Emmanuel MacronHomophobie, droits des LGBT+ : où en est le gouvernement ?

Par Marion Chatelin le 14/05/2019
promesses

Deux ans après l'arrivée d'Emmanuel Macron à la tête de l'Etat, où en est-on en matière de politique en faveur des droits des LGBT+ ? Le Président et la secrétaire d'État à la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, ont fait de nombreuses promesses qui peinent à voir le jour, et qui font grincer des dents les associations. TÊTU fait le point.

Des chiffres cauchemardesques. Mardi 14 mai, l'association de défense des droits des LGBT+, SOS Homophobie, a publié son rapport annuel. En 2018, les agressions LGBTphobes ont augmenté de 66%. Pour rappel, en 2017 l'augmentation était de 15%. Face à ces chiffres alarmants, le gouvernement se doit de réagir. À l'approche de la journée internationale de lutte contre l'homophobie qui se tiendra le 17 mai prochain, TÊTU fait le point sur les promesses faites, et celles qui ont été tenues.

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La PMA, une promesse du candidat Macron...

C'était LA promesse phare du candidat Macron lors de la campagne présidentielle de 2017. Comme un pied-de-nez à la mandature précédente, qui avait reculé face à la Manif pour tous et à la vague de propos LGBTphobes, aussi bien dans l'hémicycle que dans de nombreux médias. François Hollande avait fini par laisser tomber au grand dam des couples de lesbiennes.

L'ancien ministre de l'Économie s'était prononcé pour l'ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. "Il n’y a pas de justification juridique pour que la PMA ne leur soit pas ouverte. Pour avancer de façon pédagogique, nous souhaitons attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)", a-t-il écrit dans son programme.

Le CCNE avait donné son feu vert le 25 septembre 2018. C'était il y a plus de sept mois. Entre temps, l'ordre des médecins et la mission parlementaire pour la révision de la loi de bioéthique se sont dit pour l'ouverture de la PMA pour toutes. Mais depuis, le gouvernement n'a fait que repousser la date, créant la cacophonie.

... Reportée sans cesse

En juillet dernier Benjamin Griveaux, alors porte-parole du gouvernement, avait annoncé que le projet de loi serait présenté en Conseil des ministres "au début de l'année 2019". Mais, finalement, un "décalage de tout le calendrier parlementaire" repoussera son dépôt aux calendes grecques.  Une reculade qui n'a pas renforcé la popularité du président auprès des militants LGBT.

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Les mois passent. Et puis en mars dernier, Marlène Schiappa a annoncé que la loi serait "mise à l'agenda parlementaire avant l'été 2019", tandis que le patron des députés LREM à l'Assemblée nationale, Gilles le Gendre, a estimé que la date de dépôt du projet de loi "ne changerait pas la face du monde". De son côté, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn a confirmé.

Pour la co-présidente de SOS Homophobie, Véronique Godet, contactée par TÊTU, le gouvernement "n'a pas adopté une posture responsable".

"Il nous semble dangereux de maintenir cette indécision et ce flou constant. Toutes ces hésitations par rapport à la PMA ne créent pas un climat de confiance et encore moins de sérénité."

Le premier Ministre Edouard Philippe a fini par trancher fin avril : la loi sera présentée en Conseil des ministres en "juillet prochain". Reste à savoir si le gouvernement tiendra sa promesse. Affaire à suivre.

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Quid des enfants nés de GPA à l'étranger ?

C'était également une proposition du candidat Macron. Opposé à la Gestation pour autrui (GPA), il s'est prononcé en faveur de la reconnaissance des enfants nés d'une GPA à l'étranger. «On ne peut pas laisser les enfants sans existence juridique», avait-il estimé dans les colonnes de notre magazine en avril 2017.

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L'ancien ministre de l'Économie a notamment promis la nationalité française aux enfants nés par GPA selon la "jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme". Mais pour l'avocate Caroline Mécary, contactée par TÊTU, Emmanuel Macron fait preuve d'un "manque de courage politique absolu sur cette question". Cette dernière rappelle qu'il n'y a pas de consensus au niveau des États membres en matière de GPA.

En effet, la jurisprudence de la CEDH dit simplement "qu'il faut reconnaître le lien de filiation à l'égard du parent biologique à minima". Les États trouvent ensuite chacun une manière de reconnaître le deuxième parent. Sauf que, selon l'avocate, le gouvernement français "refuse d'appliquer la solution la plus simple et la plus évidente, qu'est la transcription complète de l'état civil". Ce procédé est pourtant "la règle commune en France, celle qui est appliquée pour les autres enfants, à savoir ceux qui ne sont pas nés de GPA", détaille-t-elle.

Pour Caroline Mécary, il s'agit donc d'un "choix politique". "Macron s'appuie sur la CEDH mais comme elle n'impose pas aux États la reconnaissance, on peut dire qu'il joue avec cela." Comprendre : il pourrait très bien se saisir de la reconnaissance des enfants nés de GPA à l'étranger, mais il ne le fait pas.

Un "plan d'urgence" décevant

Dans un contexte de recrudescence des actes LGBTphobes, la secrétaire d'État chargée de la lutte contre les discriminations a présenté, le 26 novembre 2018, un "plan d'urgence" de lutte contre les LGBTphobies. Annoncé en grandes pompes, ce plan de 11 mesures devait "mobiliser tous les membres du gouvernement", selon Marlène Schiappa.

Six mois plus tard, seules deux mesures sont mises en place. Le ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, a lancé une campagne nationale intitulée "ça suffit" contre l'homophobie et la transphobie en milieu scolaire. Mais la plupart des militants LGBT la trouvent décevante sur le fond et sur la forme. Pour la co-présidente de SOS Homophobie également professeure de français et de théâtre dans un lycée de Marseille, "le retentissement est aujourd'hui inexistant".

"Dans mon établissement, 98% des professeurs ne sont pas au courant de cette campagne. Elle n'a pas été accompagnée d'outils pédagogiques, et comme il n'y a pas de sensibilisation personne ne veut s'emparer du sujet." 

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Les mesures sont en cours

L'autre mesure mise en place est la possibilité de porter plainte en ligne afin d'inciter les victimes d'actes homophobes à porter plainte. Une extension d'un dispositif qui existait déjà auparavant : la pré-plainte en ligne.

Joint par TÊTU, le cabinet de Marlène Schiappa martèle que neuf des onze mesures sont en cours d'application.

Deux circulaires ont été publiées depuis l'annonce de ce plan d'urgence. Une par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et une par Marlène Schiappa et le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, sur l'élargissement pour les comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Un interrogation subsiste néanmoins sur le caractère impératif de ces circulaires. S'il l'est, elles introduisent de nouvelles règles en droit. Au contraire, s'il ne l'est pas, ce ne sont que des "consignes" qui donnent des interprétations d'un texte de loi ou d'un règlement.

Pour Véronique Godet, c'est l'incompréhension.

"Selon moi tout cela reste un effet d'annonce. Nous sommes à la fois très inquièt.e.s car il y a un ancrage des LGBTphobies dans la société. Mais également très en colère, car il n'y a aucune traduction en actes de ce plan d'urgence."

La professeure poursuit : "Le gouvernement doit nous prouver que ces mots ont une réelle valeur. Ou alors il faut redéfinir ce qu'est 'l'urgence' car nous n'avons pas la même définition." 

Et parmi les autres mesures phares, Marlène Schiappa avait fortement insisté sur la formation des policiers et des gendarmes référents. Six mois plus tard, les mesures seraient "toutes réalisées" notamment en ce qui concerne la police et la gendarmie, ou "en cours de réalisation", en ce qui concerne le personnel pénitentiaire. Le flou reste donc entretenu.

Une "brigade numérique" qui doit faire ses preuves

Enfin, le 15 avril dernier, Marlène Schiappa a lancé - encore et toujours en grandes pompes - la "brigade anti-discrimination", abréviée "BADI". Une dénomination forte, qui cache en fait une page Facebook ayant pour mission de "mettre en relation les victimes et les acteurs de la lutte contre les discriminations". "Une plateforme d'alerte", précisent Julien Denormandie, ministre de la Ville, et Marlène Schiappa. Elle devrait être gérée par une douzaine de personnes de la Dilcrah, dont les moyens n'augmenteront cependant pas.

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Le 13 mai dernier, l'association Ilga Europe a dévoilé son classement des pays les plus LGBT-friendly. La France a perdu trois places en chutant de la 6ème à la 9ème position. Coïncidence ? Probablement pas.

Mise à jour : le mardi 14 mai à 15h30. 

Crédit photo : Wikimedia Commons.