La loi sur le mariage pour tous aura marqué son quinquennat. Mais c’est sa ministre qui en a hérité des lauriers. Depuis, 50.000 couples de même sexe se sont passé la bague au doigt. L’ancien président de la République François Hollande, qui travaille à “une nouvelle force politique” pour 2022, défend son bilan.
Interview Adrien Naselli et Romain Burrel
On lui en veut. On lui en veut de la manière dont les débats ont été menés. Certains disent même que la loi sur le mariage pour tous s’est faite malgré lui. Qu’à force de renoncements, de manque de préparation, de petites phrases fumeuses comme celle sur la “liberté de conscience” des maires, il a donné de l’oxygène à La Manif pour tous. Et puis on lui en veut aussi de l’abandon pur et simple de la PMA pour toutes, une promesse de campagne.
Après des décennies de lune de miel entre les personnes LGBT+ et le Parti socialiste, certain·es ont demandé le divorce. Alors TÊTU a voulu revoir l’ancien président de la République pour qu’enfin il s’explique. Ça tombe bien. En ce moment, il parle – beaucoup. Le socialiste a ses explications. Quelques regrets. Et quelques tacles à distribuer en passant : à son successeur, à la droite, à ses proches d’hier. François Hollande nous reçoit dans ses bureaux de la rue de Rivoli, à deux pas de son ancien lieu de travail, le palais de l’Élysée. Facétieuse, sa conseillère en communication demande s’il accepte de poser nu en couverture de TÊTU. “J’attends ça depuis vingt-cinq ans !” répond-il du tac au tac.
On fête les 25 ans de TÊTU. La gauche a marqué ces années avec le mariage pour tous et le vote du pacs. Avez-vous la sensation que les homosexuels doivent quelque chose au PS ?
Il y a suffisamment de critiques adressées à la gauche concernant ce qu’elle n’a pas fait aussi vite qu’espéré pour saluer ce qu’elle a été capable de réaliser comme grandes réformes. C’est elle qui, par le vote de ses parlementaires, a favorisé l’adoption de la loi sur l’IVG. C’est l’élection de François Mitterrand en 1981 qui a permis d’abolir en France de la peine de mort, et c’est la gauche qui a mis fin à la pénalisation de l’homosexualité. C’est avec le gouvernement de Lionel Jospin qu’a été introduit le pacs. Déjà en 1999 une partie du mouvement LGBT+ nous interpellait : “Vous n’êtes pas allés jusqu’au bout !” Nous l’avons fait en 2013 avec le mariage, mais la PMA ne figurait pas dans le texte. On nous l’a reproché. C’est toujours la même fatalité qui pèse sur la gauche : elle procède par étapes, alors que tout est attendu d’elle, tout de suite. Or le sens même de l’action réformiste, c’est de considérer que le progrès, les avancées, la modernité se conquièrent pas à pas....