LGBTQI+La Russie a-t-elle manipulé les électeurs LGBT+ lors des élections américaines ?

Par Marion Chatelin le 20/12/2018
élections américaines

Deux nouveaux rapports confirmeraient l'hypothèse selon laquelle des "trolls" russes auraient réussi à instrumentaliser les réseaux sociaux pour peser sur l'élection américaine. Ils démontrent que plusieurs pages Facebook auraient été créées pour "démobiliser les LGBT, les Afro-américains et les libéraux".

La "ferme des trolls". Voilà comment est surnommée l'organisation russe, Internet Research Agency (IRA), qui diffuse de la propagande sur internet. Basée à Saint-Petersbourg, en Russie, elle aurait eu, selon un rapport de l'université d'Oxford, une forte influence dans la démobilisation de certains électeurs lors des élections américaines de 2016, et notamment des LGBT+. Une information révélée par nos confrères de OUT Magazine.

"Répandre désinformation et propagande"

Selon ce rapport, les informaticiens de la "ferme des trolls" auraient repris des techniques informatiques déjà existantes en marketing digital pour manipuler les internautes. Ainsi, ils ont posté de fausses publications organiques - lorsque la publication est réalisée par la marque sur la plateforme et destinée à s’afficher sur les fils d’actualités de ses fans -, ainsi que de faux contenus sponsorisés - des annonces publicitaires spécifiques achetées et mises en avant par l'annonceur. Le tout dans un but de propagande "pro-Trump".

"L'IRA a diffusé de la propagande en créant et en gérant des campagnes de publicité sur de multiples plateformes en utilisant de fausses personnalités, ou en imitant de faux activistes", conclue le rapport.

Au total, 70 annonces publicitaires ont été achetées par ces "trolls" pour cibler les électeurs favorables aux droits des LGBT+ et au libéralisme social. Elles ont généré plus de 900.000 vues et 80.000 clics.

La Russie a-t-elle manipulé les électeurs LGBT+ lors des élections américaines ?
Capture d'écran, Computational Propaganda Research Project, University Oxford.

Les messages adressés étaient de deux types, selon les chercheurs. Soit, ils étaient destinés à renvoyer vers l'autre candidat démocrate, Bernie Sanders, pour affaiblir Hilary Clinton. Soit, ils distillaient un sentiment de défiance envers les politiques. Cette dernière stratégie était visiblement la plus employée.

"LGBT United"

En 2017, une enquête faisait déjà état de plusieurs fausses pages Facebook pro-LGBT, comme "LGBT United" servant à diffuser de la propagande, en ciblant les populations queer. Créée en 2015 pour commencer à diffuser bien avant les élections de 2016, elle totalise près de deux millions de likes et 1,3 millions de partages par les internautes.

Parmi les publications de la page, des posts expliquant qu'Hilary Clinton soutient les musulmans, forcément dépeints comme "anti-gay". Ou encore, une attaque envers Bill Clinton, le mari de la candidate, accusé d'avoir voté en faveur de loi dite de « Défense du mariage » (Defense of mariage act ou DOMA, ndlr) qui consacre le mariage en tant qu’union hétérosexuelle.

Par ailleurs, l'IRA a créé 25 comptes Instagram qui ont diffusé, eux aussi, des contenus de propagande. Pire, ces comptes on permis de vendre et de promouvoir des sextoys à destination de personnes LGBT. Ce qui, selon les auteurs du rapport, permettrait potentiellement à la Russie de récupérer certaines informations concernant les internautes.

La page Facebook est aujourd'hui supprimée.

Conclusion incertaine

Si les journalistes se gardent d'exprimer des conclusions trop hâtives, notamment en ce qui concerne les LGBT+, les scientifiques, eux, sont formels sur la globalité de l'action. "L'IRA a utilisé toute une variété de faux comptes afin d'infiltrer les conversations politiques des gens de gauche comme de droite. Cela inclue aussi les communautés afro-américaines, et l'objectif a été d'exacerber les divisions sociales et d'influencer l'agenda."

 

Crédit photo : site officiel du Kremlin.