théâtreJean-Luc Lagarce interprété deux fois par Vincent Dedienne, un bonheur au carré

Par Franck Finance-Madureira le 30/01/2025
Vincent Dedienne interprète Jean-Luc Lagarce.

À l'occasion des 30 ans de la disparition de Jean-Luc Lagarce, deux pièces relatives à l'œuvre du dramaturge franc-comtois sont à voir en ce moment au théâtre de l'Atelier à Paris. Le comédien Vincent Dedienne y joue un extrait du journal de l'écrivain gay mort du sida, Il ne m'est rien arrivé, suivi de sa pièce la plus connue, Juste la fin du monde. Un doublé incontournable de ce début d'année !

Quand Louis quitte sa ville et sa vie d'écrivain pour retourner voir les siens dans sa maison d'enfance, ce n'est pas pour parler de la pluie et du beau temps. Il est venu leur annoncer sa mort imminente. Le jeune homme, qu'incarne Vincent Dedienne sur la scène du théâtre de l'Atelier, est un alter ego évident de l'auteur de Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce, et l'on devine – sans qu'il n'ait à rien préciser – à la fois son homosexualité et sa séropositivité. Entre échanges complexes, tendus avec sa famille et adresses au public, le comédien dessine le portrait sensible d'un jeune homme désespéré, submergé par ses impossibilités.

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Chacun des personnages joue sa propre partition : une mère qui vit dans ses souvenirs, un frère plein d'une colère et d'une jalousie qui contrastent avec la douceur volontariste et maladroite de sa femme, et puis la petite dernière, à laquelle Céleste Brunnquell (vue dans la série En Thérapie ou dans La Fille de son père) prête sa fougue et sa singularité. Grâce à un jeu de poulies, le décor se recrée au fil des scènes : des meubles, fenêtres et objets divers, suspendus au-dessus du plateau, descendent et remontent pour esquisser les espaces de la maison.

Dedienne aime Lagarce

Pièce la plus jouée de Jean-Luc Lagarce, qui en a retravaillé le thème dans Le Pays lointain, écrite juste avant sa mort du sida en 1995 à l’âge de 38 ans, Juste la fin du monde, adaptée au cinéma par Xavier Dolan en 2016 avec Gaspard Ulliel dans le rôle-titre, est un chef-d'œuvre de non-dits. Le metteur en scène, Johanny Bert, en parle d'ailleurs comme d'une "pièce énigme chorale" : ce qui se joue ici, c'est l'impossibilité de communiquer avec sa famille, de s'émanciper des réflexes, des habitudes qui régissent cette cellule, mais aussi des ressentiments à l'endroit de celui parti vivre ses rêves dans la grande ville.

Une heure avant le début de la pièce, dans Il ne m’est jamais rien arrivé, Vincent Dedienne interprète cette fois des extraits du journal que Lagarce a tenu quasi quotidiennement de ses 20 ans à sa mort, soit plus de 1.000 pages publiées en deux tomes à titre posthume (aux éditions Les Solitaires intempestifs). Ce (presque) seul-en-scène, aux côtés d'une illustratrice qui nourrit le décor de ses dessins et annotations, fonctionne comme une parfaite introduction à la pièce, éclairant toutes les facettes de l’auteur, sa profondeur, sa sensibilité et son talent hors norme. Ici, tout ce que Louis ne pourra jamais évoquer en famille est dit haut et fort par Jean-Luc, dont l'humour camp et malicieux colle parfaitement avec la douceur ironique de Vincent Dedienne. Merveilleuse idée, ce diptyque émouvant et irrésistible rend communicatif l'amour du comédien pour Lagarce.

Du 15 janvier au 22 mars, au Théâtre de l’Atelier (Paris 18e) :
Juste la fin du monde, du mercredi au vendredi à 21h, samedi à 15h et 21h, dimanche à 16h.
Il ne m’est jamais rien arrivé, du jeudi au samedi à 19h.

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Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage