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interviewIsabelle Adjani : "François Ozon est l’héritier le plus indiqué de Truffaut"

Par Franck Finance-Madureira le 05/07/2022
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Dans Peter von Kant, le nouveau film de François Ozon, Isabelle Adjani prête ses traits à Sidonie, une vieille gloire du cinéma prête à tout pour un grand rôle. L'antithèse de l'icône et de la muse que l'actrice continue d'être pour le cinéma français.

Extraordinaire de drôlerie dans le rôle d’une icône déchue venant hanter son ami réalisateur pour obtenir de lui les faveurs d’un rôle, Isabelle Adjani nous parle de ce qui lui a tout de suite plu dans cette partition que lui a offerte François Ozon dans son nouveau film, Peter von Kant, une adaptation des Larmes amères de Petra von Kant. En salles ce mercredi 6 juillet.

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Qu’est-ce qui vous a convaincu d’interpréter ce personnage de Sidonie ?

Isabelle Adjani : Ce qui m’a attirée dans le projet c’est François Ozon, bien sûr, et son obsession pour Fassbinder qui est très mystérieuse pour moi car cela ne transparait pas dans sa personnalité, c’est comme une zone interdite. On s’est manqué à plusieurs reprises au cours des années, et là, j’ai dit oui immédiatement. Ce personnage de Sidonie est redoutable : elle est à la fois l’amour et la détestation d’un cinéaste, et elle ne sait plus très bien qui elle est. Elle se conduit un peu comme une star des années 50, on sent que Romy Schneider est sur le point de la remplacer. Elle se présente comme l’image qu’elle ne peut pas abandonner d’elle-même et elle est dans l’inquiétude de ne plus provoquer de désir. 

Vous apportez un humour ravageur à travers ce personnage…

Je déteste quand les acteurs disent ça mais je me suis beaucoup amusée ! J’avais l’impression qu’on ne travaillait pas. Sidonie a très peu de scènes mais elle a une sorte de supra-existence à travers cette photo d’elle qui habite le dessus du lit du cinéaste. Elle le hante mais il aimerait s’en débarrasser, c'est assez formidable quand les acteurs n’ont pas besoin d’être présent dans tout le film pour que leur personnage représente quelque chose. Et puis Denis Ménochet interprète un Fassbinder tout-puissant, détestable et pathétique. Le film résonne aussi avec le fascisme et la dictature, il a quelque chose pour moi de très pasolinien.

Voyez-vous des points communs entre ce Fassbinder qu’interprète Denis Ménochet et François Ozon lui-même ? 

Oui sans doute mais avec beaucoup moins d’exhibitionnisme ! François c’est le contraire de quelqu’un qui se détruit, il ne fait que construire, il est dans une démarche truffaldienne : c’est le travail, le travail, le travail ! Il adore travailler. Il me semble que François Ozon est l’héritier le plus indiqué de Truffaut. Je crois qu’il dessine, à travers des mots, les personnages avec précision et que l’importance donnée au travail sur les costumes, le maquillage et la coiffure sont l’équivalent d’un « coaching » artistique.  Il est assez minimaliste dans ses indications et comme il est au cadre, j’ai toujours la sensation d’être dirigée par son regard au cadre. Autant dans la vie il est très bavard, autant sur un plateau il ne parle pas beaucoup, il est très concentré. On est libre mais dans son cadre et, étrangement, on ne sort jamais de ce cadre par via des consignes mais juste via son regard. Cet acteur que j’adore, Stefan Crépon, qui joue le secrétaire de Denis, il était libre de faire pour chacun de ses moments quelque chose de nouveau et il le faisait d’une façon qui appartient complètement à la couleur du film, j’ai trouvé ça génial. Sur un film, soit ça se passe et on n’a pas besoin d’explication et de psychologisation, soit ça ne se passe pas, on sort du film et là, ça ne va pas ! 

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Crédit photo : Peter von Kant, Diaphana Distribution