INTERVIEW. Ministre de l'Égalité, Élisabeth Moreno se félicite du vote à venir le 29 juin de la PMA pour toutes. Mais concède que le texte a des lacunes. Elle annonce à TÊTU que la loi simplifiant l'adoption sera votée avant la fin du mandat, mais ne garantit pas une loi contre les "thérapies de conversion" d'ici à 2022.
"Plus de droits, moins de bla-bla ! Trop de promesse, on régresse". Tel est le slogan de la Marche des fiertés de Paris-Île-de-France ce samedi 26 juin. Alors que la PMA pour toutes doit être enfin votée trois jours plus tard, le 29 juin, les militant·e·s LGBTQI+ en ont entendu, du bla-bla depuis 2017. Quatre années auront été nécessaires pour que la promesse d'Emmanuel Macron accouche du texte, qui plus est incomplet.
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Certes, la PMA sera désormais accessible aux femmes célibataire et aux lesbiennes en couple, gratuitement. Mais quant aux hommes transgenres en capacité de procréer : exclus. L'utilisation des ovocytes de la partenaire ? Interdite. La transcription des états civils d'enfants nés d'une GPA ? Abrogée. Si la majorité vote sans euphorie, c'est d'ailleurs en partie parce qu'elle aurait aimé un texte plus ambitieux.
La ministre de l'Égalité, qui porte la loi, le reconnait elle-même : "Une loi n'est jamais parfaite et encore moins une loi bioéthique". Élisabeth Moreno annonce à TÊTU que la loi Limon pour simplifier l'adoption sera adoptée avant la fin du quinquennat. En revanche, celle pour interdire les thérapies dites "de conversion" risque bien d'être abandonnée, achevée par l'embouteillage législatif de fin de mandat. Entretien.
Avec autant de retard, on pouvait espérer que la loi bioéthique soit parfaite. Est-ce le cas à vos yeux ?
Élisabeth Moreno : Une loi n’est jamais parfaite et encore moins une loi bioéthique. Malgré un temps donné au dialogue, il reste des gens qui ne sont pas satisfaits. Je ne m’attendais pas à une telle levée de bouclier de la Manif pour tous qui m'a attaquée lorsque je soutenais simplement la PMA pour toutes. Nous n’avons pas réussi à trouver un consensus complet sur une loi attendue depuis plus de dix ans. Maintenant, ce qui est important, c’est que toutes les femmes aient accès à la PMA.
Avez-vous des regrets en particulier concernant ce texte ?
Certaines personnes voudraient qu’on aille plus loin sur certains sujets, mais la société n’y est pas encore prête. Ce qui est essentiel, maintenant, c’est que ces femmes dont l’horloge biologique tourne puissent avoir un enfant. La loi va être votée, toutes les femmes y auront accès, c’est le plus important. C’est aussi une question de protection pour ces femmes qui vont à l’étranger pour avoir recours à une PMA.
Pourquoi les hommes trans en capacité de procréer n’ont-ils pas aussi accès à la PMA ?
La promesse du président de la République était claire. Toutes les femmes à l’état civil y auront accès. Sur cette question, la société n’est pas prête.
Vous vous félicitez que les couples de femmes aient recours à une Reconnaissance conjointe anticipée (RCA). Pourquoi ne pas faire de même avec les couples hétéros ?
Changer le droit pour les couples hétéros aurait été beaucoup trop compliqué. Nous avons voulu nous rapprocher le plus possible pour les couples homoparentaux du droit applicable aux couples hétéros.
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Pourquoi refuser à une femme d’avoir accès aux ovocytes de sa compagne, dans le cadre d’une PMA ?
La ministre demande à sa conseillère. Cela a été arbitré en première lecture.
Mais des sujets ont évolué entre les lectures, comme le don du sang...
Nous n’avons pas réussi à trouver un consensus au parlement en faveur de la Ropa [réception des ovocytes de la partenaire, ndlr]. Je peux entendre les couples de lesbiennes et de gays qui trouvent que les droits n’avancent pas assez vite. Mais il faut voir tous les progrès accomplis comme le mariage, l’adoption...
L’adoption est un droit particulièrement théorique pour les couples homos...
Les changements de mentalité sont extrêmement lents. Notre rôle est de faire appliquer les droits sur le terrain. C’est pourquoi nous avons inscrit dans notre feuille de route une proposition de loi pour simplifier l'adoption, qui est en cours d'examen. Sur l’adoption, les couples hétéros ont également des difficultés. Il ne faut pas voir de la discrimination sur tous les sujets, mais être exigeants et demander leur application, comme au sujet des « thérapies de conversion ».
Une proposition de loi est déposée pour interdire ces « thérapies de conversion ». La soutenez-vous ?
La parole se libère de plus en plus et tant mieux. Des lois permettent déjà de protéger les victimes, de l’emprise ou de l’exercice illégal de la médecine. Mais elles ne sont pas assez connues. J’appelle de mes voeux cette proposition de loi. Comme la circulaire, elle permet de rendre visible l’interdiction stricte des « thérapies de conversion » auprès des victimes et des auteurs.
Cette proposition de loi sera-t-elle votée avant la fin du quinquennat ?
Je ne le sais pas.
Est-ce une question d’embouteillage parlementaire et de priorité ?
Oui, c’est une question d’embouteillage parlementaire. Mais je ne peux pas laisser dire que ce n’est pas une priorité. Des personnes souffrent d’une manière indescriptible. Il faut organiser un débat pour que les victimes et les auteurs sachent que c’est in-ter-dit.
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Cette interdiction sera-t-elle intégrée au projet de loi sur les Principes de la République comme le préconise Marlène Schiappa ?
Non.
La proposition de loi Limon visant à simplifier l’adoption pourrait être débattue à l’automne : ce sera le cas ?
Je vous confirme qu'elle sera débattue au Sénat à l'automne et promulguée avant la fin du mandat.
Le projet de loi bioéthique prévoit l’interdiction de la retranscription automatique des états civils d’enfants nés d’une GPA. Est-ce dans l’intérêt supérieur de l’enfant ?
Oui. Le passage par l’adoption, et donc par le juge, évite les trafics d’enfants, notamment depuis la Bulgarie. La méthode que nous adoptons aujourd’hui est la bonne. Et vous savez mes convictions personnelles sur le sujet [Élisabeth Moreno est favorable à une « GPA éthique », ndlr]... Il serait sain que nous ayons un débat apaisé sur le sujet. C’est attendu par de nombreuses familles.
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Un débat pour 2022, lors de la campagne présidentielle ?
Ce n’est pas moi qui décide ce qu’un potentiel candidat pourrait intégrer dans sa campagne.
La France s’est opposée à l’UEFA qui n’a pas voulu soutenir les droits LGBTQI+ en Hongrie. Faut-il boycotter la Coupe du monde de football au Qatar l’année prochaine ?
Le football est le sport le plus populaire au monde. Je ne pense pas que le boycott soit la méthode. Je serais heureuse que les stades soient illuminés d’un arc-en-ciel au Qatar. Finalement, le fait de refuser d’illuminer le stadium de Munich a permis de parler encore plus de cette loi homophobe...
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Crédit photo : Ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes