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Koh-Lanta"C'est important d'avoir une représentation LGBT dans l'émission" : Cyril, candidat de "Koh-Lanta", homo et fier

Par Marion Chatelin le 10/04/2019
Koh-Lanta

[PREMIUM] À 37 ans, Cyril a réalisé son rêve : participer à "Koh-Lanta". Au terme d'une décennie à candidater, il a intégré la 19e édition intitulée "la guerre des chefs". Ce sportif au sourire ravageur est le troisième candidat à intégrer l'émission en étant ouvertement homosexuel. Alors forcément, TÊTU a voulu en savoir plus. Interview.

Tenace. Voilà comment on pourrait décrire Cyril en un mot. Ce designer parisien a fait de l'aventure "Koh-Lanta", une émission de télé-réalité diffusée sur TF1, le rêve d'une vie. De quoi être traversé par un petit vertige. Car, à 37 ans seulement, ce féru de water polo peut rayer la ligne numéro un de sa "bucket list" (liste de choses à accomplir avant sa mort, ndlr). Et Cyril revient de loin. Agressé en 2016 par un gang à New York alors qu'il y était en vacances, il tombera une journée dans le coma. Deux ans plus tard, il se retrouve aux îles Fidji à disputer des épreuves sportives sous un soleil de plomb. "Une belle revenche sur la vie", confie-t-il à TÊTU.

Outre ses yeux bleu azur et ses cheveux poivre et sel, Cyril est surtout le troisième homme à participer à "Koh-Lanta" en se présentant comme homosexuel. Une prouesse. L'émission de télé-réalité existe depuis 2001 en France et compte 23 saisons. Mais les candidat.e.s LGBT qui en parlent face caméra se comptent sur les doigts d'une main. On se souvient d'Alexis, le voyant de la cinquième saison, qui s'était présenté comme gay. C'était en 2005. Et puis il y a eu Gabriel en 2016, qui avait révélé face caméra qu'il souffrait des tensions avec son père liées à son homosexualité. Sinon, rien. Nada. Jusqu'à Cyril. Rien que pour ça, TÊTU devait le contacter.

 

"J'ai précisé dans chacune de mes 13 candidatures que j'étais homosexuel. Je me disais que comme ça, s'ils voulaient me prendre, ils prendraient tout le package."

 

Alors, c’est comment "Koh-Lanta" ?

"Koh-Lanta", c'était d'abord un rêve. Cela fait plus de 10 ans que j’essaie d’y participer. Et pendant cette décennie j'ai tenté 13 fois ma chance, c'est pas mal non ? (rires) Alors, autant vous dire que je voulais y aller. Si je suis là, ce n'est pas un hasard !

Plus largement, c'est un aboutissement incroyable. Quand on est sur place, la machine se met en route et c'est vraiment impressionnant. C'est une expérience très forte à vivre.

Vous deviez être physiquement préparé si vous avez tenté votre chance autant de fois ! 

Je suis sportif depuis toujours. Le sport fait partie intégrante de mon quotidien. Alors, quand j'ai su que j'avais passé toutes les étapes de la sélection, j'ai commencé à faire du renforcement musculaire en plus de la natation et du water polo, que je pratique en club. Mais c'est compliqué de s'entraîner spécifiquement pour "Koh-Lanta", je ne savais pas quoi prioriser.

Vous êtes le troisième candidat à parler de son homosexualité dans l'émission. Comment appréhendiez-vous cela ? 

Je vous avoue que je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question. C'est vrai que je suis que le troisième. Il y a eu Alexis dans la saison 5 (2005) et Gabriel en 2016, mais il n'en avait pas parlé dans son portrait. À vrai dire, je n’ai pas vraiment pensé à ça quand j'ai été sélectionné. Ce n'est pas quelque chose que j'ai spécialement pris en compte. J'ai précisé dans chacune de mes 13 candidatures que j'étais homosexuel. Je me disais que comme ça, s'ils voulaient me prendre, ils prendraient tout le package. Pas pour avoir un quota LGBT+ dans l'émission, mais parce que ma personnalité les intéresse. Et c'est ce qu'il s'est passé. 

"C'est important d'avoir une représentation LGBT dans l'émission" : Cyril, candidat de "Koh-Lanta", homo et fier

Avez-vous vu observé des réactions étranges de la production de TF1 à ce sujet ? 

Non. Je n'ai eu aucune réaction. Je me suis présenté comme ça. Ils m'ont pris. Ça a été assez naturel. Je n'ai pas senti de traitement différent de la part de la production parce que je suis un candidat LGBT.

Mais vous n'êtes quand même que le troisième. N'est-ce pas révélateur d'une sous-représentation de la communauté LGBT dans l'émission ? 

C'est vrai. Après m'être présenté comme homosexuel, avoir expliqué que j'étais en couple et que je vivais avec Thomas (son compagnon, ndlr), j'étais vraiment content que le casting continue pour moi. Je me suis toujours dit que c'était important d'avoir une représentation LGBT dans l'émission. En ce sens, j'apporte de la visibilité.

Étant moi-même dans l'association Outsider - anciennement AquaHomo -, une association de sport LGBT à Paris, je dois dire que le militantisme fait aussi partie de moi.

Je pense que tout dépend des candidat.e.s. On parle quand même d'une émission diffusée en prime time sur TF1, à une heure où du monde est devant son poste de télévision. Certaines personnes n'ont pas forcément envie de parler de leur homosexualité et de l'afficher à la télé.

 

"Je voulais simplement être moi-même."

 

Et vous, pourquoi avez-vous choisi d'en parler ? 

Pour être tout à fait honnête, je ne me suis même pas posé la question ! Je vis mon homosexualité de manière tout à fait banale. Étant en couple il me paraissait impossible de le cacher, c'était quelque chose de simple et d'évident à mettre en avant. Je voulais simplement être moi-même. Un homme, designer de métier, homosexuel, passionné de water-polo. 

Comment avez-vous fait votre coming-out aux autres candidats ? 

L'avantage qu'on a eu cette année, c'est que la première soirée s'est faite tous ensemble, à 21, sur une île, autour d'un feu de camp. C'était incroyable. Au-delà du cadre, l'idée était que les chefs constituent leurs équipes. On s'est tous et toutes présenté.e.s un.e par un.e et quand est venu mon tour j'ai simplement dit 'je m'appelle Cyril, je vis à Paris, je suis en couple avec Thomas, je suis designer et je fais du water polo'. Une info parmi tant d'autres. Cindy a fait une blague sur le fait que son copain s'appelle aussi Thomas, on a ri et on est passé à la personne suivante. Tout simplement ! 

Je n'ai jamais eu de remarque de la part des autres candidats, tout s'est très bien passé. Je pense que c'est aussi lié à la façon d'aborder les choses. Je l'ai fait comme d'habitude, de manière simple et limpide. En disant que, certes, je suis homosexuel, que ce n'est pas tabou d'en parler, que je n'ai aucun problème avec ça, mais que je suis avant tout Cyril et que mon homosexualité n'est pas la seule chose qui me définit.

"C'est important d'avoir une représentation LGBT dans l'émission" : Cyril, candidat de "Koh-Lanta", homo et fier

Vous avez fait une alliance avec Maud, Chloé et Alexandre. Vous avez donné à chacun.e un surnom : "l'homo, le minet, la vieille et le boulet". Pourquoi ?

Il y avait quelque chose d'assez évident entre Émilie, Victor et Xavier. On s'est dit qu'il fallait contrer ça. On a donc pris une particularité de chacun.e. J'ai tablé sur le métier, l’âge, le physique et la sexualité. C’est donc venu un peu pour se moquer de nous-mêmes car c'était une alliance de circonstance. C’était également une boutade entre nous. On a beaucoup rigolé du fait que l'alliance majoritaire sur le camp allait être celle à laquelle on ne s'attendait pas du tout. C'est un peu improbable !

 

"En voyant tous les messages que j'ai reçus, je me suis dit que ma participation avait eu un impact."

 

On voulait aussi vous dire qu'on a apprécié votre déco sur le camp ! 

Merci. À ce propos, j'ai reçu pas mal de remarques sur le fait que j'ai décoré le camp avec des plantes. Les gens m'ont dit : 'c'est totalement cliché, un gay qui décore !'. Mais en fait je suis designer, c'est mon métier. Et puis, j’avais du temps et ça m’amusait, donc pourquoi s'en empêcher ? Alors que les gens me mettent dans des cases... Je ne suis pas un cliché mais je suis moi-même. Je suis autonome concernant les envies que j'ai et si j'ai envie de décorer le camp je le fais.

"C'est important d'avoir une représentation LGBT dans l'émission" : Cyril, candidat de "Koh-Lanta", homo et fier
L'équipe rouge : Chloé, Maud, Alexandre, Cyril, Xavier, Victor, Émilie.

Avez-vous l'impression d'être un modèle pour d'autres ? 

En voyant l'émission et tous les messages que j'ai reçus un mois après le lancement de la diffusion, je me suis dit que ma participation avait eu un impact. Beaucoup de jeunes LGBT+ me contactent sur les réseaux sociaux pour me parler de leur orientation sexuelle. Ils me disent qu'ils admirent le fait que je sois aussi ouvertement et simplement sur le devant de la scène en étant gay.

J’ai reçu des messages qui m’ont vraiment touché. Notamment une jeune femme libanaise qui vit toujours dans son pays. Elle est lesbienne, musulmane, et elle m’écrit énormément. Elle est dans une situation pas évidente puisqu'elle n'arrive pas à vivre sa sexualité dans un contexte géopolitique très complexe. J’essaye de l’encourager et de l'aider à garder le moral. 

Plus largement, je pense que cela serait vraiment positif si mon expérience pouvait ouvrir la voie à d'autres. Que des LGBT+ qui veulent faire "Koh-Lanta", se disent qu'ils ou elles ne seront jamais pris.e.s dans l'émission, voient que c'est finalement possible. Pour l’instant, je trouve que j’ai une image plutôt positive dans le programme. Donc tant mieux.

Avez-vous eu peur de recevoir des remarques désobligeantes et négatives, notamment sur les réseaux sociaux ? 

Je n'ai pas eu peur. Mais ce qui est sûr, c'est que je m’y attendais. J’en ai déjà reçu certaines, en public comme en privé. On ne peut pas lutter contre ça. Et je ne pourrai jamais avoir 100% du public derrière moi, comme n'importe quel autre aventurier de "Koh-Lanta".

Mais si j’arrive au moins à avoir des personnes derrière moi, c'est bien. Cela serait encore mieux de réussir à faire changer quelques mentalités !

Comment s'est passée la séparation avec votre conjoint Thomas ?

C'était très dur. J'ai traversé des passades compliquées sur l'île. J’avais un énorme besoin de réconfort et de me sentir rassuré. Alors, toutes mes pensées étaient tournées uniquement vers lui. Je me demandais ce qu'il faisait à telle ou telle heure en France. S'il allait bien. Je pensais à nous, à notre avenir, à tous les projets qu'on a envie de faire. 

Je me suis beaucoup interrogé avant de partir. Thomas était vraiment conquérant, il avait envie que j'y aille, que je bouffe tout. Il a toujours été mon premier soutien. C'est un super partenaire. Autant vous dire que les retrouvailles ont été riches en émotion. Quand il n’y a pas de nouvelles du tout pendant autant de temps - sans m'avancer sur la suite de l'émission, on en est déjà à environ 15 jours sur l'île -, et dans de telles conditions, ça peut être difficile.

Quel est votre rêve, maintenant que vous avez réalisé celui de participer à "Koh-Lanta" ? 

Rien ne remplacera jamais "Koh-Lanta". C'était l'aventure de ma vie ! Je voudrais essayer de revenir... (rires) ! Il y a l'édition "All Stars" de "Koh-Lanta" qui me tente beaucoup. Sinon, d’autres choses comme "Ninja Warrior" (une autre émission de TF1, ndlr) me font bien envie. Vous risquez de me revoir. 

Crédit photo : Philippe Le Roux / ALP / TF1.