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NoëlDepuis trente ans, je fête Noël avec la famille de mon ex-copine

Par Tom Umbdenstock le 24/12/2020
Noël

Il y a trente ans, la famille de son ex-copine a invité Nathalie à passer Noël avec eux.  Depuis, cette famille est devenue comme la sienne, et chaque année, c'est avec eux qu'elle fête Noël. Une histoire de coup de foudre, de bienveillance et d'amour que nous raconte Nathalie.

Cette année ne fera pas exception. Je fête Noël avec la famille de Lili, mon ex-compagne. La première fois c’était en 1987, quand nous étions un jeune couple. Je me souviens de la chaleur et de l'émotion que j’ai ressentis auprès des siens. Ça m'avait rappelé les Noëls que j’avais pu passer avec mon père, ma mère, mon frère et ma soeur quand j’étais enfant. Je me suis rendu compte  que Noël pouvait encore être gai, festif et joyeux.

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Arrêter d'aimer les filles ou quitter la maison

Ma famille n’a jamais été vraiment affective. Il y avait eu une rupture entre nous lorsqu’adolescente, ma mère m’a vue avec une autre femme. Un coming out forcé qui ne lui avait pas plu du tout. Elle m’avait demandé d’arrêter de voir des filles ou de quitter la maison. J’ai d’abord refusé, puis j’ai décidé de mentir et me cacher jusqu’à ce que je puisse finir mes études. Mon dernier Noël sous leur toit était un Noël habituel, un Noël de coutume, sans partage, sans émotions. Mon père ne devait rien savoir.

Je suis partie dès que j’ai pu. Quand j’ai quitté mon foyer familial pour rejoindre Paris où j’ai rencontré Lili, sa famille m’a acceptée sans sourciller. Noël compris. Je ne me souviens pas distinctement du tout premier réveillon que j’ai passé avec eux. Ce dont je me souviens c’est que j’ai d’abord été un peu en retrait. Parce que je découvrais. Au fur et à mesure de la soirée, j’ai été très heureuse et émerveillée par toute cette chaleur. Je me sentais suffisamment à l’aise pour avoir des marques d’affection pour ma copine à l’époque. Pas de grandes effusions, évidemment. Mais oui, je pouvais me sentir comme un couple hétéro.

Une deuxième famille

Depuis, chaque année pour Noël, je retrouve Lili, son frère Claude, sa femme Frédérique et leurs enfants Camille, Ariane et Circé, qui ont plus de trente ans aujourd’hui. Si je n’avais pas été lesbienne, j’aurais probablement continué d’essayer d’améliorer les liens avec ma famille. Mais la rupture a été trop brutale. Si j’avais été hétéro, je n’aurais pas eu besoin d'être accueillie par une autre famille pour être reconnue et pour vivre entièrement, pleinement le moment où se retrouve pour cette fête familiale.

Je me suis séparée de Lili après cinq ans de relation. Très rapidement, Claude m’a proposé de continuer à faire Noël avec sa famille. Il m’a invité et m’a dit “tu viens, tu continues, tu fais toujours partie de la famille”. Je les considère comme ma famille d’adoption. Lili et Claude sont de grands amis. Mon beau-frère me considère comme sa meilleure amie, ou sa troisième sœur. A Noël parmi les adultes il y a désormais la compagne actuelle de Lili. La femme que j’ai rencontré plus tard a aussi naturellement été intégrée aux fêtes. Avec elle j’ai eu deux garçons, Simon et Lucas nés en 2003 et 2005. Dans un premier temps, Claude a exprimé ses réserves sur ce modèle familial, ce qui m’avait un peu choquée. Mais finalement comme moi, mes enfants ont été accueillis avec bienveillance. 

Chaque année, les mêmes rituels

Dans le fond quand je vois tout ce monde à Noël, je suis un peu la tante de mes neveux et nièces d’adoption, et mes garçons font partie de la famille élargie. Ils considèrent aussi que c’est leur deuxième famille. C’est un peu tous des cousins finalement. Le groupe s’est encore agrandi récemment. Le fils de Claude, Camille, a eu deux enfants avec sa femme Emilie : Louis qui a 10 ans et Capucine qui a 6 ans. Trois générations se trouvent désormais au réveillon. Avec les enfants, la magie renaît chaque fois. Surtout au moment de l’ouverture des cadeaux, le matin de Noël.

Beaucoup de rituels se sont mis en place au fil du temps. On se retrouve au moins la veille du 24 décembre pour préparer le menu, faire les courses et décorer la maison. Mes nièces d’adoption tiennent à décorer le sapin, puis on cuisine des sablés pour le lendemain. La veille de Noël, on chante ensemble, toujours les mêmes chansons : Tino Rossi, Petula Clark, qui chante “Il est né le divin enfant” avec son accent anglais. On ouvre les cadeaux le 25 avant de manger un brunch. Ariane et Circé aiment tellement cette tradition familiale de Noël qu’elles tiennent absolument à ce qu’on ne change rien ni dans la décoration ni le déroulé. Ariane a même créé un Cluedo qui représente les pièces de la maison, avec un père Noël factice caché à l’endroit où l’assassinat s’est produit.

Ma tradition, c'est eux

Aujourd’hui je m’entends bien mieux avec ma mère. Elle a rencontré la mère de mes enfants, de qui je suis séparée depuis. Quand je lui ai dit que j’avais un projet d’enfants que je les ai portés, elle était très émue. Je les ai eus par insémination artificielle avec donneur inconnu en Belgique. Elle avait d’abord eu peur de la réaction de mon père : quand je lui ai dit, il n’a pas compris, il a dit que c’était impossible. Depuis, mon père est décédé. Maintenant mon aîné passe parfois ses vacances chez sa grand-mère.

Pour la première fois depuis que j’ai trouvé ma famille d’adoption, j’ai à nouveau passé Noël avec ma mère et ma sœur il y a quelques années. C’était à la demande de ma mère qui a voulu nous réunir. Malheureusement mon frère était décédé. Comme il y a trente ans, ce Noël était plus retenu. Car dans cette famille on n’exprime pas vraiment ses émotions. Mais désormais je suis acceptée comme je suis. L’année suivante je suis retournée fêter Noël dans ma famille d'adoption. Ma tradition désormais, c’est eux. On a des contacts physiques, on s’embrasse, on se câline, il y a des petits mots, des cadeaux, des attentions. 

Ce qui reste aujourd’hui de la rupture avec ma famille quand j’étais adolescente, c’est chaque année ce jour de Noël où je trouve refuge dans ma famille de cœur. Ce jour de l’année a laissé des séquelles, mais m’a aussi offert une deuxième famille. Je ne suis pas contre l’idée de refaire un Noël avec ma sœur et ma mère plus tard. Après tout, elle vieillit. Je sais que je pourrais même ramener quelqu’un si je le souhaite.