santéGrâce à cette appli, vous pouvez désormais renouveler votre PrEP en ligne

Par têtu· le 29/05/2020
Durban PrEP essai thérapeutique IPERGAY

Livi, une application de téléconsultation médicale, vient de lancer avec l'aide de Paris Sans Sida le renouvellement de la PrEP par téléconsultation. Une petite révolution, et notamment pour les patients de zones rurales.

Depuis le 18 mai dernier, le centre de santé digital Livi propose le renouvellement de la PrEP et le dépistage des IST par téléconsultation. Si l'ordonnance d'une première prise de PrEP est toujours réservée aux Hôpitaux et aux CeGIDD, des médecins généralistes inscrits à l'Ordre pourront désormais, en visioconférence, prescrire la petite pilule bleue qui prévient des infections au VIH.

Maxime Cauterman, Directeur médical de Livi, a répondu au questions de TÊTU, et en a profité pour annoncer un partenariat inédit avec Paris Sans Sida, qui a notamment formé les médecins de l'application à cette forme de prévention parfois méconnue d'une partie du corps médical, et à la prise en charge des patients LGBT sans discriminations. Ils ont également été épaulés par le docteur Antoine Bachelard, du CeGIDD de l'hôpital Bichat. 

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TÊTU : Livi propose désormais le renouvellement prep par téléconsultation. Quel est l'objectif ? 

Maxime Cauterman : Depuis le lancement de Livi en France en septembre 2018, nous sommes engagés dans l’amélioration de l’accès à la prévention. En outre, nous avons de manière récurrente des demandes de patients sur les enjeux santé sexuelle, et notamment de dépistage. Nous nous sommes ainsi demandés si nous ne pouvions pas prendre une part plus active dans la lutte contre le VIH. Fidèles à notre projet médical, articulé autour de la qualité des soins, du renforcement de l’accès aux soins et à la prévention, nous avons travaillé pendant près d’un an pour  proposer le renouvellement de la PrEP par téléconsultation. Alors que les premières prescriptions de PrEP doivent nécessairement être faites à l’hôpital ou en CeGIDD, seuls 12% des suivis se font en ville, entraînant des délais d’attente très longs pour une primo prescription. En offrant une possibilité nouvelle de suivi et de renouvellement, Livi permettra de libérer du temps médical pour que les hospitaliers puissent accueillir plus de personnes pour un premier rendez-vous.

"Tous les patients français, quel que soit leur lieu d’habitation, vont pouvoir accéder à un médecin capable de les accueillir pour des dépistages, des traitements d’IST, et le suivi de la PrEP"

Selon vous, quel est l'intérêt de cette démarche ? 

Grâce à cette démarche, tous les patients français, quel que soit leur lieu d’habitation, vont pouvoir accéder à un médecin capable de les accueillir pour des dépistages, des traitements d’IST, et le suivi de la PrEP. Nous sommes convaincus que la téléconsultation va faciliter la vie des “PrEPeurs”, en leur permettant d’accéder plus facilement au traitement, en se déplaçant uniquement pour obtenir la première prescription et réaliser les tests nécessaires au suivi biologique, et ce dans un respect absolu de la confidentialité de leurs informations. Le suivi médical pourra ensuite être réalisé par téléconsultation tous les trois mois, pour le renouvellement, qui sera l’occasion de faire le point avec le médecin et de poser toutes les questions nécessaires – des questions que les personnes ont souvent plus de mal à poser à leur médecin de famille. 

Nous sommes convaincus que la téléconsultation correspond au profil des “PrEPeurs” français, qui sont le plus souvent des hommes (97%), d’une moyenne d’âge de 37 ans, qui résident dans des métropoles de plus de 200 000 habitants (72%) - donc une population jeune, dynamique et connectée. La téléconsultation leur permettra ainsi d’intégrer facilement le suivi PrEP dans leur quotidien, tout en bénéficiant d’un accompagnement par un médecin généraliste formé et compétent sur le sujet. Nous espérons aussi offrir un service de qualité aux personnes vivant en désert médical, et qui représentent les deux tiers de notre patientèle. 

