Britney SpearsComment Britney Spears est (re)devenue la reine d'internet

Par Pauline Ferrari le 25/05/2020
Britney Spears

20 ans après “Oops, I Did It Again”, Britney est partout : pages de mèmes, défis TikTok, sa popularité explose sur Twitter ou Instagram… et notamment auprès de la communauté LGBT.

Ses photos et vidéos Instagram pendant le confinement ont fait le bonheur des internautes : Britney Spears profite de sa piscine, fait des sessions sport avec son amoureux et danse sur la chanson de son ex, Justin Timberlake. Bref, Britney vit sa meilleure vie, profitant du 20ème anniversaire de son deuxième album, “Oops, I Dit It Again”, vendu à plus de 20 millions d’exemplaires. Après la gloire, une descente aux enfers et une traversée du désert, Britney Spears est en train de reconquérir internet, plus ou moins malgré elle. 

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Fondement de la culture web

Si la pop-star américaine fait les heures de gloire de MTV et des magazines pour ados dans les années 2000, son histoire fait écho à celle de la démocratisation d’internet dans les foyers occidentaux : en 2007-2008, la chanteuse traverse un divorce tumultueux, s’attaque à des paparazzis à coup de parapluie, et se rase la tête. Sa santé mentale est au plus mal, elle est harcelée et sur-médiatisée, moquée après sa performance ratée aux MTV Video Music Awards : l’enfant chérie de l’Amérique a pété les plombs. 

Durant cette période, Britney sera soutenue par ses fans, à travers des blogs et surtout par des vidéos d’un Youtube balbutiant : la vidéo du jeune Chris Crocker, intitulée “Leave Britney Alone, est rapidement devenue un mème et un fondement de la culture internet… au prix de nombreux commentaires homophobes et transphobes. Et malgré des succès radiophoniques, la princesse de la pop semblait ne plus avoir la cote numérique. Pire, son silence l'an dernier sur la toile avait donné lieu aux théories les plus folles : la star serait internée, contre son gré, en hôpital psychiatrique.

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Mais après une longue traversée du désert virtuel, Britney semble être définitivement de retour : plus de 24 millions d’abonnés sur Instagram, des challenges TikTok sur sa chanson “Baby One More Time, et une avalanche de mèmes à son image. 

Reine d'internet

Les mèmes, ce sont ces images parodiques ajoutant une légende sur une photo, dans un objectif humoristique. La toile en est remplie, et la page instagram ItsBritneyMeme s’est faite spécialiste de ce type de contenus : “je pense que Britney est naturellement drôle, de ses gestes à ses mimiques ou son langage corporel” explique Rudyard, le créateur de la page. Il appose à des photos sorties de leurs contextes des phrases drôles ou des photomontages, célébrant la pop-star américaine. “Jusqu’ici, je crois avoir réussi à être drôle sans me moquer d’elle” : pour Rudyard, les mèmes de Britney Spears ne visent pas à rire d’elle mais avec elle. 

Lobbygouine, 15.000 abonnés sur Instagram, est l’un de ces comptes de mèmes où rire rime avec destruction de l’hétéropatriarcat et des stéréotypes de genre. Un compte engagé et inclusif où Britney a sa place : “déjà c'est toute mon enfance, confie la créatrice. Ensuite, tu pars du principe que tu peux tout lui faire dire”. En pleine nostalgie des années 2000 et de leur insouciance, Britney devient reine de la culture web : ses pétages de plombs comme ses périodes iconiques sont célébrées et parodiées… Et particulièrement dans les milieux féministes ou LGBTQ+.

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Icône queer

Britney Spears jouit d’une figure d'icône dans le milieu LGBTQ+. “Au début de sa carrière en 1999, tous les jeunes gays l'ont adoptée. C'est une enfant du Mickey Mouse Club avec qui toute une génération a grandi. Beaucoup des gamin.e.s produits par Disney ont eu un parcours similaire: pour se débarrasser de l'image parfaite, il faut passer par une déconstruction violente, tant dans son image que psychologiquement” explique Antoine Servel, maître de conférence en civilisation américaine. Pour les LGBTQ+, Britney a une place importante, pas pour des positions politiques ou un engagement particulier, mais pour sa musique et pour son image qui peuvent être considérées comme “camp””, ajoute-t-il.

çLe terme “camp”, défini par le journaliste américain Jack Babuscio comme l’ensemble de l’expression d’une sensibilité gay chez une personne, se caractérisait par l’ironie, l’esthétisme, la théâtralité et l’humour. Très présente dans la culture drag-queen, le terme de camp conviendrait parfaitement au phénomène Britney : pour la drag queen parisienne Minima Gesté, la vie difficile de Britney aurait un lien avec son statut d'icône gay. “Parce qu'elle est camp et que sa vie a été tellement difficile et médiatisée, elle est à la fois plainte et moquée pour cela” ajoute Antoine Servel. 

Culture de la parodie

Pour la créatrice de Lobbygouine, Britney est “clairement une queen”, et ses mèmes parodient les paroles de la chanteuse pour parler de crush, ou pour rappeler son célèbre gimmick “It’s Britney Bitch”. En 2009, Laurence Allard, maîtresse de conférences en sciences de la communication, signait un article intitulé “Britney Remix : singularité, expressivité, remixabilité à l'heure des industries créatives. Vers un troisième âge de la culture ?”. Dans ce document de recherche, elle étudiait comment les nouvelles pratiques numériques, dont celles du “remix”, c’est à dire de la parodie, étaient en train de bousculer la culture web : Britney, malgré elle, y avait participé. Si à l’époque, ces parodies vidéos consistaient à se moquer de la pop-star et de ses maladresses, cette culture du remix est de nouveau à l’oeuvre aujourd’hui dans une célébration de la chanteuse. 

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De plus en plus active sur les réseaux sociaux depuis quelques années, Britney Spears joue des codes d’internet, et participe elle-même à cette culture du remix. En plein confinement, elle a posté une image détournant son titre “Baby One More Time”, titrant “My loneliness is saving me”, gel hydroalcoolique à la main. Pour Rudyard, de la page de mèmes ItsBritneyMeme, “Britney ne nous doit rien, et ironiquement, elle continue à répandre de la positivité. Elle est devenue un peu introvertie et prudente”. La pop-star se montre souriante, positive, pleine d’humour, et chacun de ses posts récolte près de 2 millions de like sur Instagram. 

Icône communiste ?

Preuve que la culture du remix peut aller loin, Britney Spears a été l’objet d’une curieuse passion à la fin du mois de mars, quand la chanteuse a publié un texte de l’artiste Mimi Zhu. Ce dernier invitait à la redistribution des richesses et à la grève, la star ajoutant que la “communion dépasse les murs”, agrémenté de trois petites roses. Il n’en fallait pas plus pour que la toile renomme la chanteuse “camarade” Spears.

Les mèmes mêlant son image à la faucille et au marteau se sont multipliés, certaines de ses chansons ont été étudiées à la lumière du marxisme, et un thread Twitter partagé plus de 27.000 fois la représentait face à différentes éditions du Manifeste du Parti Communiste de Karl Marx. Britney n’est alors plus moquée, mais admirée : du côté des créateurs et créatrices de pages de mèmes, ses récentes positions politiques ont renforcé sa sympathie, brisant une nouvelle fois l'image de la poupée pop. 

Si le confinement a endommagé l’image de certaines célébrités, entre caprices et phrases déplacées, le Los Angeles Times s’est demandé si Britney n’était pas la célébrité “comfort food” qu’il nous fallait durant cette crise. L’article décrit son activité sur les réseaux sociaux comme divertissante et chaotique, ses messages étant moins calculés que ceux des autres célébrités américaines. En définitive, Britney Spears continue à être une star des réseaux sociaux parce qu’elle est humaine. Alors qu’on prédisait sa disparition, elle a su tenir bon, et comme l’expliquait Vice en 2016, sa chute n’a pas eu lieu. En 2018, elle faisait même partie des 10 chanteuses les mieux payées au monde, selon le magazine Forbes. Britney Spears n’est pas morte, vive (It’s)Britney, b*tch