Pour la présidente d'IBM en France, les entreprises devraient partager leurs pratiques d'inclusion et de diversité pour mieux accueillir les personnes LGBTQI+.
Dans l'entreprise, l'inclusion des personnes LGBTQI+ est toujours un sujet. Alors que 36% des personnes LGBTQI+ considèrent qu'être out au travail est un désavantage, IBM ne se résout pas à laisser ces personnes au placard. "La liberté d'être soi favorise la créativité", soutient sa présidente, Béatrice Kosowski. La dirigeante appelle à ce que les entreprises mettent en commun les meilleures pratiques.
Est-ce qui a motivé votre engagement pour avoir une politique d'entreprise volontariste à l'égard des personnes LGBTQI+ ?
La chose qui m’atteint le plus, c‘est l’injustice. Il y a quelques années, j’ai échangé avec une personne engagée dans une transition et nos conversations m’ont bouleversées : cette personne a quitté son entreprise et sa ville parce qu’elle pensait qu’elle n’y trouverait pas la tolérance dont elle avait besoin. Je me suis rendu compte qu’à échelle de l’entreprise, on peut faire beaucoup. Mais pour être efficace, il faut aller trois crans au-delà de la sympathie pour une cause. Il faut être offensif : c'est comme cela qu'on fait bouger les lignes.
En quoi l’intégration des personnes LGBTQI+ est un sujet d’entreprise ?
Il ne s’agit pas d’un combat communautariste, mais d’être ouvert à la différence pour permettre à chacun de développer son plein potentiel. Pour la première fois en France, 80,7% de nos collaborateurs pensent qu’IBM est une entreprise inclusive. Cette liberté d'être soi favorise la créativité. C'est huit points de plus que l'année dernière. Évidemment, on ne va pas s’arrêter là, mais au-delà de la mesure, l’objectif, c’est que les collaborateurs puissent être eux-mêmes. En France, une personne sur deux a peur de dévoiler son orientation amoureuse à ses collègues de bureau !
Si vous étiez ministre de l’Égalité, comment vous choisiriez de remédier à ce difficile constat ?
Beaucoup d’initiatives existent déjà, mais il faut changer d’échelle. C’est d’ailleurs ce dont on discutait avec Élisabeth Moreno. Nous n’avons pas besoin de réinventer de nouvelles choses, mais de regrouper et mutualiser les bonnes pratiques. Nous avons lancé un programme P-tech, qui donne la chance à 600 jeunes en lycée professionnel d’être accompagnés de la seconde jusqu’au BTS avec un emploi dans le numérique à l’issue. Si l'on souhaite que 100.000 jeunes soient accompagnés, nous pouvons le faire, mais pas tout seuls. Nous avons besoin d’une coordination à l'échelle nationale et certaines mesures d’encouragement.
Nous accompagnons depuis 15 ans les personnes qui veulent changer de genre
Sur les sujets LGBTQI+, c'est la même chose. Dans le cadre des transition de genre, par exemple, chez IBM, nous sommes en avance par rapport à d’autres entreprises. Nous pourrions mettre en place un programme de référence que l’on mettrait à disposition du plus grand nombre.
Ce qui suppose que les entreprises ne se voient pas comme concurrentes…
Dans l’exemple de P-tech, je suis personnellement allée chercher tous mes concurrents et leur ai dit que j’étais prête à retirer le label d’IBM, s'il le fallait. En matière d'inclusion des personnes LGBTQI+, il ne doit pas y avoir de droits d’auteurs, on doit travailler en mode open source. Ce sont des causes qui doivent dépasser notre périmètre.
Concrètement, comment IBM agit pour que les personnes LGBTQI+ soient inclues comme il se doit ?
La première chose, c’est de ne pas faire dans la tiédeur. C’est tolérance zéro contre les personnes qui pourraient avoir une attitude discriminatoire. Ensuite, la direction s’engage : au sein du Comex, des binômes sont constitués pour porter les sujets sur lesquels nous pensons qu’il faut une force d’entraînement. Notre réseau LGBTQI+ a été fondé en 1995 depuis la direction pour être particulièrement proactif. Nous développons une série d’événements pour déclencher des vocations, notamment auprès des alliés des personnes LGTBQI+.
Nous avons mis en place des formations obligatoires, avec des mises en situation, tous les ans. Dans notre parcours d’accueil des nouveaux embauchés, on veut donner le ton sur l’importance de nos valeurs et nos attentes. Nous encourageons les personnes qui nous rejoignent d’appartenir à un réseau.
Nous faisons particulièrement attention dans nos processus de ressources humaines. Par exemple, nous accompagnons depuis 15 ans les personnes qui veulent changer de genre. Au niveau mondial, cela concerne environ 15 personnes par an, et en France, une par an.
Comment accompagnez-vous les transitions de vos employé·es ?
Nous proposons aux personnes transgenres un congé de neuf jours afin qu’elles puissent effectuer leur transition sereinement. Mais surtout, nous tentons de créer un espace de dialogue sécurisé. Suivant son âge, son histoire, son environnement… la personne vivra très différemment sa transition, qui est une démarche très longue. Il faut respecter de manière absolue le rythme de la personne, et notamment sa temporalité dans le choix d’en parler à d’autres personnes de l’entreprise.
L’inclusion des personnes LGBTQI+, c’est désormais une condition de performance dans la tech ?
Absolument. Dans l’innovation, il y a une nécessité de sortir des sentiers battus. Pour être les meilleurs, il faut attirer et retenir les talents. Les meilleurs talents ne voudraient pas rester chez IBM s’ils ne voyait pas notre sincérité, notre authenticité et efficacité dans la notion d’inclusion que nous promouvons. Avoir une diversité de profils, c’est la guerre du marché.
Crédit photo : IBM