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politiquePolitiques LGBTQI+ : les programmes des candidats aux régionales en Île-de-France

Par Marie-Pierre Bourgeois le 04/06/2021
Les candidats aux élections régionales 2021 en Ile-de-France

Lutte contre l'homophobie, santé des personnes trans, PrEP… À écouter les candidats aux élections régionales 2021 en Île-de-France, la prise en compte des sujets LGBTQI+ serait une vraie priorité. Sincérité des engagements ou électoralisme en trompe-l'œil ? TÊTU a interrogé chaque candidat·e sur ses propositions.

Les candidats aux régionales en Île-de-France seraient-ils les meilleur·es ami·es des personnes LGBTQI+ ? Depuis le lancement officiel de la campagne le 31 mai dernier, les grandes déclarations en ce sens n’ont cessé de se multiplier. Pour clarifier les positions de chacun, TÊTU a contacté toutes les têtes de liste. Seul le candidat du RN Jordan Bardella, bien que sollicité à plusieurs reprises, n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

Valérie Pécresse, la présidente de droite sortante, avait ouvert le bal en assurant, comme pour faire oublier un passé Manif pour tous, que “les luttes contre toutes les discriminations font partie de [son] ADN.” Clémentine Autain, tête de liste pour la France insoumise, rappelle opportunément qu’elle était présente au premier mariage – illégal à l'époque – de deux hommes célébré par Noël Mamère à Bègles en 2004. L’ancienne journaliste Audrey Pulvar, qui se présente sous l’étiquette socialiste, se positionne, elle, en tant qu'“alliée des personnes LGBTQIA+”.

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Autant de déclarations plus ou moins crédibles selon le pedigree de leurs auteur·es, et qui méritent d’être confrontées à la réalité des compétences de la Région Île-de-France, la plus riche de France et la deuxième en Europe.

Sécurité dans les transports

Les transports sont la première compétence de la Région, tant par leur coût (1,8 milliard d’euros pour 2021) que par leur importance dans la vie quotidienne des Franciliens. Alors qu’environ 5% des agressions homophobes ou transphobes ont lieu dans les transports publics, chaque candidat avance ses billes sur le sujet.

À commencer par la proposition emblématique d’Audrey Pulvar : la gratuité totale des transports publics d’ici à 2026. La socialiste fait valoir que les contrôleurs, au lieu de vérifier la validité du titre des transports des voyageurs, seraient ainsi déployés dans les wagons en guise de médiateurs.

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Du côté de la majorité actuelle, Valérie Pécresse revendique un “bon bilan en la matière”. Et de rappeler que c’est elle qui a lancé Respect sur toute la ligne, la première campagne régionale de lutte contre les violences homophobes dans les transports. Pour la suite, son programme annonce 1.000 nouveaux agents dans les transports en commun et la mise sous surveillance de 100% des bus, trains, tramways et gares dès la fin de l’année 2021. 

Dans la même veine, la tête de liste La République en marche (LREM), Laurent Saint-Martin, insiste sur la création promise d’une police régionale qui sillonnerait largement les trains.

Les écologistes se veulent aussi volontaristes sur le sujet en déployant des brigades qui pourraient se signaler auprès des femmes seules pendant leur trajet et, plus largement, se feraient connaître des voyageurs “en situation de vulnérabilité”. La liste portée par Julien Bayou va plus loin en proposant que ces brigades puissent porter plainte en lieu et place de la victime. “Quand une plainte est déposée par une personne agressée physiquement ou verbalement dans les transports, elle aboutit dans 70% des cas. Mais cela prend du temps et demande des efforts pour les victimes. Si les brigades présentes pouvaient elles-mêmes permettre d’enregistrer les plaintes, le signal envoyé serait fort.”

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La France insoumise ne promet pas quant elle de renforcement de la présence dans les transports mais insiste sur le “contact humain en imposant à la RATP et à la SNCF au moins un guichet ouvert en permanence dans toutes les stations.”

Les LGBTphobies au lycée

Deuxième grand budget de la Région, celui lié à l’entretien et aux personnels de région dans les lycées (951 millions d’euros en 2021). Toutes les listes de gauche proposent de soutenir les associations plus largement pour intervenir dans les lycées et sensibiliser les jeunes aux discriminations anti-LGBTQI+, sans toutefois de chiffrage précis. 

Seul Julien Bayou donne un cadre plus clair. Je regrette qu’aujourd’hui les appels d’offres mettent en compétition les structures associatives. On préférerait déployer ces fonds pour pouvoir créer des emplois tremplins dans des associations qui parlent des sujets LGBT. Cela permettrait des actions de prévention bien plus nombreuses dans les établissements scolaires.”

La tête de liste EELV se distingue également en proposant la réorganisation des cours de récréation des établissements scolaires. "On sait que ce sont des lieux où se jouent déjà des enjeux de pouvoir. Dès la maternelle, et cela continue jusqu’au lycée, les garçons ont tendance à utiliser la majeure partie de l’espace qui leur est alloué tandis que les filles sont plutôt repliées vers les espaces extérieurs. Cela crée des représentations mentales très fortes. Il est temps de changer cela”.

