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interviewLouis de la "Star Ac" : "Mal chanter Céline Dion aurait été un outrage"

Par Florian Ques le 29/11/2022
Louis de la "Star Academy" : "Je n'ai jamais eu la prétention d'être un porte-parole"

Finaliste du programme culte de TF1, le jeune chanteur lot-et-garonnais y a réalisé un parcours convaincant, représentant avec simplicité et sensibilité les couleurs de la communauté queer dans un show populaire. Rencontre.

De nombreux jeunes gays se sont reconnus en lui. Alors que la nouvelle saison de Star Academy s'est achevée sur TF1 ce samedi 26 novembre par le couronnement d'Anisha, têtu· a voulu rencontrer Louis, également finaliste. Âgé d'à peine 20 ans le candidat s'est distingué par sa bienveillance et sa fibre sensible. Gagnant en confiance au fil de l'aventure, il s'est imposé comme un digne modèle pour la communauté LGBTQI+. Le grand blond revient avec nous sur ses prestations marquantes, son rapport aux étiquettes et son envie de rester encore plus longtemps au château.

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Alors, satisfait de ton aventure dans la Star Ac ?

Louis : Et même déjà un peu nostalgique ! D'un côté, je me dis que c'était trop bien. De l'autre, je vois toutes les opportunités qui peuvent arriver, et j'ai hâte de voir la suite. Je suis satisfait de mon évolution : quand je me vois au premier et au dernier prime, ce n'est pas la même personne qu'il y a sur scène.

Tu repars avec de belles performances sous le bras. Je pense par exemple à ton tableau sur "Born This Way" de Lady Gaga...

J'ai fait plein de cauchemars dans lesquels je tombais de la plateforme (Rires.) J'avais peur, mais j'étais aussi trop content que Yanis [Marshall, chorégraphe de la Star Ac, ndlr] me fasse assez confiance pour m'offrir un tableau pareil. Le fait de danser et de chanter en même temps, je trouve ça incroyable. Il y a un côté très show à l'américaine.

On t'a vraiment vu gagner en confiance au fil de l'émission, comme si tu arrivais à t'assumer toujours plus à chaque prime. C'est aussi ton ressenti ?

Comme c'était très progressif, je ne m'en suis pas forcément rendu compte. Mais quand je revois des images du début... Je me tenais un peu arqué, alors que je suis beaucoup plus droit aujourd'hui ; je suis beaucoup plus fier. Ça en dit long sur ce qui se passe dans ma tête et sur la confiance que j'ai désormais dans mes performances et dans mes capacités.

Les mots "gay" ou "homosexualité" n'ont jamais été prononcé dans l'émission te concernant. Comment tu t'identifies, toi ?

Je ne m'identifie pas, je ne réfléchis pas à ça et je n'ai jamais eu envie de me mettre une étiquette. Je soutiens l'amour, on est libre d'aimer qui on veut. Je n'ai jamais eu besoin de me catégoriser pour vivre ma vie, et je n'ai pas envie qu'une étiquette me définisse. Je suis une personne à part entière, et je suis très fier d'aimer comme j'aime. 

As-tu quand même eu un coming out à faire ?

C'est très personnel, mais je fais partie de ceux qui sont contre le coming out. Pour moi, c'est tellement normal d'aimer que je ne vois pas pourquoi je devrais en parler pour me justifier de mes choix. J'ai juste décidé de vivre ma vie, et les gens qui sont capables de m'aimer savent l'accepter.

Y a-t-il eu des discussions avec la production concernant les termes à utiliser pour parler de toi ?

La production ne m'a jamais parlé de ma sexualité. Ils m'ont pris tel que j'étais, et n'ont pas cherché à prendre quelqu'un qui correspondait forcément à une case. On a pu le voir avec mes performances, je ne suis jamais resté dans le même style, j'ai touché à tout. C'est peut-être ça qui leur a plu.

Tu as chanté avec Pomme et Hyphen Hyphen. Tu as interprété des morceaux de Lady Gaga et de Céline Dion. Tu n'as pas ressenti une forme de pression à être LE candidat LGBTQI+ de cette saison de la Star Academy ?

Aucune. Au début, je n'avais pas trop conscience des choses. J'étais juste moi-même et je n'ai pas cherché à porter un drapeau ou un message. Mais quand on a reçu les lettres de l'extérieur, j'ai compris que ça avait aidé beaucoup de gens. Ça m'a fait plaisir de me dire que je n'avais pas besoin de porter de message, et qu'être moi-même suffisait à ouvrir les mentalités et à aider certaines personnes. 

Est-ce que tu te doutais que tu allais représenter la communauté gay dans ce programme ?

Je n'aurais jamais eu la prétention d'imaginer être un porte-parole, mais je suis très fier que ma visibilité ait servi à une meilleure acceptation et à une libération des pensées.

Tout au long de l'émission, tu as aussi brillé par ta bienveillance. Es-tu content d'avoir pu montrer aux téléspectateurs qu'on peut être queer et flamboyant sans être forcément bitchy ?

