[Interview à retrouver dans le magazine têtu de l'hiver] Après avoir porté fièrement la flamme lors des Jeux paralympiques de Paris, l'athlète Dimitri Pavadé, spécialiste du saut en longueur, a fait son coming out public, qui lui a valu un prix à la Cérémonie des têtu· 2024. Sa prochaine épreuve ? Trouver l'amour.
Photographie : Audoin Desforges pour têtu·
- Toi, tu as l'air d'aimer prendre soin de toi… Je me trompe ?
Dimitri Pavadé : Un peu trop, peut-être ! (Rires.) On me dit souvent que j'abuse. Mais c'est un peu comme une tradition à La Réunion, où j'ai grandi… Quand le week-end arrive, il faut que tout soit frais : la maison, la voiture, et soi-même ! Par exemple, chaque vendredi, je me coupe les cheveux tout seul dans ma salle de bain – c'est un de mes meilleurs amis, décédé il y a un petit moment, qui m'a appris à le faire sans aide. Et si je ne le fais pas, je ne suis pas bien.
- Tu as toujours aimé t'entretenir ?
Quand j'étais gamin, je me rappelle que j'allais jouer dehors sans me doucher après. Une fois, ma sœur m'a fait une remarque en disant que j'étais sale. Depuis, j'ai radicalement changé : douche le matin et le soir ! Et si je sors, je me douche une nouvelle fois avant de me mettre au lit.
- Les écolos vont être ravis de lire ça…
(Rires.) Personne n'est parfait ! J'essaie de me rattraper ailleurs : je fais le tri sélectif !
- À quoi ressemble la routine beauté d'un athlète paralympique ?
Ça commence par l'hydratation. Je sors mes crèmes, que j'applique toujours dans le même ordre : visage, barbe, cheveux. Ensuite je brosse ma barbe, déo sous les bras, et je m'habille. Là encore, j'ai mes habitudes : par exemple, quand je mets des chaussettes, je commence par le pied de ma jambe valide, puis je m'occupe de ma prothèse. C'est comme avec le sport : en compétition ou en entraînement, tu fais toujours les mêmes échauffements.
- C'est possible de t'appeler à l'improviste pour te donner rendez-vous dans une heure ?
Une heure pour me préparer, c'est vraiment juste. Il faut aussi que j'aie le temps de repasser mes vêtements. C'est ma phobie de sortir avec une chemise froissée !
- J'imagine que tu es aussi maniaque du ménage ?
Très maniaque. Ça te surprend ? (Rires.) J'aime que tout soit propre, donc j'adore faire le ménage. C'est une satisfaction dingue de passer une demi-journée à nettoyer sa maison, de passer la serpillière, d'aller se doucher et de retrouver son appart nettoyé et rangé. Je ne sais pas si on est sur des troubles obsessionnels compulsifs, mais ça va très loin ! J'associe aussi toujours la couleur de mon caleçon à celle de mes vêtements, par exemple…
- Avais-tu un rituel avant les épreuves des Jeux ?
Pas vraiment, non. Quel que soit le titre que je vise, ça reste une compétition. Le nom change mais les enjeux restent les mêmes pour moi. Je veux juste gagner. J'ai toujours eu cet appétit-là. Quand j'étais petit, lors des tournois de foot entre quartiers, je pleurais de rage si on perdait.
- Et aujourd'hui, comment tu gères une défaite ?
Je prends une douche et je me pose dans mon canapé. Pour me relaxer, rien de mieux qu'une couette, Netflix et mes chats.
- Tu as fini quatrième aux Jeux de Paris, mais l'important c'était de participer ?
C'est une énorme fierté, je pleurais de joie à l'intérieur ! C'était une exposition incroyable et l'ambiance était folle, autant dans les stades que dans la ville. Je ne doutais pas qu'on allait être à la hauteur, mais ces jeux ont marqué un vrai changement dans la considération du sport paralympique. Avant, personne ne savait ce que c'était, et on ne s'y intéressait pas beaucoup. Cette fois, les gens nous félicitaient, nous disaient que c'était dommage que ce soit fini, nous parlaient de la cérémonie de clôture…
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- Tu as dû ressentir, aussi, de la fierté après avoir fait ton coming out sur Instagram en septembre…
J'avais à peine fini de poster que j'ai commencé à pleurer sans trop comprendre pourquoi. En quinze minutes, j'avais déjà 300 likes. Je n'avais jamais connu ça. Je savais que ça allait faire parler, mais je n'imaginais pas autant. Je n'ai pas reçu d'insultes ou d'attaques homophobes sous ce post, mais sous celui de L'Équipe qui reprenait l'info, là en revanche ça a été un gros bordel. Je me rappelle un commentaire qui disait : "L'homosexualité, aujourd'hui, c'est une religion, arrêtez de laver le cerveau de nos enfants." J'ai failli répondre très méchamment…
- Qu'est-ce qui a changé depuis ton coming out ?
Côté pro, rien du tout. Mes sponsors m'ont tous soutenu. Avant de me réengager avec eux, je leur avais dit que j'allais faire mon coming out. S'ils n'avaient pas été d'accord, alors je n'aurais pas signé : c'est aussi simple que ça. Côté perso, j'ai reçu dans mes DM beaucoup de messages de prétendants…
- Et c'est concluant ?
On a des pistes… (Rires.) Mais je suis très compliqué.
- Ah, monsieur a des critères stricts ?
Alors… je cherche plutôt un mec autour de 38 ans, qui ne fume pas, qui a une bonne hygiène de vie dans son ensemble… Et il faut qu'il soit honnête et fidèle, pas qu'il cherche à ouvrir le couple au bout d'un an de relation. Ça, je n'en suis pas capable.
- Tu as un parfum phare pour charmer les garçons ?
J'en ai plusieurs ! Si j'ai une tenue chic, ce sera du Jo Malone. Pour une tenue décontractée, je vais mettre du Armani avec une senteur boisée. Si c'est plutôt sportswear, ça sera du Lacoste Booster, que je mets depuis tout jeune. Tu ne vas pas mettre du Dior homme avec un survêtement Lacoste !
- Qu'y a-t-il de plus intime dans ta salle de bain ?
Ma brosse à dents. (Rires.) Indispensable, non ?
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