y a deux jours, Guillaume Laroze a publiquement annoncé qu'il quittait le Front national ainsi que le Collectif Marianne censé distiller les idées frontistes dans les classes étudiantes et dont il était devenu le secrétaire général. Cette envie de partir, il la "nourrissait depuis quelques semaines"; notamment à cause des réactions de certains élus frontistes contre la campagne publique de prévention anti-VIH ; "la grosse goutte qui a fait déborder le vase."
Publiée sur Facebook et sur Twitter, sa lettre ouverte est largement relayée dans les médias. Il y évoque les insultes de "parasite LGBT", de "déchet pédérastique" ou de "sodomite" qu'il a reçues à longueur de semaines sur les réseaux sociaux, de la part d'anonymes se revendiquant du Front national. Plus grave encore, Guillaume nous apprend que cette homophobie ne se limite pas aux militants, mais qu'elle est également alimentée par les cadres du parti : des secrétaires départementaux du Front national, mais aussi des élus municipaux, départementaux voire régionaux "comme par hasard du sud de la France... le fief de Marion Maréchal Le Pen".
"Vous n'avez pas votre place dans ce parti", "vous faites le jeu de la propagande LGBT", entend régulièrement Guillaume de la bouche des dirigeants frontistes, car il ne cache pas être favorable au mariage pour tous, ni ses différences idéologiques avec Marion Maréchal Le Pen, Louis Aliot ou Gilbert Collard, ailier conservateur du parti.
"On nous explique qu'il ne faut pas faire de vagues"
Cette homophobie ambiante, Guillaume décide de s'en confier à son ami président du Collectif Marianne. Lui-même a été victime d'insultes racistes au sein du parti, mais son auteur a été immédiatement renvoyé par les cadres dirigeants. Cette fois-ci, la réponse du Front national est tout autre :
"Quand on est la cible de ce genre de choses, on nous explique qu'il ne faut pas trop s'en émouvoir sur les réseaux sociaux parce que, je cite, "ça risque de fragiliser le rassemblement". Le parti était réactif avec les choses trop grosses, trop publiques. Mais dans l'ensemble c'était "pas de vague, pas de vague. Il ne faut surtout pas que ça se sache." Surtout quand ça impliquait des individus qui avaient des responsabilités au sein du FN. Il ne fallait pas se mettre à dos cette ligne très conservatrice et très réac' que je ne pouvais plus côtoyer parce que pour moi, les sujets sociétaux ça n'est pas secondaire."
Depuis qu'il a quitté le parti et qu'il a mis en lumière les coulisses du Front national, Guillaume a déjà reçu quelques retours au sein du FN, et distingue deux types de réactions : "La classique à laquelle j'étais habitué : "bon débarras, on se passera de toi". Et d'autres au contraire qui m'ont dit : "il faut qu'on en discute. Pourquoi t'as fait ça si rapidement ? S'il y avait des problèmes, il fallait nous le dire"... Ils voient surtout la patate chaude dont il faut vite se débarrasser."
"Je me suis rendu compte que ce n'était qu'un ménage de façade"
Malgré tout, Guillaume persiste et signe pour dire que le Front national "n'est pas un parti homophobe" car "ses plus hauts cadres ne sont pas homophobes", bien qu'il y ait "des dérives homophobe et une ligne homophobe qui est amnistiée. J'ai essayé d'expliquer pourquoi et comment j'étais arrivé au Front national. J'avais l'impression qu'avec Florian Philippot et tout le reste c'était le grand ménage. Je me suis rendu compte que c'était qu'un ménage de façade. On enlevait la poussière sur le meuble, mais en-dessous on laissait tout. Au moins je suis venu, j'ai vu, et maintenant je repars."
S'il est revenu sur son adhésion au discours d'extrême droite, le jeune homme de 19 ans reste accroché à ses valeurs anti-libérales. Il ne serait pas surprenant de le revoir dans les rangs de la France insoumise...
Couverture : crédit photo Blandine Le Cain/Flickr