Abo

homoparentalité"On avait peur de la différence de traitement" : ce papa gay raconte le stress de la première rentrée scolaire

Par Elodie Hervé le 31/08/2020
rentrée

Jérôme, 41 ans et Vincent, 40 ans sont papas de deux petites filles. L’an passé, Inès 4 ans a fait sa première rentrée scolaire, dans la même école que sa grande sœur, Romane, 7 ans, qui est aujourd’hui en CE1. Son papa, Jérôme, raconte le stress de la première rentrée et les bonnes surprises que leur ont réservé l'année scolaire.

Mon mari et moi, on a toujours voulu des enfants. On voulait être une famille. Alors on a fait une GPA au Canada. Romane est arrivée, et nous étions les papas les plus heureux du monde. Seulement, quand elle a fait sa rentrée  à l'école, on s’est demandé si elle n’allait pas subir une différence de traitement du fait de la composition de notre famille. Comment ça allait se passer avec l’équipe éducative ? Pour les anniversaires ? Avec les copains de classe ? Pour la fête des mères aussi. Autant d’interrogations, d'inquiétudes qui nous animaient. Un poids qui nous a aussi rappelé qu’aujourd’hui encore, nous sommes perçus comme une famille différente.

A LIRE AUSSI : GPA : les clichés que ce papa ne veut plus entendre 

Eviter tout malaise

Pour faire face à ces sentiments mélangés, nous avons alors décidé de prendre rendez-vous avec la directrice avant la rentrée. Mon mari, notre fille et moi. Histoire de se présenter et de lui montrer que nous sommes une famille comme les autres. Que nous étions heureux tous les trois et équilibrés. 

A cette époque, notre petite était assez timide et on ne voulait pas qu’elle se sente mal à cause de cette différence. On voulait que la directrice et la maîtresse le sachent pour éviter tout malaise. Et là, une fois dans son bureau, l’accueil a été très chaleureux. “Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. Même si vous êtes notre premier couple de papas, on a déjà accueilli un couple de mamans et tout s’est très bien passé.” 

Bienveillance de l'équipe éducative

Avec ses mots et sa bienveillance, la directrice a calmé nos angoisses très rapidement. C’était un poids en moins à gérer. Un soulagement qui nous a permis de passer un été assez serein. Et pendant toute l’année scolaire, l’équipe éducative a été vraiment au top ! Pour la fête des mères, par exemple, on se demandait comment ça allait se passer. Et la maîtresse lui a dit “Tu peux faire un cadeau pour une personne que tu aimes”. C’est tout bête, mais nous ça nous a beaucoup touché. Et Romane a fait un cadeau pour sa marraine. Pareil, pour la fête des pères, la maîtresse lui a expliqué qu’elle pouvait faire deux cadeaux. De petites attentions, mais qui changent beaucoup de choses pour nous.

Nous, on considère notre famille comme totalement normale, mais certains évènements peuvent nous faire penser que la norme est uniquement la famille hétérosexuelle. De fait, cela peut être source de stress ou de mal-être pour notre fille, à cause des discriminations et de l’homophobie. C’est toujours présent dans nos esprits. Comme quand nous avons cherché une nounou. Tomber sur une personne maveillante aurait été très difficile à gérer. Mais là encore nous avons été très agréablement surpris de découvrir que nous étions traités exactement comme n’importe autre couple.

A LIRE AUSSI : "Le congé parental n'est pas qu'une question de droits LGBT+" 

Goûters d'anniversaire

Notre autre crainte, c’était l’accueil par les autres familles. On habite dans une ancienne ville ouvrière, assez populaire, où les langues et les cultures se mélangent beaucoup. Et l’école publique reflète cette diversité. Quand on s’est installé là-bas, je pense que nos préjugés nous ont beaucoup desservis. On avait très peur du regard des autres, du rejet aussi. On ne voulait pas se cacher, jamais. On est un couple de deux papas et c’est comme ça. Mais dans la rue, jamais vous nous verrez nous tenir la main ou nous embrasser. Je ne sais pas trop pourquoi. C’est une habitude que nous avons prise. Bref, tout ça pour dire que le jour de la rentrée, on s’est demandé quel accueil allait être réservé à notre première fille.

Et là encore, tout s’est très bien passé. Très vite, elle s’est faite des ami.e.s que nous avons pu inviter à la maison sans problème. Tous les parents nous ont très bien accueillis. Ça a été un vrai soulagement, quand au premier goûter d’anniversaire, tous les enfants invités sont venus chez nous. Je pense que nous nous étions mis des barrières qui n'étaient, en définitive, que des préjugés.

Apprendre et s'épanouir

Maintenant qu’elle a un peu grandi, elle essaie d’expliquer à ses camarades de classe son histoire, et notamment la GPA. “On a eu besoin d’une graine de dame, et d’une graine de papa. Et une autre dame a porté ces petites graines.” Je ne suis pas sûr que tout le monde comprenne très bien, mais nous ça nous touche beaucoup de la voir s’emparer de son histoire et de la raconter aussi facilement sans que cela pose problème aux autres enfants et parents. Un vrai bonheur !

Résultat, quand notre seconde est rentrée à l’école l’an passé, nous avions juste une légère appréhension, puisqu’il s’agissait du même groupe scolaire. Mais comme tous les parents, je pense. Aujourd’hui, on sait que nos filles sont dans une école qui ne va pas les discriminer. Une école qui les accompagne et leur permet d’apprendre et de s’épanouir. Comme n’importe quel enfant. 

"Nous sommes de vraies familles"

Aujourd’hui, si j’ai un conseil à donner aux futurs parents, c’est de ne pas hésiter à aller rencontrer les autres parents. Certaines familles nous ont demandé comment il fallait expliquer à leurs enfants la situation de nos filles. Ce n’est pas toujours de la malveillance mais plus une méconnaissance. Parfois une pointe de curiosité, aussi. Mais souvent il y a une volonté de répondre aux questions de leurs propres enfants, sans nous froisser. Et avec les bons termes. 

Pareil pour l’équipe éducative. Les rencontrer permet de lever les doutes et les angoisses ; et si la personne n’est pas réceptive, ne pas hésiter à chercher une alternative. Parce que ce n’est pas rendre service à nos enfants que de se cacher. Nous sommes de vraies familles, nous existons. Et se cacher, c’est faire croire qu’être une famille homoparentale, c’est honteux. Mais non. Ce n’est pas honteux. Et si l’école n’est pas prête à nous accueillir et bien, on ira voir ailleurs. Tout simplement.

 

Crédit photo : Shutterstock