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témoignages"Tout se passe dans un jeu de regards" : ce jour où j'ai osé draguer dans le train

Par Nicolas Scheffer le 13/05/2022
gare

[Ma première fois 3/5] Qui n'a jamais flashé sur quelqu'un croisé dans une gare ou à bord d'un train… Thomas nous raconte la première fois qu'il a sauté le pas et osé aborder un garçon rencontré au hasard d'un voyage.

Un dimanche de printemps, en 2014, sur le quai d'une gare située à une petite heure de Paris. Je me souviendrai toujours de la scène : de retour d'une visite à mes parents, j'attends comme tout le monde mon train quand passe un garçon. Petit brun, les épaules carrées, un pull rouge coquelicot, de beaux yeux et l'air sympa, il porte un immense carton à dessins. Alors qu'il me dépasse, il jette un regard sur moi et je sens immédiatement qu'une connexion se crée entre nous…

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C'est un sentiment hors de l'ordinaire : dans la vie, on croise les yeux des gens, on se voit sans se regarder. Là, il y a quelque chose de différent. Je comprends immédiatement qu'il est intéressé mais, du haut de mes 23 ans, je ne sais pas comment l'aborder, d'autant que le train arrive à quai. Bien sûr je le suis, dans la partie supérieure du wagon, inhabituellement vide. Je m'installe à quelques mètres de lui, dans le même sens, on ne peut donc se voir que dans le reflet de la vitre.

Comment l'aborder ?

Là encore, son regard ne trompe pas. À chaque fois que j'observe dans sa direction, je constate qu'il me mate mais surtout, il détourne immédiatement les yeux. Quelqu'un qui regarde dans le vide ne ferait jamais ça. Pendant toute la durée du trajet, je cherche une approche, mais je ne trouve pas. Je, pense à l'interroger sur son pull, dont la couleur n'est vraiment pas banale, mais c'est vraiment naze. Bref, je ne trouve aucun prétexte pour l'accoster. Et d'ailleurs, quelles sont les chances qu'il soit également homo ? Celles qu'il soit libre ? Et qu'on soit sur la même longueur d'ondes... Les questions se bousculent, pas les réponses.

Arrivé à Paris, je me sens comme un imbécile. Le voilà qui descend avec son gros carton à dessin sous le bras, en boitant un peu, en tout cas en traînant du pied. Je suis convaincu que s'il ne se presse pas, c'est pour me laisser une chance, mais il n'engage rien pour autant. En gros, il joue un peu la belle au bois dormant, espérant que quelqu'un vienne le cueillir. Il se dirige à petits pas vers le métro et, par chance, il emprunte la même ligne que moi. Je ne peux décidément pas le laisser partir dans la nature.

Du quai de la gare au métro

Dans le métro, on ne se retrouve pas dans le même wagon, je suis en tête et lui dans le suivant. En m'asseyant, je vois à travers la vitre séparant les deux rames qu'il est juste derrière. On s'adresse un regard, et notre premier sourire. Il y a des chances dans la vie qu'il ne faut pas laisser passer, alors tant pis pour mon arrêt : je décide de le suivre. Il descend à Saint-Lazare, j'habite une bonne dizaine de stations plus loin. Avant de descendre, j'écris mon nom et mon numéro sur un bout de papier, ça peut toujours servir.

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Sauf que mon inconnu se dirige vers les trains de banlieue : je ne peux quand même pas le pister jusqu'à chez lui ! Dernière chance, je réfléchis à une petite phrase pour l'aborder mais, évidemment, ce n'est pas celle qui sort quand je me décide à lui tapoter sur l'épaule. Il se retourne, tout sourire, les yeux manifestement radieux que j'ose enfin. Je lui tends le bout de papier en bafouillant "salut, je voulais juste te dire que je te trouve mignon". L'approche la plus naze de la planète. On ne s'échange même pas nos prénoms, il attrape mon petit papier et me glisse qu'il va manquer son train avant de repartir.

"Au fait, je m'appelle Tristan"

Dans le métro pour le retour, je reste scotché à mon vieux téléphone à clapet. La balle est dans son camp car lui ne m'a pas laissé son numéro. Finalement, le texto arrive : "Je te trouve très mignon aussi, au fait, je m'appelle Tristan". On échange quelques SMS avant de se donner rendez-vous.

Dans le jardin au-dessus de la gare Montparnasse, Tristan me raconte sa vie. Il est en couple avec un garçon, mais sa relation ne lui convient pas, ni son travail. Après une balade, il me raccompagne chez moi et cela s'arrête là. Certes, on se plaît, mais je ne compte pas jouer le briseur de couple...

Quelques mois plus tard, en septembre, il me recontacte. Un heureux hasard a fait qu'il est devenu… l'architecte du syndic de copropriété de mon immeuble ! Il ajoute avoir quitté son copain. Je le prends comme une invitation et lui propose qu'on se revoie. On finit par s'embrasser, c'est très romantique. Il se trouve que je dois quitter mon appart et finalement, la semaine d'après, j'emménage chez lui. Aujourd'hui, nous ne sommes plus ensemble, notre couple n'aura pas duré longtemps, mais notre relation aura été une aventure.

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Crédit photo : Jean-Charles Clavé / Flickr