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Marche des fiertésTudor Havriliuc, DRH monde de Facebook : "N'aie pas peur d'être toi même !"

Par Romane Ganneval le 08/01/2020
Tudor Havriliuc, DRH monde de Facebook : "N'aie pas peur d'être toi même !"

TETU CONNECT. Le directeur des ressources humains monde chez Facebook revient sur la politique de l'entreprise sur les questions LGBT.

Ouvertement homosexuel, Tudor Havriliuc vient d’accéder au poste de directeur des ressources humaines monde de Facebook. Depuis près de dix ans, il met en place des programmes de santé pour les employés LGBT+ et organise des missions de mentorat pour aider des jeunes de la communauté dans l’entreprise.

TETU : Comment devient-on DRH monde chez Facebook ?

Mon histoire est un peu différente de celles des personnes qui évoluent traditionnellement dans les entreprises de la Silicon Valley. Je suis né derrière le rideau de fer, à Bucarest, en Roumanie, où j’ai également passé mon enfance. À la chute du communisme, ma famille m’a envoyé dans un collège international en Italie. J’ai ensuite réussi à m’expatrier aux États-Unis pour finir mes études. À la fin des années 1990, il y a eu le boom internet, et les petites entreprises créées par d’anciens étudiants geeks ont pris du galon. J’étais analyste financier de formation, et, au sein des services de ressources humaines, on m’a très vite demandé de réfléchir à une culture d’entreprise où l’on pourrait associer un impératif business au bien-être des salariés.

Quelles sont vos principales missions ?

Notre entreprise grandit très vite. Quand je suis arrivé en 2010, nous étions 600. Aujourd’hui, nous avons passé la barre des 40.000  collaborateurs dans le monde. Ma première mission en tant que directeur des ressources humaines est d’embaucher les personnes les plus qualifiées dans leur domaine. Ensuite, comme notre plateforme s’adresse à plus de deux milliards d’utilisateurs, il est important que nos salariés ressemblent un peu à tous les profils que nous pouvons trouver sur les réseaux sociaux. Quand un poste s’ouvre, on ne se dit pas “ça serait bien que la personne appartienne à tel ou tel groupe minoritaire”, c’est plus subtil que ça. Nous recevons le plus de candidats possible et nous voyons avec lequel ça colle le mieux.

Que faites-vous spécifiquement pour les salariés LGBT+?

J’ai toujours souhaité qu’on prenne soin des membres de ma communauté. En plus d’avoir exactement les mêmes perspectives de carrière que tous les autres collaborateurs de l’entreprise, ils bénéficient de soins particuliers s’ils en font la demande. Je vais prendre l’exemple d’un homme ou d’une femme qui souhaiterait faire une transition. Chez Facebook, nous estimons que c’est un évènement majeur, voire le plus important dans la vie d’une personne. Nous avons donc développé un programme spécial d’accompagnement, en partenariat avec des salariés qui en avaient déjà fait l’expérience. Tous les soins médicaux sont pris en charge par l’entreprise. Nous offrons la thérapie hormonale, proposons un suivi psychologique, etc. Nous pouvons même orienter ces salariés vers des coachs de voix, de démarche et de posture, s’ils en ressentent le besoin.

Pour les lesbiennes et les gays, Facebook fournit une aide à l’adoption en offrant les services de juristes spécialisés. De plus, nous avons été l’une des premières entreprises dans le monde à prendre en charge la PrEP à 100  %. Au siège de Facebook, nous avons une clinique interne et avons formé nos docteurs à ce médicament et à son suivi.

Comment encouragez-vous le coming out dans l’entreprise ?

La première chose qu’on dit à chaque nouveau salarié, c’est :“N’aie pas peur d’être toi-même.”Chez Facebook, les salariés sont amis sur les réseaux sociaux et, par conséquent, savent beaucoup de l’intimité de chacun. Je suis presque ami avec toutes les personnes de mon service, et, évidemment, ils savent tous que je suis homosexuel. Après, il y a de nombreux groupes en ligne pour les minorités qui travaillent pour nous, dont Pride at Facebook. En plus d’organiser la Pride et tous les autres évènements LGBT+ de l’entreprise, ce réseau de professionnels aide chacun à y trouver le bon interlocuteur. Depuis peu, nous avons mis en place un programme de mentorat. Les seniors de notre communauté aident les plus juniors à avancer dans leur carrière.

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Les personnes LGBT+ influencent-elles certaines décisions?

Chez Facebook, il n’y a pas de hiérarchie à proprement parler. Nous avons choisi d’avoir un management horizontal, où chaque voix compte. C’est pour cette raison qu’il est important pour nous d’avoir dans nos effectifs des salariés issus de toutes les diversités. Pour les LGBT+, c’est encore plus simple. Un des managers les plus importants de l’entreprise est ouvertement gay et, via le groupe Pride at Facebook, recueille les demandes des salariés membres de la communauté.

Comment accompagnez-vous les modérateurs LGBT+ qui traitent  des contenus homophobes ?

Les modérateurs regardent chaque jour des contenus violents, homophobes, etc. Leur travail est à la fois dur et essentiel. Les salariés en charge de cette mission bénéficient d’un soutien psychologique particulier et ont accès à des groupes de parole. Les managers de Facebook qui encadrent les modérateurs ont également reçu une formation spécifique pour les aider à repérer les salariés qui n’iraient pas bien. Pour la modération, nous faisons également appel à des sous-traitants et nous nous assurons qu’eux aussi bénéficient d’un accompagnement personnalisé.

Facebook a ouvert des bureaux dans des pays aux législations homophobes. Comment prenez-vous soin de vos salariés à distance ?

Nous n’avons pas de bureau en Chine [l’homosexualité y a été dépénalisée il ya une vingtaine d’années] ni dans les pays de la péninsule Arabique... Mais, en toute franchise, nous n’avons pas développé de programme spécifique pour protéger les salariés LGBT+ qui vivent dans des pays aux législations homophobes. Ils ont accès au groupe Pride at Facebook et peuvent parler des problèmes qu’ils rencontrent dans leur quotidien et au travail. Ce n’est pas encore arrivé à ce jour, mais je suis certain que si un salarié se trouvait en danger, l’entreprise prendrait immédiatement toutes les dispositions nécessaires pour l’aider et le sortir de là.

Une entreprise friendly dans son fonctionnement interne peut-elle l’être à l’extérieur?

Facebook et Instagram sont des réseaux sociaux qui s’adressent à tout le monde. Ils sont aussi utilisés pour aider notre communauté à gagner en visibilité, à obtenir plus de reconnaissance et, finalement, pour faire avancer la société et le droit. Ils nous ont, par exemple, permis de lever plusieurs millions de dollars pour soutenir des associations LGBT+. En montrant publiquement qu’elle partage notre combat, notre entreprise fait sérieusement bouger les mentalités.

 

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