À LREM, Laurent Saint-Martin insiste sur le “travail des jeunes pour les jeunes”, en proposant de former  l’ensemble des délégués de classe aux lycées à la lutte contre l’homophobie et la transphobie. 

Des parcours de santé plus inclusifs

Si les politiques de santé publique représentent l’un des plus petits budgets de la Région, la crise du Covid est passée par là. Pas question donc de faire l’impasse sur le sujet pour atteindre les électeurs LGBTQI+.

Sur ce point, la majorité sortante s’appuie essentiellement sur le Centre régional de prévention et d’information du sida (CRIPS). “C’est l’un de nos outils pour améliorer la santé des personnes LGBT”, fait valoir Valérie Pécresse. Un outil dépassé, juge pour sa part le candidat LREM Laurent Saint-Martin. “C’est une vision très années 1980-1990 de dire que l'égalité des droits rime avec lutte contre le VIH. Je préfère et de loin financer les associations qui pourront faire un vrai travail de terrain.”

Valérie Pécresse s’appuie également sur l’IPass contraception, une appli “déjà installée sur les 400.000 tablettes distribuées aux lycéens. Nous y parlons évidemment des grossesses précoces et des Infections sexuellement transmissibles (IST). Au fur et à mesure, nous y ajoutons des items comme la PrEp”.

Un outil que souhaitent renforcer les Insoumis, les écologistes et les socialistes. Audrey Pulvar souhaite ouvrir plus largement ce dispositif : “Il faut envisager une campagne d'information à destination de toutes les populations, pas seulement les hommes gays et bi". 

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Clémentine Autain (LFI) met de son côté l'accent sur la santé des personnes trans. “Nous voulons créer 300 centres de santé avec une veille sur les parcours des personnes trans. Je suis très inquiète du marché noir aux hormones qui est en train de se développer. On ne peut pas fermer les yeux et accepter ces parcours de transition à deux vitesses.”

Enfin des archives LGBTQI+ ?

Autre sujet qui fait consensus sur les bancs de la gauche, l’ouverture du centre d’archives LGBTQI+. Alors que le projet patine depuis des années, la candidate Insoumise veut en faire un symbole en créant une antenne au-delà du périphérique. “Ce serait un symbole très fort. Le livre de Fatima Daas, La petite dernière, ou le coming out du footballeur Ouissem Belgacem, montrent à quel point il faut avancer sur la question de l’homosexualité en banlieue”, estime la députée de Seine-Saint-Denis.

En revanche, à trois ans des Jeux olympiques de Paris 2024 et alors que le sport représente un budget de 100 millions d’euros pour la Région, seul Laurent Saint-Martin aborde explicitement la place dans le sport des personnes LGBTQI+. “Il faut être strict en refusant de financer toutes les structures sportives qui ne tiennent pas un discours de fermeté contre l’homophobie. On ne peut pas faire du ‘en même temps’ sur le sujet. Pas question de financer des clubs qui ont des liens avec des thérapies de conversion”, développe le candidat LREM.

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Enfin, an plan de la lutte contre les discriminations, les déclarations de bonne intention sont nombreuses mais souvent imprécises. Les plus précises, Clémentine Autain et Audrey Pulvar, proposent la création d’une vice-présidence dédiée spécifiquement à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les LGBTphobies. 

Valérie Pécresse, adversaire commune

Valérie Pécresse propose quant à elle la création d’une "agence de la promesse républicaine" qui travaillerait à l’éradication de tous les champs de discriminations. Son but serait de faire à la fois du testing et de l’aide aux victimes. Mais pas question de la réserver aux problématiques LGBTQI+. “Je refuse de communautariser cette lutte", insiste l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy.

En face, l'opposition s'accorde à pointer les incohérences, voire l'hypocrisie de la présidente sortante sur les sujets LGBTQI+. Julien Bayou pointe une opération de “pinkwashing”, quand Audrey Pulvar rappelle qu’elle a été “en partie élue par les voix de la Manif pour tous”. Laurent Saint-Martin, lui, met en avant le profil de la présidente, nommée par Valérie Pécresse dès le début de son mandat, de la Commission famille au conseil régional : Caroline Carmantrand, une élue de Sens commun, le mouvement réac né dans l'opposition au mariage pour tous.

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Problème : le candidat macroniste a lui-même sur sa liste une élue MoDem, Nathalie Elimas, députée devenue Secrétaire d'État chargée de l'Éducation prioritaire, qui s'était opposée en 2013 au mariage pour tous et qui, plus récemment, s’est abstenue à l'Assemblée lors du vote de la PMA pour toutes lors du projet de loi bioéthique. “Son choix individuel ne représente pas notre ligne politique qui est très claire”, balaie le député du Val-de-Marne.

Réponse de Valérie Pécresse à ses adversaires : “Je refuse que l’on me juge sur des bouts de phrase. Il faut me juger sur mes actions à la tête de la Région et nous n’avons pas à rougir de notre bilan”Aux électeurs de rendre leur verdict, les 20 et 27 juin.

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