La fondation Le Refuge, qui héberge et accompagne des jeunes LGBT+ rejetés par leur famille, s'est dotée d'un Observatoire des vulnérabilités queers, qui publie cette année son premier rapport, consacré au sursans-abrisme des jeunes queers et aux violences intrafamiliales.
"Le sursans-abrisme queer, c'est le constat d'une surreprésentation, d'une disproportion des personnes queers parmi les personnes à la rue." C'est aussi le sujet du Panorama 2024 – le premier – de l'Observatoire des vulnérabilités queers dont s'est dotée la fondation Le Refuge – désormais actionnaire de têtu· – afin de nourrir la connaissance et les réflexions sur les sujets touchant à sa mission : l'hébergement et l'accompagnement des jeunes LGBT+ victimes de violences intrafamiliales, rejetés par leurs parents, chassés du domicile en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
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Publié ce jeudi 10 octobre, Journée mondiale de lutte contre le sans-abrisme et veille de la Journée internationale du coming out, ce premier rapport est consacré à deux sujets fondateurs du Refuge : le sans-abrisme et les violences intrafamiliales qui touchent les jeunes queers. D'où il ressort, selon les dernières données européennes, que les personnes LGBTQI+ sont 5 fois plus exposées au risque de se retrouver sans domicile (c'est-à-dire sans logement fixe) et 15 à 16 fois plus sans abri (c'est-à-dire à la rue). En France, une personne queer sur cinq a déjà été sans domicile et près de 5% en hébergement d'urgence ou dans la rue. Des difficultés d'hébergement qui durent en moyenne 12,9 mois. Pour les personnes trans, ces chiffres doublent, et les personnes intersexes sont aussi particulièrement touchées : 29% d'entre elles se sont déjà retrouvées sans domicile.
Un sans-abrisme LGBT+ spécifique
"Ces chiffres sont également liés à une précarisation des Français en général. Le nombre de sans-abri a doublé en l'espace d'une décennie, d'après Emmaüs", explique Loïc Chave, responsable de l’Observatoire des vulnérabilités queers. Reste que les personnes LGBTQI+ sont touchées dans des proportions nettement plus importantes, c'est ce qu'on appelle le "sursans-abrisme queer". Ainsi, un adolescent queer sur dix a déjà été sans domicile, et le taux de sans-abrisme double après la majorité.
Dans 71% des cas, les personnes queers se retrouvent à la rue ou en situation de précarité après une rupture familiale, qui survient fréquemment après un coming out. Selon une étude du Refuge, un peu moins de huit Français sur dix condamneraient l’idée qu’un parent expulse son enfant queer de chez lui. Chaque jour, cinq jeunes LGBTQI+ sollicitent un hébergement auprès du Refuge, qui a dû faire face en 2023 à une demande équivalente à 843% de sa capacité d’accueil (1.721 demandes reçues pour 204 places disponibles).
Violences intrafamiliales
Les jeunes queers sont également exposés à plus de violences intrafamiliales. Une femme lesbienne ou bisexuelle sur deux en a été victime, de même que les hommes gays et bisexuels déclarent deux fois plus de violences intrafamiliales que les hommes hétérosexuels, et les personnes trans trois à quatre fois plus. De manière générale, les personnes LGB sont trois à quatre fois plus victimes de violences psychologiques intrafamiliales que les personnes hétérosexuelles, et une personne trans sur deux est victime de violences psychologiques intrafamiliales.
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Ces phénomènes sont, comme toutes les violences anti-LGBT, aggravés par la montée des débats publics ou discours politiques queerphobes. Ainsi, récemment, de la remise en cause de l'accès au soin pour les jeunes trans portée par les conservateurs au Sénat. Le Refuge, alerte le rapport, est ainsi "témoin d’une panique morale autour des enfants trans, qui aggrave les violences intrafamiliales, bloque toute évolution de leurs droits, notamment à la santé". Un tiers des personnes cis-hétérosexuelles en France pensent qu'il faudrait "soigner" un enfant trans, et 52% comprennent que les parents d’un enfant trans s'opposent à sa transition.
"L'égalité des droits n’est pas atteinte. Il reste encore beaucoup de progrès à faire, notamment en prenant en compte cette vulnérabilité queer et en renforçant les législations spécifiques à la communauté", conclut Loïc Chave, dont le rapport se termine par un plaidoyer appelant à une réponse des pouvoirs publics à la hauteur, notamment "la mise en place de financements dédiés, de la part de l’État et des collectivités territoriales, aux dispositifs spécifiques d’accueil et d'accompagnement des personnes LGBTI+, au regard de leur surreprésentation dans les populations précaires et sans domicile". Politiquement, la fondation se joint aux associations concernées – et à têtu· – pour demander aux législateurs "de s'opposer fermement à toute proposition de loi visant à restreindre les droits des personnes transgenres, en particulier celles qui cherchent à limiter l'accès aux soins médicaux pour les mineur·es en questionnement de genre".
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