Ce qui m'a aidé, c'est que je n'avais pas l'impression d'être filmé. Je vivais normalement. J'ai été moi-même de A à Z. C'est ce que mes parents et mes proches m'ont dit en sortant : "En fait, on t'a vu toi." Et oui j'essaie toujours d'être gentil et je le suis parfois même un peu trop. Je suis juste content d'avoir pu être moi-même et que ça ait plu.

Quand Jenifer s'est prononcée sur cette nouvelle Star Ac', elle a jugé que vous aviez déjà les codes pour passer à la télé. Tu dirais que c'était le cas ?

Je pense qu'on était effectivement plus préparés que lors de la première saison, à laquelle elle a participé. On connaissait l'émission, et certaines personnes étaient très préparées à ça. Je sais que j'ai eu besoin d'un long moment d'adaptation. Ce n'était pas évident de comprendre qu'on était filmés. J'en avais rarement conscience, donc je ne contrôlais jamais ce que je disais. 

Tu as grandi dans le Lot-et-Garonne, dans un milieu rural. Est-ce que ça a été facile d'y comprendre et explorer ton identité ?

Je vais être honnête, ça a été très compliqué. Beaucoup de personnes ne me comprenaient pas, et rien ne justifie la haine que j'ai reçue, aussi bien de la part des enfants que des adultes. Mais il y avait heureusement des gens bienveillants pour contrebalancer. Ma famille a été incroyable, m'a toujours soutenu et aimé.

As-tu déjà dû faire face à du harcèlement ?

Quand j'étais tout petit, j'ai fait un an de danse. Je me rappelle que les gens demandaient à mes parents s'ils n'avaient pas honte de moi. Quand j'entends ça, je n'ai que 4 ou 5 ans. C'est compliqué à comprendre. Par la suite, j'ai reçu beaucoup d'insultes, j'ai été harcelé et intimidé. C'est aussi ce parcours qui fait qui je suis aujourd'hui et qui explique sans doute pourquoi j'ai cette grande sensibilité, et une certaine force de caractère.

Dans ces moments difficiles, qu'est-ce qui t'a aidé à aller de l'avant ?

Il y a eu des séances de psy ! (Rires.) Quand on se sent stressé, angoissé, pas à l'aise dans sa tête, il faut aller consulter un psychologue. C'est un médecin comme un autre, il est là pour nous aider. Outre ça, j'ai pu évidemment compter sur la musique. J'ai beaucoup suivi Céline Dion, j'ai été passionné par les textes de Cabrel et Goldman. J'aime beaucoup les artistes vrais, en qui je peux me reconnaître. J'ai toujours chanté, j'ai toujours écrit et ça m'a beaucoup aidé.

Avant de faire la Star Ac', tu avais peur de ne pas trouver ta place ?

J'ai eu très peur. Je me disais que s'ils ne m'aimaient pas, j'allais revivre ce que j'avais vécu avant. J'avais peur que ça réveille certains traumatismes. Puis, finalement, j'ai trouvé Enola, Léa, Julien... plein de gens très bienveillants qui m'ont aidé et soutenu dans cette aventure. J'étais là pour eux, et ils étaient là pour moi. On a créé une ambiance super saine. Il y avait évidemment des tensions à droite à gauche, comme dans la vie de tous les jours.

Ton amitié avec Enola a beaucoup été appréciée par le public. Certains même faisaient un parallèle avec les deux personnages de Glee, Rachel et Kurt. Tu connais la série ? Tu comprends cette comparaison ?

Je n'ai pas encore trop regardé les réseaux sociaux, j'y vais petit à petit pour ne pas me sentir submergé mais, oui, on a entendu ça, et ça me fait bien rire. C'est très drôle. (Rires.)

Tu étais consommateur de télé-réalité ?

Je ne regarde pas du tout de télé-réalité, seulement Star Academy quand j'étais petit. C'est comme ça que j'ai commencé à chanter, d'ailleurs. J'avais 3 ans et je chantais "Laissez-moi danser". (Rires.) C'est la seule que j'ai regardée et suivie. Si j'ai voulu faire l'émission, c'est que ce n'était pas un programme comme les autres pour moi. Lors des prochains castings, il faut qu'ils continuent de prendre des gens qui ne cherchent pas à faire en priorité de la télé-réalité. 

Laquelle de tes prestations as-tu le plus aimé faire ?

Je dirais que mes deux prestations préférées sont le tableau Lady Gaga et mon interprétation sur Céline Dion. "It's All Coming Back To Me Now" est une chanson que j'adore. Si j'avais mal chanté Céline, j'aurais commis un outrage. (Rires.)

Tu es content de retrouver ta liberté ou tu serais bien resté un peu plus au château ?

J'aurais pu tenir encore un peu, deux ou trois mois de plus ! Psychologiquement, j'étais bien, j'étais dans le rythme. J'ai tellement pris plaisir à apprendre ! Et j'aimais surtout le fait que tout soit bien organisé et millimétré. J'aime quand tout est carré.

As-tu été approché par des maisons de disques ?

Les choses vont certainement se passer cette semaine. Je découvre qui peut potentiellement être intéressé ou non par mon profil. En tout cas, je suis super motivé. Je ne peux pas vivre sans scène ou sans musique. J'ai hâte de pouvoir proposer un super projet musical, et je vais essayer de vous régaler.

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Crédit photo : TF1, Benjamin Decoin/Sipa/Endemol France