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cinéma"Miséricorde", le nouveau film sombre et homoérotique d'Alain Guiraudie

Par Morgan Crochet le 22/05/2024
Alain Guiraudie présente "Miséricorde" au Festival de Cannes 2024

Projeté hors compétition au Festival de Cannes, Miséricorde, le dernier film d’Alain Guiraudie, est un huis clos en pleine nature reprenant de nombreux éléments de son roman Rabalaïre.

Lorsque Jérémie revient au village pour l’enterrement de son ancien patron boulanger, sa veuve, Martine, lui propose de coucher dans l’ancienne chambre de leur fils, Vincent. Ce dernier, tout d’abord content de le revoir, va brusquement changer d’attitude alors que Jérémie décline son invitation à s’amuser avec lui pour rejoindre sa mère au salon… Quelques jours plus tard, Vincent disparaît.

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Proche de son roman Rabalaïre, dont le deuxième tome, Pour les siècles des siècles, a été publié chez POL en mars, Miséricorde semble faire le lien entre l'univers du réalisateur et une version occitane (et à l'échelle d'un village) du Théorème de Pasolini, dans lequel un étranger débarque dans une famille milanaise pour y séduire ses membres. À ceci près que le personnage principal de Miséricorde, Jérémie, a déjà un passif avec tous les hommes du coin, de Vincent au père récemment disparu de ce dernier, sans oublier les troubles qu'il opère sur la veuve et le curé du village, amoureux de lui au point de lui offrir assistance et pardon, en un mot, sa miséricorde.

Bienvenue en Guiraudie

Pour servir son récit, Guiraudie invente une galerie de personnages, dont il a choyé le casting. Félix Kysyl, aux airs de Martin Freeman (The Hobbit), interprète le rôle principal et donne la réplique à Catherine Frot, au charismatique David Ayala et à Jacques Develay dans un rôle du curé pas très catholique, ainsi qu'au réalisateur de Chien de la casse, Jean-Baptiste Durand, qui incarne Vincent, l'enfant terrible de la bande. Le cinéaste les filme au plus près, accordant finalement peu d'importance aux paysages qui les entourent pour se focaliser sur ces villageois dont les visages disent autant qu'ils dissimulent, comme s'il cherchait à en percer les secrets.

Un des talents du réalisateur est sa capacité à créer des mondes proches du nôtre pour faire voler en éclats nos paradigmes. Ainsi en est-il de ce village de Saint-Martial où se déroule l'intrigue. On y découvre une petite société avec ses lois, ses secrets et ses non-dits, dans laquelle chacun occupe sa place, importante, irremplaçable. En revenant dans cette communauté à première vue paisible, statique, Jérémie ne tarde pas à mettre en branle ce petit monde, réveillant par sa présence désirante les pulsions de chacun, sensuelles comme meurtrières. À mi-chemin entre le polar et la comédie, Miséricorde met en scène des victimes qui se rebiffent tandis que les chairs s'attirent au gré des occasions, des émotions, des sentiments. Un pure manifeste guiraudien, qui permet au réalisateur de poursuivre son travail sur le réel et ses doubles commencé en 2003 avec Pas de repos pour les braves.

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Crédit photo : Les Films du Losange

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