EXCLU TÊTU. La nouvelle saison de RuPaul's Drag Race débutera le samedi 28 février sur VH1. Et cette année, il faudra compter sur Nicky Doll, la première drag-queen française à rejoindre la célèbre compétition. Pour TÊTU, elle revient sur son parcours, et dit (presque) tout sur la douzième saison du show.
TÊTU : Tu es la première queen française à participer à Ru Paul Drag’s Race… Pas trop la pression ?
Nicky Doll : Complètement. Déjà, participer à Ru Paul Drag's Race, c'est énormément de pression. Ensuite, j'ai du tourner en anglais, ce qui n'est pas ma langue maternelle. Et même si je vis depuis quelques années à New-York, c'est une pression supplémentaire par rapport aux autres concurrentes. Et puis forcément, j'avais le poids de mon pays derrière moi, je ne voulais pas décevoir les fans français de l'émission. J'ai hâte qu'ils puissent enfin voir cette saison 12. Je suis fière de pouvoir être la première drag-queen à représenter la France, en espérant ne pas être la dernière !
Comment as-tu créé le personnage de Nicky Doll ? Qu’est ce qui t’a donné envie de faire du drag ?
J'ai vécu 7 ans au Maroc quand j'étais ado, et vivre dans un pays musulman en tant que gay, ce n'est pas simple. J'étais pointé du doigt parce que j'étais efféminé, que j'étais différent des autres garçons. Quand je suis rentré à Paris, j'ai eu besoin de m'affirmer, de recréer un sentiment de fierté. A la marche des Fiertés, en 2009, je me suis déguisé en femme pour la première fois, et j'ai senti que j'étais en train de faire un doigt d'honneur au monde. C'était comme si je disais :"oui je suis efféminé, oui je suis un garçon, oui je mets des talons, et alors?" C'est comme ça que Nicky Doll est née.
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Et comment on passe de se déguiser une fois, à une Pride, à RuPaul's Drag Race ?
Avec du boulot ! Quand j'étais étudiant, je fréquentais les soirées parisiennes en drag, la Club Sandwich notamment - qui n'existe plus malheureusement. Au fur et à mesure, j'ai développé mes looks et ça a éveillé la curiosité des promoteurs, qui m'ont offert mes premiers jobs au Queen, à Paris, en province... Et puis après mes études, j'ai entamé, grâce à Nicky, une carrière dans le maquillage. J'ai utilisé mon personnage pour me faire avancer dans le milieu du make-up professionnel, et mon job de maquilleur a ensuite aidé Nicky a décrocher des campagnes de pub ou des éditoriaux. Nicky et Karl (son prénom à la ville, ndlr) sont plus forts ensemble. J'utilise les deux comme une arme pour réussir.
Et puis tu es parti à New-York...
C'est ça, pour les opportunités en maquillage. Et Nicky Doll a continué sa route. Sa "french touch", son côté plus mode la démarquait des autres queens new-yorkaises, et ça a attiré l'attention. Je me suis produit dans des clubs de New-York jusqu'à envoyer ma candidature au casting de la saison 12. J'ai cliqué pour rigoler, pour "voir", et je me suis retrouvé à Los Angeles pour le dernier round des sélections. Mais j'ai conscience de la chance que j'ai eu : beaucoup de drag-queens très talentueuses postulent tous les ans depuis des années sans l'avoir, et moi je l'ai eu du premier coup. C'est aussi pour ça que je n'ai pas voulu abandonner.
Parce que tu as pensé à abandonner ?
Non, mais la compétition est vraiment très intense. Quand on dit que c'est les Jeux Olympiques du drag, ce n'est pas une blague. Les journées de tournage peuvent durer 12H, dans ton personnage, perché sur tes talons, après des heures de maquillage et de démaquillage. Les candidates dorment très peu et sont isolées sans téléphone, pour te mettre à l'épreuve, et te pousser dans tes retranchements. Tu ne peux pas aller chercher sur internet si tu es en panne d'inspiration. Tu dois vraiment tout faire tout seul. Et en même temps, tu fais tout ce qui te plaît, du make-up, des costumes, de l'acting, de la danse... Et ça, c'est super.
Et avec les autres queens ? Ca s'est bien passé ?
On entre dans une arène avec 12 égos surdimensionnés, et 12 drag-queens qui sont là pour gagner. Mais je crois sans me vanter qu'on était toutes particulièrement fortes cette année, vous verrez, il n'y a aucun maillon faible. Et ça a vraiment permis d'éviter qu'on se ligue les unes contre les autres. En tant que Français, toutefois, j'ai eu un peu plus de mal à me faire des copines au début. Elles sont toutes liées par la culture, la langue, et j'avais un peu l'impression d'être un cheveu sur la soupe. Mais finalement on a toutes été très soudées, très unies, et j'en ressors avec de super connexions. Jusqu'à la diffusion peut-être ! (rires)
La mode, le make-up... Tu as compté sur d'autres atouts pour avancer dans l'aventure ?
J'étais comme un cheval de troie : les gens s’attendaient à une drag-queen belle et fashion, mais je les ai surpris avec mes références à des jeux vidéos, car je suis aussi très geek ! Et malgré les apparences, je me prends pas autant au sérieux que ça. Je n'ai aucun problème à faire le pitre ou la comédie, même si c’est plus simple dans ma langue...
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Comment est RuPaul sur le tournage ?
RuPaul, ça reste la reine mère. La première fois on l'a vu descendre les escaliers, je crois que je ne l'oublierai jamais. Elle a révolutionné le milieu du drag, et apporté une voix à la communauté LGBT et aux drag-queens. Mais elle est là pour te juger, pas pour donner des traitements de faveurs.
Certains l'ont accusé de transphobie, à cause de plusieurs sorties médiatiques et de l'absence de candidates trans cette saison... Tu penses qu'elles doivent avoir leur place dans le concours ?
J'ai grandi à Paris avec des drag-queens trans qui étaient pour moi de véritables icônes. J'ai du respect pour tous les types de drag. Mais ce n'est pas moi qui fait les règles de la compétition...
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Que penses-tu de la scène drag française ?
La scène drag est en pleine effervescence en France. On sent que l'émission commence à avoir beaucoup d'influence dans l'Hexagone, où la communauté drag est particulièrement créative. Je pense par exemple à Cookie Cunty ou à Mika Holly White à Nice, qui tentent, en plus, de créer des safe spaces pour que les artistes de drag puissent performer.
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Avec ta participation à RuPaul, tu pourrais un peu devenir la "mother" des drags françaises, non ?
Ce serait un honneur de pouvoir représenter la communauté drag, mais surtout parce que je veux rendre ce que l'on m'a donné. Si ma notoriété peut pousser les promoteurs de soirée à investir dans des drags queens, qui font une vraie proposition artistique et passent cinq heures à se préparer, plutôt que dans des gogo dancer qui n'ont qu'à enfiler un slip, ce sera déjà énorme. Il est tant qu’en France, on respecte les artistes drag à leur juste valeur.
Tu penses que la France est prête pour sa propre version de RuPaul's Drag Race ?
J'aimerais beaucoup, car de nombreux talents le méritent. Mais le public a encore beaucoup à apprendre. Après je me dis que si le public a choisi Bilal Hassani pour représenter la France à l'Eurovision, on peut tout à fait être prêts pour un RPDR made in France...
Crédit photo : Courtesy of VH1