Emmanuel MacronTRIBUNE. "Thérapies de conversion", PMA : nos vies méritent mieux qu'une case cochée à la va-vite

Par Lennie Nicollet le 20/09/2021
Emmanuel Macron, 2017-2022, le bilan

Dans une tribune à TÊTU, l'association HES LGBTI+, dénonce un "art de gouverner" sur les sujets LGBTQI+ qui s'apparente à de l'opportunisme, à sept mois de l'élection présidentielle 2022.

Trois annonces en quelques jours de rentrée de septembre. Nous sommes plutôt habitués aux effets de manches autour du 17 mai, mais ne soyons pas fétichiste : va pour septembre. Vendredi dernier, Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès de Gérald Darmanin, a annoncée confier une mission à la Miviludes sur les "thérapies de conversion", un audit. Puis, le 14 septembre, le gouvernement annonce l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de la proposition de loi interdisant lesdites "thérapies" de conversion, ainsi qu’une rallonge budgétaire pour accélérer la mise en œuvre de l’ouverture de la PMA.

Un calendrier qui donne le tournis

Un peu de calendrier : à l’automne 2019 paraissait une enquête journalistique sur les thérapies de conversion, Dieu est amour, de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre (ancien journaliste de TÊTU). Dans la foulée, Arte proposait un documentaire coécrit par ces deux journalistes. En parallèle, ou presque, à l’été 2019, la commission des lois de l’Assemblée nationale mandatait Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud pour une "mission flash" sur le sujet des thérapies de conversion avec un rapport remis en décembre de la même année.

Le 2 juin 2020, la députée (LREM) de l’Allier Laurence Vanceunebrock-Miallon, a déposé une proposition de loi visant à interdire les "thérapies de conversion". Saluant ce travail, les associations ont demandé que ce sujet soit porté par le gouvernement pour en faire un projet de loi avec tous les avantages juridiques et politiques afférents : avis du Conseil d’État, études d’impact et soutien sans ambiguïté du gouvernement. Rien ne vint et on se perdit en conjecture.

Mme Schiappa annonce ensuite que la sinistre loi "anti-séparatisme" reprendra des dispositions. Mais Christophe Castaner, président du groupe LREM à l'Assemblée nous apprendra qu'en fait, l’arsenal législatif français est suffisant pour lutter contre les "thérapies de conversion" — une vision qui a subitement changé aujourd’hui. La proposition de loi finira par être retirée par la députée le 19 mars dernier.

Caricaturale mise en scène électorale à sept mois de l’élection présidentielle

La mobilisation des associations a rappelé à juste titre qu’une loi demeurait nécessaire et urgente. Le mot de la fin sembla arriver fin juin. La ministre chargée de l’Égalité, Élisabeth Moreno, laissait entendre à TÊTU qu’il n’y aurait pas de loi sur les "thérapies de conversion" durant ce mandat bientôt échu, pour cause d’embouteillage législatif. Il n’y aurait plus le temps… Quelle volontaire faiblesse quand on sait que nos institutions donnent au gouvernement la maîtrise de l’essentiel du calendrier législatif !

Voilà ce sur quoi l’été militant s’était fini. La lutte contre les "thérapies de conversion" semblait abandonnée et l’adoption du projet de la loi bioéthique avec la PMA pour (presque) tou·te·s enfin votée au bout de quatre ans et demi de mandat. Au total, l'été a le goût amer d’une approche superficielle permanente des sujets LGBTI, depuis 2017, dont témoigne l’affaissement de la France dans les classements européens depuis quatre ans. Alors, comment ne pas voir autre chose dans cette avalanche d’annonces qu’une caricaturale mise en scène électorale à sept mois de l’élection présidentielle  ?

À la lisière du clientélisme électoral

Les personnes LGBTI sont une "aimable clientèle", pour rappeler un ouvrage d’analyse de ces comportements politiciens convoquant les thèmes LGBTI dans des temporalités "cruciales" et qui sont à la lisière du clientélisme électoral, de la triangulation politique et du boniment.

Nous savons que le Parlement n’aurait pas eu le temps d’ici au 28 février d’adopter définitivement la proposition de loi de Laurence Vanceunebrock-Miallon, l’annonce de la lecture accélérée — survenue le lendemain — obère moins le passage de la loi mais ne le garantit hélas pas. Le risque est grand que rien ne change à court terme dans la lutte contre les "thérapies de conversion".

L’impression d’une case cochée à la va-vite — celle de nos vies et de nos espoirs d’égalité.

Nous ne savons également pas où vont aller les 8 millions d’euros — sur trois ans ! — annoncés par le ministre Véran. Le même ministre qui ignora superbement les associations lorsqu'elles alertaient sur un système hospitalier public pas prêt, ni en termes de structures techniques ni en termes de personnels, pour gérer l’ouverture de la PMA ? Ces annonces en vrac laissent l’impression d’une case cochée à la va-vite — celle de nos vies et de nos espoirs d’égalité.

Oui, il faut une loi pour interdire les "thérapies de conversion" et armer juridiquement la lutte contre ces infamies, mais il a fallu que le gouvernement comprenne qu’une lecture accélérée était la seule voie possible pour un possible vote avant la fin de la législature. Oui, il faut des moyens pour le système public de santé, mais ces 2,6 millions par an — sur trois ans et si le prochain gouvernement les confirme — arrivent d’autant plus tard qu’aucun bébé permis par la PMA pour (presque) tou·te·s ne naîtra avant la fin du quinquennat. Les personnes LGBTI attendent mieux que cet art de gouverner avec désinvolture.

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Crédit photo : Capture d'écran France 2