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mpoxVariole du singe : retour sur un été éprouvant pour la communauté gay

Par Nicolas Scheffer le 21/09/2022
Le dispositif de vaccination mis en place est suffisamment dimensionné ?

Dans le magazine de la rentrée, têtu· dresse le bilan de la gestion par les autorités sanitaires de l'épidémie de variole du singe (ou monkeypox), qui aura sérieusement terni l'été de la communauté gay.

“Faites-nous remonter les territoires où des personnes n’arrivent pas à accéder à la vaccination, on s’assurera qu’on peut compléter le réseau de centres.” La demande n’émane pas du webmaster d’une Agence régionale de santé mais d’Élisabeth Borne en personne, le 4 août, sur le retour de sa visite du centre LGBTQI+ d’Orléans. Au menu de notre entretien avec la Première ministre, il y a notamment la progression parmi la population gay et bi de la variole du singe (ou monkeypox), dont le premier cas en France a été identifié le 20 mai. Sa remarque, deux mois plus tard, fait écho à la fébrilité de ses services dans la gestion de cette épidémie.

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Tout n’avait pourtant pas mal commencé. Dès la fin de juin, alors que la France ne compte encore que 440 cas diagnostiqués, la Direction générale de la santé (DGS) demande l’autorisation de lancer une campagne vaccinale contre le monkeypox sur la base du vaccin antivariolique, dont le pays a constitué un stock important en prévision d’une attaque bioterroriste. La Haute autorité de santé (HAS) se presse et donne son feu vert le 7 juillet, soit une semaine avant la date prévue. Réservée jusque-là aux cas contacts, la vaccination à destination des hommes gays et bi multipartenaires, des personnes trans multipartenaires et des prostitué·es peut démarrer le lundi 11.

Errance vaccinale

Impressionnés par les témoignages, sur les réseaux sociaux et dans plusieurs médias, de patients faisant état de lésions de la peau et de douleurs atroces, de nombreux hommes gays et bi se mettent alors à chercher un “plan vax” dès que possible. Problème, la variole étant classée comme risque bioterroriste, la distribution du vaccin est étroitement contrôlée, et, début juillet, seuls quelques centres en Île-de-France ont la possibilité de l’administrer. Les quelques créneaux de vaccination disponibles sont pris d’assaut, et les lieux de vaccination aussitôt débordés. Bon thermomètre des inquiétudes de la communauté LGBTQI+, les messages adressés à la rédaction de têtu· sont nombreux, provenant de lecteurs, d’amis et même d’élus désemparés, nous demandant où trouver le sésame vers des vacances sans l’épée de Damoclès monkeypox.

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Évidemment, la rédaction ne dispose pas de ticket d’or pour une vaccination prioritaire. En revanche, il est de notre responsabilité de partager l’information disponible et de séparer le vrai du faux. Et il y a du travail… À commencer par la communication de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France. Début juillet, son site répertoriait les différents centres proposant la vaccination et les moyens de communication privilégiés pour la prise de rendez-vous. Mais les seuls numéros de téléphone affichés sur la page étaient en réalité dédiés aux professionnels de santé, qui pouvaient ainsi demander leur avis à des spécialistes de garde. Quelques heures plus tard, ces derniers ont été tellement sollicités par le public, inquiet, que ces lignes ont été débranchées.

Variole or not variole

Dommage, car ces avis de spécialistes étaient particulièrement utiles alors que, durant ces premières semaines d’épidémie, de nombreux médecins ne savaient pas encore diagnostiquer la maladie. Plusieurs témoignages font d’ailleurs état d’une errance médicale liée au manque d’information. Ainsi, un jeune Parisien, constatant des boutons sur son pénis, s’est rendu chez sa dermatologue, laquelle, misant sur des verrues, a brûlé à l’azote liquide ses boutons varioliques déjà très douloureux… Outre les difficultés à obtenir un diagnostic, le contact tracing, utilisé lors de l’épidémie de Covid-19 pour reconstituer les chaînes de contamination, s’est révélé quasiment inefficace. Le 8 juillet, Santé publique France estime ainsi que 40 à 45% des cas contacts sont perdus de vue : en partouze, on ne demande pas forcément les coordonnées de son plan cul, et l’équipe de contact tracing est largement en sous-effectif. Des cas contacts ne seront donc jamais joints par les autorités sanitaires, et ne pourront donc pas être vaccinés prioritairement.

Le 23 juillet, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe le monkeypox en “urgence de santé publique de portée internationale” (soit son plus haut niveau d’alerte), trouver un rendez-vous de vaccination, même dans plusieurs semaines, demeure mission impossible sur Doctolib. De l’opposition, avec Andy Kerbrat (La France insoumise), jusqu’au camp de la majorité présidentielle, avec David Valence (apparenté au groupe Renaissance), des députés interrogent à l’Assemblée nationale le nouveau ministre de la Santé, François Braun, pour savoir si la France est suffisamment armée face à cette épidémie émergente. Au Sénat, une audition est également organisée par la commission des Affaires sociales. Mais, de même qu’aux médias, il est opposé aux parlementaires le secret-défense autour du vaccin antivariolique, renforçant le flou autour de la campagne vaccinale.

Moins que les doses, ce sont les bras qui manquent, apparaît-il assez rapidement dans les centres, d’autant plus en période de vacances d’été. “On n’a pas de personnel pour piquer ! Avant l’arrivée de la variole du singe, on était déjà en sous-effectif, alors imaginez avec la moitié du service en congé. C’est difficile de dédier des journées à vacciner”, pointe un spécialiste. “Cette épidémie tombe au plus mauvais moment, alors que les soignants sont éreintés des différentes vagues de covid et qu’on a des difficultés à retenir le personnel hospitalier. On ne peut pas annuler leurs vacances sous prétexte qu’il faut vacciner contre une maladie qui n’entraîne pas de mortalité”, souffle un responsable du ministère de la Santé, sous le couvert de l’anonymat.

Chacun cherche son vaccin

Or, pour contenir l’épidémie, il faut frapper vite et fort. “Nous réclamons le déploiement par l’État d’une campagne de vaccination « coup de poing », martèle l’association Aides dans un communiqué. Cette campagne devra s’appuyer sur les professionnel·les de santé libéraux/ales volontaires. Nous demandons ainsi que les doses soient mises à disposition dans les pharmacies de villes et que les médecins libéraux volontaires puissent être des piliers de cette campagne de vaccination.” Depuis le 26 juillet, les étudiants en santé, et les médecins et infirmiers retraités ont le droit d’administrer le vaccin antivariolique, mais peu se bousculent au portillon. Mi-août, une expérimentation étudie son ouverture aux pharmaciens, comme lors du covid, mais cette fois seules cinq officines sont concernées.

Reste une question : y aura-t-il suffisamment de doses ? Le ministre de la Santé assure disposer de suffisamment de vaccins pour couvrir la “population cible”, estimée à 250.000 personnes. Un chiffre qui semble bien sous-estimé… Rien que l’appli Grindr revendique 500.000 utilisateurs en France ; le Baromètre santé 2016 estime qu’il y aurait 1,4 million d’HSH en France, tandis que, selon l’enquête Eras 2021, 48,8% des HSH déclarent ne pas être dans une relation stable. Autre flou : combien y a-t-il de vaccins de première, de seconde et de troisième génération dans les stocks ? Celui de seconde génération, provoquant de lourds effets indésirables, ne doit être administré qu’en cas de nécessité absolue. Aujourd’hui, seul celui de troisième génération est distribué. Mais le ministère de la Santé refuse pourtant d’indiquer le panachage des stocks. Y aura-t-il de la troisième génération pour tout le monde ? Les différents pays touchés par l’épidémie commandent à tour de bras auprès de Bavarian Nordic, le seul laboratoire qui le commercialise. Il a d’ailleurs déjà annoncé qu’il ne pourrait pas produire suffisamment de doses à temps. La Belgique, par exemple, a commandé en juillet 30.000 doses de vaccin qui ne seront livrées qu’en septembre.

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Pause ou fin de l'épidémie ?

Le laboratoire a assuré que la première dose est efficace jusqu’à deux ans, même sans booster. En se basant sur cet avis et sur les recommandations de la HAS, la DGS a fait retarder l’administration de la seconde dose pour les personnes non immunodéprimées, permettant ainsi de libérer des créneaux de vaccination.

Quitte à laisser la population perplexe : depuis le début de la campagne, de nombreux médecins invitaient à attendre 15 jours après la seconde dose pour reprendre une vie sexuelle multipartenaire. “En réalité, on ne sait pas grand-chose. On sait que ce vaccin est efficace. Mais quand et à quel niveau, on n’a aucune certitude”, admet le responsable du ministère de la Santé, rappelant que l’étude disponible sur l’efficacité du vaccin a été conduite sur des macaques et non sur des humains. Au même moment, ajoutant à la confusion, des témoins rapportent avoir reçu un vaccin périmé. En effet, avant l’épidémie, l’Autorité de sûreté du médicament avait effectué des contrôles sur un lot dont la date était passée, et ayant conclu après une batterie de tests que le vaccin restait efficace et sans danger, avait décidé de repousser sa date de péremption. Habituellement, dans ce cas, les pharmaciens changent l’étiquette de péremption, ce qui n’a pas été fait ici, provoquant des inquiétudes.

Au 23 août, 3.421 cas confirmés étaient recensés par Santé Publique France qui, avec prudence en raison de la période estivale, émettait l’hypothèse que le pic de l’épidémie avait été atteint “fin juin/début juillet”. Fin août, en France, quelque 50.000 personnes ont reçu leur première dose. C’est trop peu pour enrayer efficacement l’avancée de l’épidémie. Reste que, à l’heure où nous écrivons ces lignes, de nombreux créneaux de vaccination sont disponibles dans plusieurs métropoles via la plateforme Doctolib, sans que l’on sache si les congés d’été ont conduit des vacanciers à reporter leur vaccination, ou si la population cible ne se mobilise pas assez, voire n’a pas été assez incitée à se faire vacciner. Car pour qu’une campagne de vaccination fonctionne, et nous l’avons vu face au covid, il faut une logistique et une informations efficaces. En somme, une mobilisation générale.

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