Abo

coming outCandidat des régionales en PACA, Elli Tessier fait son coming out non-binaire

Par Pauline Thurier le 25/06/2021
Elli Tessier, candidat aux régionales en PACA

Des coming out en politique, on n’en voit pas souvent. Alors quand un candidat au premier tour des élections régionales 2021 en PACA annonce qu’iel est non-binaire, chez TÊTU, on s’y intéresse. Rencontre avec Elli Tessier.

Ces élections régionales 2021 ont été un coup dur pour Elli Tessier. Si beaucoup s'offusquent de l’abstention générale et des bons résultats du Rassemblement national (RN) au premier tour dimanche dernier, sa déception à lui est double. Elli Tessier était placé en deuxième position sur la liste Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) dans les Alpes-Maritimes. Il a donc fallu encaisser la décision – à peine forcée – de sa tête de liste, Jean-Laurent Félizia, de se retirer du second tour dans la région PACA ce dimanche 27 juin, afin de tenter d’empêcher le RN de finir en tête. Pourtant, Elli Tessier retient une victoire sur cette élection : c’est le nom qu’iel a choisi qui figurait sur le bulletin de vote.

Coming out

Un mois avant le premier tour, le candidat tweete : "Lors de l'inauguration de la permanence niçoise, j'ai dit 'Je m'appelle Elli Tessier, je suis une personne transgenre.' Devant la presse. Je crois que c'est officiel." En réalité, son premier coming out à la sphère publique date de décembre 2020, lorsqu’iel annonçait sa non-binarité à sa communauté Twitter.

Des coming out de personnalités politiques, on ne peut pas dire qu’on en voit beaucoup en France. On a donc décidé d’aller rencontrer Elli Tessier sur ses terres, dans les Alpes-Maritimes. Une fois les cafés entamés, iel explique : "Je me définis comme non-binaire. Parfois, pour simplifier les choses, je dis que je suis trans." Pour simplifier ? "Déjà le concept de transidentité, dans la région, c'est compliqué mais alors le concept de non-binarité, les gens ne comprennent pas.".

Déjà 10 ans de politique

Âgé de 27 ans, Elli Tessier compte déjà une dizaine d’années de politique derrière lui. Iel a débuté au lycée auprès des Jeunes écologistes, avant de s’engager réellement dans le parti des Verts. Son entrée dans les rouages de la politique écologiste, iel la place au moment de la campagne de la primaire pour Yannick Jadot avant l’élection présidentielle de 2017. "C'est comme ça que j'ai rencontré des gens qui faisaient de l'interne dans le parti", se remémore le candidat. 

"J’ai cette envie de donner de l’espoir aux gens"

Après un premier poste de quelques mois chez EELV et un passage par Berlin, Elli se lance dans une thèse pour les Mines de Paris sur l’acceptabilité sociale des projets énergétiques. En 2018, iel déménage à Antibes pour poursuivre sa thèse sur leur campus de la Côte d’Azu. Le parti le nomme alors conseiller fédéral d’EELV pour la région PACA. Malgré une très forte présence de la droite sur le territoire, iel se lance en tête de liste dans la campagne municipale pour la mairie d’Antibes en 2020. Avec 4,89% des voix, Elli Tessier perd contre l'indétrônable Jean Leonetti (maire LR depuis 1995), qui l’emporte dès le premier tour.

Mais Elli Tessier n’est pas du genre à se formaliser d’une défaite. Iel retient une "belle campagne". "On se baladait avec des grands panneaux blancs en demandant 'qu'est-ce que vous voulez pour votre ville ?', raconte-t-iel, visiblement emballé par l’exercice. C'était hyper intéressant de rencontrer les gens et de voir quelles attentes ont les citoyens. J’ai cette envie de donner de l’espoir aux gens."

