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télévision21h Médias sur TMC : un docu pour rappeler les 10 ans du mariage pour tous

Par Nicolas Scheffer le 21/03/2023
Bruno Boileau et Vincent Autain sont les premiers à avoir pu bénéficier du mariage pour tous

Ce mardi 21 mars sur TMC, l'émission 21h Médias, présenté par Julien Bellver, diffuse un documentaire sur les 10 ans du mariage pour tous. Un combat difficile pour l'égalité des droits.

Jamais deux "oui" n'auront été pour nous plus historiques que ceux prononcés devant Hélène Mandroux, la maire de Montpellier, par Bruno Boileau et Vincent Autin. Les deux hommes se sont mariés il y a à peine dix ans, le 29 mai 2013. Dans un crépitement d'appareils photos de journalistes du monde entier, ils sont devenus les deux visages amoureux du mariage pour tous, cette loi portée par Christiane Taubira sous le quinquennat de François Hollande, qui a ouvert aux homosexuels la possibilité de se marier.

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Ce mardi 21 mars, à 21h25 sur TMC, l'émission 21h Médias revient sur cette page de l'histoire, si difficile à arracher au lobby réactionnaire, dans un documentaire sobrement intitulé Les 10 ans du mariage pour tous. Avec de nombreuses images d'archives, tant dans la rue qu'au Parlement, et de nombreux témoignages de François Hollande, Caroline Fourest, Christophe Beaugrand ou encore de la chanteuse Suzane, l'équipe de Julien Bellver relate le combat qu'il nous a fallu mener pour aboutir à ce droit. "C'est l'un des textes les plus importants des vingt dernières années qui a changé la vie de millions de personnes", appuie auprès de têtu· Julien Bellver, le présentateur de l'émission.

Le Maire, Le Pen, Pécresse, Juppé…

Le documentaire de 21h Médias ne fait évidemment pas l'impasse sur l'opposition de certaines personnalités politiques, majoritairement de droite, comme Valérie Pécresse, Bruno Le Maire, Marine Le Pen, Alain Juppé... À ces archives, on serait tenter de rajouter la timidité à s'engager dans la bataille de Ségolène Royal – qui fut ministre de la Famille de Lionel Jospin avant d'être candidate socialiste à l'élection présidentielle –, ou encore les mots de Christophe Béchu, actuel ministre de l'Écologie, qui comparaît en 2013 le mariage pour tous et l'inceste, sans oublier les propos de Gérald Darmanin, alors maire de Tourcoing, assurant à l'époque qu'il refuserait d'appliquer la loi.

Mais les images de TMC mettent surtout en évidence le ridicule des arguments des conservateurs, en premier rang desquels l'Église catholique. À l'époque, le cardinal Barbarin, condamné à six mois de prison avec sursis en 2019 pour ne pas avoir signalé à la justice des agissement pédocriminels, était parti en croisade contre le mariage avec des arguments homophobes. "Ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Un jour, pourquoi pas lever l'interdiction de l'inceste", peut-on l'entendre dire sur un plateau télé. Et que dire du ridicule de Tugdual Derville, patron d'Alliance Vita, association réac en chef de défense de la famille version "un papa, une maman", qui, moulé dans une combi latex rehaussé de deux grandes ailes en plastique vertes et roses, mettait en scène ses peurs et son ignorance dans une performance overgay, attisant la haine homophobe.

Contre-natureeeeeeuh

Dans les cortèges, où se ruent jusqu'à 1,4 million de Français, selon La Manif pour tous, les slogans les plus abjects sont assénés à l'adresse des homos. La gueule cassée de Wilfred, agressé en avril 2013 à Paris, alerte l'ensemble de la presse. Car les supporters de Frigide Barjot se radicalisent, et SOS homophobie alerte sur l'explosion de la violence homophobe, qui aurait été multipliée par six en à peine un mois de manifestation.

C'est pourtant bien pour lutter contre l'homophobie, après que Sébastien Nouché fut brûlé vif parce que gay en 2004, que le juriste Daniel Borillo, l'avocate Caroline Mecary, et de nombreux intellectuels, militants et politiques lancent le Manifeste pour l'Égalité, dans lequel ils réclament l'égalité des droits, à savoir le mariage pour tous, l'adoption pour les couples homos et la PMA accessible aux lesbiennes. C'est ainsi que le premier mariage d'un couple homosexuel, à Bègles en 2004, sera par la suite célébré officiellement. Le documentaire commet toutefois une petite erreur en prétendant que ce mariage n'avait "aucune valeur juridique". Le livret de famille des deux mariés était en effet tout à fait légal jusqu'à ce qu'il soit annulé par la justice devant la Cour de cassation, et que Noël Mamère soit suspendu de ses fonction pendant un mois, décision rarissime [voir têtu· du printemps en kiosques ce mercredi 22 mars où un article détaille cette folle histoire du premier mariage gay].

La Manif pour tous, bréviaire réac

Ce flash-back de dix ans permet de mieux saisir la violence actuelle des discours du lobby réactionnaire, particulièrement structuré, qui continue aujourd'hui d'instrumentaliser les enfants et d'avoir recours à l'intimidation pour mieux s'opposer aux droits LGBTQI+. La journaliste Caroline Fourest témoigne dans le documentaire de la violence physique dont elle fut victime. Et que dire des enfants de familles homoparentales, pour qui la période, marquée par la virulence des propos des commentateurs sur les plateaux télé, a été particulièrement pénible. Louise, 37 ans, témoigne ainsi de cette "audace assez incroyable de dire que je ne vais pas bien dans ma tête. Je ne vais ni mieux ni moins bien que d'autres". Rappelons que le progressisme de François Hollande pour nos familles doit être tempéré d'une faute : celle d'avoir proposé, un temps, aux maires qui refuseraient de célébrer les mariages de couples de même sexe, une clause de conscience.

Et n'oublions pas non plus qu'il a fallu attendre 2021 pour que la promesse d'ouvrir la PMA aux lesbiennes soit tenue, non sans effet pour les couples de femmes, dont beaucoup ont dû se rendre à l'étranger avec l'espoir de fonder leur famille. Et si les parents d'enfants issus de GPA devaient être automatiquement reconnus par les autorités françaises, les macronistes ont inscrit dans la loi qu'ils doivent désormais adopter leur propre enfant. Adoption certes facilitée en 2022 par la loi Monique Limon (Renaissance) qui facilite l'adoption intrafamiliale, mais qui ne résout pas la quasi-impossibilité de fait des gays à adopter d'autres enfants que les leurs.

Aujourd'hui, certains opposants de la loi Taubira reviennent sur leurs propos. À l'image de Valérie Pécresse pour qui "la libre détermination, c'est dans mon ADN", ou encore Marine Le Pen, qui promet désormais, la main sur le cœur, qu'elle ne reviendra plus sur le mariage pour tous. "Une grande loi est une mesure entrée dans le quotidien sans être remise en cause", soutient Julien Bellver, qui projette d'épouser son conjoint.

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Crédit photo : AFP