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interviewClémence Guetté : "L'ouverture de la PMA n'est pas suivie d'effets"

Par Nicolas Scheffer le 06/05/2024
Clémence Guetté, députée France insoumise du Val-de-Marne

La députée du Val-de-Marne Clémence Guetté (La France insoumise) alerte sur le temps d'attente trop long des femmes engagées dans un parcours de procréation médicalement assistée (PMA). Elle a déposé une proposition de résolution appelant le gouvernement à investir des moyens pour faire baisser ces délais.

Trois ans après l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, son accessibilité reste un point noir. Pour enjoindre au gouvernement de régler le problème, la députée du Val-de-Marne Clémence Guetté (La France insoumise) a déposé le vendredi 26 avril, journée de la visibilité lesbienne, une "proposition de résolution" exhortant l'exécutif à débloquer davantage de moyens pour financer les centres de PMA afin de répondre à l'objectif qu'il s'était fixé : six mois d'attente maximum entre le premier rendez-vous et la première tentative d'implantation. Si le texte doit encore être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, son dépôt donne l'occasion d'alerter sur le manque d'effectivité de ce droit.

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  • Vous avez déposé un texte pour que l'Assemblée nationale réclame au gouvernement plus de moyens pour l'accès à la PMA. Quel est votre constat ?

Le constat, partagé avec les associations, les personnes engagées dans les parcours et les professionnels de santé, est plutôt amer : en 2021, la loi bioéthique d'ouverture de la PMA à toutes les femmes était une question d'égalité. Mais elle n'est restée qu'à l'état théorique, par manque de moyens et d'anticipation des conséquences de la loi, c'est-à-dire l'explosion du nombre de demandes. Ainsi, le temps d'attente moyen est beaucoup trop long pour qu'on puisse dire que les femmes ont véritablement accès à la PMA. Il faut mettre une pression politique, c'est pour cela que j'ai déposé cette proposition de résolution. Une pétition a également été lancée pour mobiliser la société civile, et plein d'associations et de collectifs font un gros travail de compilation de données afin de traduire la réalité du terrain.

  • Sur la PMA on a davantage l'habitude d'entendre d'autres députés de votre camp. Comment avez-vous été sensibilisée au sujet ?

Je suis entourée de plein de personnes concernées, c'est une problématique que je croise beaucoup et qui me touche. Peu d'actes progressistes ont été posés depuis sept ans de macronisme, et la PMA est une bonne chose mais il s'agit de promesses, et l'affichage n'est pas suivi d'effets. Et puis il y a une injustice sociale, avec des personnes qui peuvent se lancer dans un processus compliqué parce qu'elles ont les ressources culturelles, qu'elles maîtrisent le français et savent s'orienter dans un parcours de santé en étant soutenues et accompagnées. Je pense à toutes les personnes qui n'ont pas cette possibilité, celles qui doivent faire par exemple jusqu'à deux heures de voiture pour aller à un rendez-vous, c'est un frein considérable pour de nombreuses personnes.

  • Que proposez-vous pour diminuer ce temps d'attente ?

Déjà, il faut mettre des moyens financiers clairs car les centres ne sont pas dimensionnés pour accueillir toutes les personnes qui devraient avoir accès à la PMA. De façon très concrète, ce sont non seulement des médecins qui manquent, mais aussi parfois des machines, y compris pour la conservation des paillettes. Au-delà de l'aspect matériel, il faut que les centres aient le droit de communiquer leurs besoins, potentiellement de rappeler les donneurs à la manière de l'Établissement français du sang (EFS). Il faut simplifier le don autant que possible.

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  • Êtes-vous favorable, comme certains médecins le demandent, à autoriser les cliniques privées à organiser des parcours de PMA pris en charge par la Sécurité sociale ?

Je suis toujours favorable à contraindre le privé à mettre à disposition ses locaux, ses professionnels de santé, pour une mission de service public. Si le cadre est remboursé par la sécurité sociale, pourquoi pas, car il faut davantage de professionnels. En revanche, j'alerte sur le fait que la PMA est déjà réservé à une minorité de personnes pour les raisons que j'ai déjà évoquées, et je suis très défavorable à un parcours à deux vitesses. La PMA est un droit qu'on a acquis et qui ne doit pas être conditionné au portefeuille.

  • Êtes-vous favorable à une nouvelle loi bioéthique, et si oui, que mettriez-vous dedans ?

Lors de l'examen de la dernière loi bioéthique, nous avions bataillé par amendements. Mes collègues Danièle Obono et Ségolène Amiot ont fait un travail pour détailler les manques de la loi, je vous renvoie à leurs travaux.

  • Votre collègue Louis Boyard a récemment déclaré son opposition à la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) au nom d'une "marchandisation du corps des femmes", or de nombreux témoignages attestent la liberté des femmes volontaires. N'y êtes-vous pas sensible ?

Depuis de nombreuses années, nous avons déclaré notre position en défaveur de la GPA. Pour l'heure, nous n'avons pas été rassurés sur la possibilité d'encadrer la GPA et nous ne croyons pas qu'il soit possible d'éviter une dérive financière si le phénomène venait à prendre de l'ampleur. Nous y sommes opposés parce que nous ne voyons pas comment cela pourrait se faire de manière juste, éthique et respectueuse du corps des femmes.

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Crédit photo : Virginie Haffner / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

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