La sortie du président de la République sur l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes lors du Grand entretien inquiètent et agacent les militants LGBT.
"Je souhaite qu'on attende l'avis du CCNE [Comité consultatif national d’éthique] afin qu'il y ait un vrai débat dans la société : si un tel débat aboutit favorablement, je légaliserai la PMA." En début d'année 2017, les propos d'Emmanuel Macron étaient limpides quand on l'interviewait pour le n°213 de TÊTU. La PMA pour toutes était érigée en promesse de campagne, distillée en visuels colorés sur son compte Twitter derrière le hashtag #CausettePrésidente.
Le fait que la PMA ne soit pas ouverte aux couples de femmes et aux femmes seules est une discrimination intolérable. #CausettePrésidente
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 16 février 2017
Désormais, le discours d'Emmanuel Macron avance à tâtons. Plus de "je légaliserai la PMA", lors de sa première grande interview télévisée sur TF1 hier soir, mais du "je serai garant de l'apaisement de cette concertation" sur la PMA en 2018, au moment des États généraux de la bioéthique. Alors que la journaliste Anne-Claire Coudray demande une affirmation claire sur la légalisation, il contourne et revendique le droit "de refuser le oui ou non" :
J'ai dit que je respecterai l'ensemble des convictions. Sur ces sujets de société, le politique ne doit pas imposer un choix en brutalisant les consciences, des convictions profondes que je respecte chez chacune et chacun.
Un sujet d'une "complexité extrême"
L'affirmation rappelle sa sortie épinglée par Les Inrocks, lorsqu'encore candidat il assurait que le gouvernement avait humilié les opposants du mariage pour tous - alors même qu'ils avaient été reçus à l'Elysée. Concernant l'ouverture de la PMA, tous les voyants sont au vert : le CCNE a rendu un avis favorable au mois de juin, après quatre années d'attente, et le dernier sondage d'opinion assure que jamais les Français·e·s n'ont été aussi favorables à l'extension de la PMA aux couples de femmes (64% des sondé·e·s) et aux femmes seules (65%). Mais Emmanuel Macron avait hier une autre lecture :
Nous aurons à revenir sur les lois de bioéthique (...) et chacun [de ces sujets, comme aussi la big data et la fin de vie] est d'une complexité extrême : ils heurtent les consciences philosophiques, religieuses, personnelles... quand il s'agit de la filiation, de la procréation, etc. (...) Je veux que sur chacun de ces débats, nous ayons une concertation apaisée (...) et qu'au moment où tout sera exprimé, alors des décisions puissent être prises et le législateur légiférer.
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Un boulevard pour la Manif pour tous ?
"Attention à ne pas reproduire les erreurs du gouvernement précédent, prévient SOS homophobie. Les consciences que vous croyez heurter sont les consciences d’une minorité bruyante qui porte une conception réactionnaire de la femme, de l’homme et de la famille." Surtout, l'association alarme le président sur les conséquences d'un tel débat qui, dit-on à l'Elysée, est pourtant un "traumatisé du mariage pour tous" :
Pensez-vous aux enfants qui entendent que, pendant plusieurs mois en 2018, leur vie pourra faire l’objet de débats ? Pensez-vous aux propos homophobes qui seront prononcés à l’encontre de ces enfants, de ces familles, si même le chef de l’Etat maintient le flou autour de la mise en oeuvre d’un engagement de campagne essentiel ?
Car en ouvrant le débat sur l'ouverture de la PMA, Emmanuel Macron tend la main à la Manif pour tous qui s'est imposée comme l'incarnation de l'opposition - ce que déplorait récemment le journaliste Olivier Truchot à la table des Grandes Gueules. Peut-être même en recevant les anti-égalité agrégés dans Sens commun, renseigne un conseiller du président cité par Europe 1.
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Ces débats inquiètent d'autant plus quand on constate que les plateaux télés manquent déjà l'occasion de donner la parole aux milliers de Françaises concernées. "Nous en avons assez de servir de chiffon rouge pour occuper les médias pendant des réformes contestées", conteste à son tour l'Inter LGBT qui impute au président Macron soit une "mémoire courte" sur la violence des débats des années 2012-2013, soit un "mépris pour les femmes et les familles LGBTparentales", et tranche :
Non, Monsieur le président, l'autonomie des femmes ne devrait pas faire débat !
Marlène Schiappa entre deux feux
Prise entre deux feux, Marlène Schiappa, principale interviewée du gouvernement sur le sujet, a renvoyé la balle à Agnès Buzyn, ministre de la Santé et donc officiellement en charge du sujet, ce matin sur RTL. En dépit de ses convictions personnelles favorable à la PMA pour toutes, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes a défendu la "nature prudente" du président Macron et botté en touche en évoquant plutôt la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, objets d'un premier projet de loi à l'horizon 2018.
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Couverture : Capture écran TF1