Comment avez vous convaincu les acteurs institutionnels de l'intérêt de cette démarche ?

Nous n’avons pas eu besoin de les convaincre. La réflexion était déjà bien installée dans de nombreux groupes de travail et projets associatifs. Les médecins qui connaissent et accueillent des personnes pour ce type de motif interagissent déjà beaucoup à distance avec eux en réalité. 

L’innovation est très présente dans le champ de la lutte contre le sida, depuis ses origines. L'intérêt de la téléconsultation pour le dépistage est inscrit dans les dernières recommandations du Conseil National du sida, et certains services d’infectiologie parisiens cherchent à mobiliser de nouveaux leviers pour accueillir plus de patients. Santé Publique France a également étudié des modalités originales d’adressage des tests par courrier. Enfin,  l’association “Vers Paris Sans sida”, créée à l’initiative de la ville de Paris et qui a notamment pour objectif d’arriver à zéro nouvelle contamination par le VIH à partir de 2030 à Paris et en Seine-Saint-Denis, a lancé énormément d’innovations telles que “Au labo sans ordo”.  

Nous sommes d’ailleurs particulièrement fiers et heureux d’être officiellement en partenariat avec cette dernière pour travailler en commun sur les enjeux de santé sexuelle en téléconsultation. Elle porte des projets extrêmement intéressants et développe des actions de communication impactantes en santé sexuelle. Quand on sait que l’efficacité de la PrEP s'approche de 100 % à Paris, avec aucune infection des personnes suivies entre 2017 et 2018, selon les chiffres de l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ce partenariat prend tout son sens pour faciliter la vie des personnes concernées. 

Comment assurer un suivi aussi rigoureux qu'en CEGIDD ? 

Premier point : il va de soi que nous assurons avant tout un suivi complémentaire. Il y a des choses que nous ne pouvons pas faire : nous avons décidé de ne pas prescrire les injections à domicile d’antibiotiques pour la syphilis du fait du trop grand risque de choc anaphylactique, et d’autres que nous devons faire ensemble - par exemple, les deuxièmes sérologies et l’inclusion éventuelle dans les files actives d’infectiologie en cas de suspicion de séroconversion. 

Second point : nous avons l’habitude de travailler en partenariat avec d’autres structures de soins ainsi qu’avec des acteurs associatifs, et cela nous met d’emblée dans une logique d’excellence et de grande exigence. Nous avons bien entendu formé les médecins avec le concours de professionnels de santé et travailleurs sociaux réputés qui pratiquent dans le respect de protocoles très stricts.

S’il y a un souhait “d’alternance” chez les personnes, qui tantôt souhaiteront être suivis par téléconsultation et d’autres fois en présentiel. Nous pourrons  ainsi clairement assurer cette première possibilité. 

"Les “PrEPeurs” auront ainsi accès à une équipe médicale de qualité, sensible aux questions d'orientation sexuelle, d’identité de genre"

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La PreP est encore mal perçue par certains professionnels de santé, les médecins de LIVI sont-ils formés et volontaires ? 

Notre équipe est encadrée et formée à ces enjeux, et notamment aux spécificités des personnes LGBTQI+ qui représentent la grande majorité des patients prenant la PrEP en France. Les médecins généralistes qui reçoivent des patients pour un renouvellement PrEP sont volontaires et formés à cette fin. Les “PrEPeurs” auront ainsi accès à une équipe médicale de qualité, sensible aux questions d'orientation sexuelle, d’identité de genre, avec laquelle les patients pourront parler en toute liberté de leurs pratiques sexuelles, de leurs modes de vie, et qui pourra les conseiller et les orienter selon leurs besoins et leurs attentes.

Le partenariat que nous avons engagé avec “Vers Paris Sans sida” nous a également permis de proposer aux médecins qui feront du renouvellement de PrEP d’échanger avec l’association pour garantir une prise en charge sans jugement ni tabou.