[Article à lire dans le têtu· de l'hiver en kiosques ou sur abonnement] Susurrés à l’oreille ou jetés en pleine figure, les mots revêtent dans le sexe un rôle majeur. Expression de nos désirs les plus intimes ou relevant de jeux aux rôles définis, le trash talk participe au plaisir, dont il est pour certains petits bâtards la voie centrale.
Photographie : Maxime Muller
Bah alors ma salope, ça fait longtemps que tu fais du trash talk ?
J’ai commencé super tôt. Dès le départ, la parole a été super importante pour moi. Les premières fois c’était sur des services de dialogue hot par téléphone. Ça coûtait tellement cher que je cachais les factures détaillées quand elles arrivaient. Je trouvais très excitant de parler de cul de façon hyper trash alors que je n’avais que 15 ans.
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Et tu parlais à qui ?
À des mecs hétéros. Je n’avais pas encore mué, alors je me faisais passer pour une meuf. Ils me racontaient tout ce qu’ils allaient me faire, et je leur disais tout ce que je voulais qu’ils me fassent. D’un coup, je n’étais plus un petit obèse de banlieue. Pendant cinq minutes, j’étais la meuf la plus bandante du monde.
Et aujourd’hui, qu’est-ce qui te plaît ?
Ce que j’aime, intellectuellement, c’est me faire dominer. J’aime être soumis, qu’on me crache dessus, et surtout qu’on me parle mal. Ça compense ce que je ne peux pas donner physiquement : je ne serai jamais le meilleur passif de la terre, je n’accepterai jamais les doubles et les triples pénétrations. Par contre, je peux être très sexy et très sexuel avec le trash talk. Je dis tout ce que je veux qu’on me fasse, et de la façon la plus dégueulasse, la moins politique, la plus imagée, visuelle possible. Je dis aux mecs de me remplir de leur jus, etc.
Et en dehors du lit, tu es plutôt dominant ?
Carrément. Je m’énerve vite, je parle mal, j’essaie de prendre le pouvoir tout de suite… Le trash talk, c’est une autre facette de ma personnalité. Je vois vraiment le sexe comme un truc sans jugement où je peux exercer ma vulnérabilité, ma “soumission”, et parfois ma féminité ; tout ce que je n’arrive pas à exprimer dans la vie quotidienne. Après tu peux y mettre de l’intensité, hein, une vraie intensité, mais ça reste un jeu. Et tu peux l’arrêter à tout moment. D’ailleurs, même pendant l’action, il y a des petits gestes qui ne trompent pas : tu fais attention à la fringue de l’autre, au meuble derrière lui pour ne pas faire tomber un objet…
La parole est centrale ? Avec toi, le domi qui ne parle pas peut aller se rhabiller ?
S’il n’y a pas de conversation, sans même parler de trash talk, ça ne m’excite pas. J’en ai vraiment besoin. Je peux bander simplement parce qu’on me parle mal. Mais je trouve que les gens ne se lâchent pas assez. Dépasser le côté juste physique demande plus de connexion avec son cerveau. Les mecs ont tendance, notamment quand il s’agit de plan cul, à déconnecter les deux.
Et ça t’arrive de dominer ?
En ce moment, je suis plutôt passif, mais oui. Après, je ne change pas de rôle au sein d’un même rapport. On ne peut pas revenir en arrière une fois qu’on a décidé qui va donner le trash talk. D’ailleurs tu connais beaucoup de mecs qui sont vraiment versa dans un couple ? Une fois que tu as commencé à être soumis aux insultes de l’autre, c’est difficile de devenir domi.
"J’aime bien aussi quand les mecs jouent les hétéros et qu’ils me traitent de sale pédé, d’enculé, de bouffeur de bite…"
Tu préfères qu’on t’insulte ou qu’on te dise ce qu’on va te faire ?
Ça dépend du type, mais je préfère qu’on me donne des ordres et qu’on m’insulte. J’aime aussi qu’on me parle au féminin, parce que j’associe vraiment ça à la soumission. J’aime bien aussi quand les mecs jouent les hétéros et qu’ils me traitent de sale pédé, d’enculé, de bouffeur de bite…
Et “petite chatte” pour parler de ton cul, tu aimes ?
Évidemment ! Mais ça ne marche pas pour tout le monde ! J’ai plein de potes qui ont un problème avec ça. Par contre je déteste quand les mecs font des espèces d’analogies un peu pourries, du genre "ta chatte anale". Non, soit tu dis “chatte”, soit tu dis “cul" en fait ! J’adore aussi tout le champ lexical de la fécondation : “je vais te foutre enceinte", "je vais te féconder", "tu vas porter mon gosse". Et sinon, j’ai une nette préférence pour le mot "jus" que je trouve très sexuel. Plus c’est vulgaire, mieux c’est. Mais c’est surtout le ton qui compte…
Et comment ça finit en général ?
Tu sais, c’est marrant, parce que c’est presque comme un rôle au ciné, il y a toujours un moment où tu sors du personnage. Si ça a été vraiment violent, vraiment trash, si on s’est vraiment mal parlé, etc., le mec va faire un geste tendre pour arrêter le truc, ou dire quelque chose de gentil. Après t’as ceux qui t’insultent et partent une fois qu’ils ont joui – en général ce sont ceux qui sont très dominants. Je t’avoue que je trouve ça très excitant.
Et ton genre de mec pour jouer à ça ?
Déjà, les mecs en uniformes, genre les flics, c’est vraiment pas mon délire. Après, je suis un gamin de banlieue, donc évidemment je suis très cailleras… Mais mon idéal, c’est un mec qui travaille de ses mains, un ouvrier, un mec un peu dur sur les bords.
C’est le genre de types avec qui tu sors ?
Pas du tout ! Je n’attire pas beaucoup les mecs dominants, parce qu’ils me prennent pour l’un d’eux. Et puis bizarrement, ceux que je choisis, je sais qu’ils n’ont pas ça en eux. On est tous tellement niqués du cerveau, on choisit souvent des choses vouées à l’échec.
C’est vrai, ça me fait réfléchir aussi…
Écoute ce sera 30 euros la séance. (Rires)
Sinon quoi ? Qu’est-ce que tu vas me faire ?!
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