Nouveau nom, nouveau bulletin de vote

Une chose est sûre, iel ne regrette pas son score aux municipales. Comme ces élections ont eu lieu avant son coming out non-binaire, et donc son changement de prénom, sa notoriété modérée lui convient très bien. "On me reconnaît quelques fois mais je ne suis pas suffisamment connu pour que les gens aient en tête que je m'appelais autrement avant", se réjouit-iel. Depuis, iel a coupé ses cheveux et comme le port du masque a longtemps été obligatoire en toutes circonstances, cela a simplifié quelques présentations. 

"D'accord mais par contre, je veux que sur le bulletin de vote, il y ait écrit Elli"

Pour les élections régionales, Elli Tessier a posé les bases dès le début de son engagement dans la campagne : "J'ai pu dire 'd'accord mais par contre, je veux que sur le bulletin de vote, il y ait écrit Elli'. Ça a permis aux gens de comprendre que j'avais changé de prénom". La possibilité de mettre un nom d’usage quand on s’inscrit sur une position éligible, même si elle a été plutôt pensée pour les personnes sous pseudo comme Coluche, s’avère donc bien utile pour les personnes transgenres qui n'ont pas changé d’état civil.

Bien sûr, un bulletin de vote ne fait pas tout. Pendant la campagne, le candidat a constaté que pour ses colistiers comme pour les journalistes,  la transition n'était pas si facile et que lui "parler autrement qu’au féminin était à mille lieux de ce qu’ils pouvaient imaginer". "Je continue à avoir une expression de genre très féminine donc ça peut créer de la confusion", explique-t-iel, bienveillant. 

Peu de coming out en politique sur l’identité de genre 

En France, il existe très peu d’exemples de personnes engagées en politique qui auraient fait un coming out relatif à leur identité de genre. Quelques noms viennent en tête – Marie Cau, Camille Cabral ou encore Hélène Hardy – mais elles n’ont pas toutes connu un parcours politique avant leur transition, et ce sont surtout des femmes transgenres. "Je n’ai pas tellement connaissance de personnes non-binaires ou d’hommes trans en politique qui auraient fait une transition une fois engagés", relève Elli Tessier.

"Dans la pratique, ça peut être compliqué pour certains mais globalement, les gens ont très vite réagi"

Cela ne l’a pas empêché de trouver du soutien au sein de son parti, notamment auprès de la commission LGBT d’EELV : "Les gens dans mon cercle militant proche savent ce que c'est que de faire attention à appeler les gens par le bon prénom, utiliser la bonne façon de genrer les gens, ça m'a beaucoup aidé." Iel assure n’avoir eu aucun problème à l’intérieur du parti depuis son coming out. "On est un parti allié des personnes LGBT, développe-t-iel. Dans la pratique, ça peut être compliqué pour certains, notamment sur la transidentité, mais globalement, les gens ont très vite réagi et peut-être qu'ils m'appellent par mon ancien prénom quand je ne suis pas là, mais je ne suis pas là pour le voir."

Elli Tessier réfléchit aujourd'hui à trouver un équilibre pour la suite de son engagement auprès d’EELV. D’un côté, iel a envie de s’engager davantage sur certaines questions LGBT, comme par exemple sur le fait d’imposer une parité homme-femme, qui peut causer de la dysphorie de genre chez les personnes non-binaires. "J'aimerais qu'on ait une discussion là-dessus, pour que les personnes trans et non-binaires se sentent bien sans pour autant que les hommes cis aillent prendre ces places-là." D’un autre côté, précise-t-iel, "c'est important pour moi de ne pas être juste la personne trans qui pourrait aller à la télévision”

Avant cela, Elli Tessier va prendre du repos cet été – "J’ai besoin de faire des choses pour moi" –, après avoir enchaîné plusieurs campagnes. Iel veut aussi se remettre d’attaque pour la primaire écolo qui aura lieu à la rentrée de septembre, dans laquelle son soutien ira à la candidature de Sandrine Rousseau, avant le grand tourbillon de 2022.

LIRE AUSSI >> « Ma transidentité n’est pas une question » : Jena Selle, candidate Insoumise aux régionales à Paris

Crédit photo : image FTV (France Télévision)