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cultureLivres d'art, romans, BD, films… idées de cadeaux pour un Noël queer et joyeux

Par têtu· le 21/12/2022
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Si vous n'avez pas encore fait vos cadeaux de Noël, pas de panique ! On a concocté pour vous une petite liste de livres d'art, de romans, d'essais, de BD et de films à offrir pour les fêtes. Une sélection à retrouver dans le magazine têtu·, disponible chez votre marchand de journaux.

Libérés de la masculinité

Depuis quelques années, la masculinité change jusque dans son incarnation par des personnalités publiques. En s’appuyant sur des célébrités comme Harry Styles, Lil Nas X ou encore l’inévitable Timothée Chalamet, la journaliste Aline Laurent-Mayard analyse comment ces hommes s’emparent des normes de genre pour se les réapproprier, voire les détourner. Bourré d’humour et illustré par le dessinateur gay Florent Manelli, Libérés de la masculinité est un essai de pop culture dans l’air du temps, qui instruit autant qu’il enthousiasme. FQ

Libérés de la masculinité, d’Aline Laurent-Mayard. JC Lattès.

L’Arrachement, le souvenir, le sentiment

C’est une morale joyeuse et profonde. L’Arrachement, le souvenir, le sentiment se lit et se relit, s’emporte avec soi. Son auteur, Jean-Luc Nivaggioni, écrit dans ce carnet de voyage entre Berlin et São Paulo sa vie d’amour et de séparation – la nôtre aussi – avec des mots de lumière. L’amour, pour se développer, “a besoin de cette sorte d’aventure : l’intimité”. C’est la “tentation de l’île”. On apprendra par cœur les six pages sur “la mort de l’amour, ou comment s’organiser”, au cas où… On comprendra quand l’auteur constate que “comme l’usage des philtres d’amour, le polyamour me laisse au fond avec l’idée que c’est bien bon mais que ce n’est pas réel”. On jouira de sa sensuelle description du “sentiment transocéanique”. Enfin, on emportera avec soi ce conseil : “Ne tolère pas ce qui te tue.” PC

L’Arrachement, le souvenir, le sentiment, de Jean-Luc Nivaggioni. Editions Léo Scheer.

Fils et pères 

Adopté à l’âge de 4 ans, Tom grandit avec un sentiment de décalage qui n’est pas seulement lié à la découverte de son homosexualité. À la trentaine, il décide d’enquêter sur ses racines, renouant avec sa famille biologique, et questionne par la même occasion son envie croissante d’avoir un enfant. Derrière l’histoire de Tom, le récit de vie bien réel d’Anthony Bertrand. En dévoilant ce premier roman graphique à l’esthétique simple et efficace, l’auteur raconte l’intime pour interroger le collectif, s’emparant d’enjeux forts et modernes comme la coparentalité et la déconstruction du modèle familial unique. FQ

Fils & pères, d’Anthony Bertrand. La Boîte à Bulles. 

La maison des enfants

Julie doit choisir une robe pour la rentrée des classes ; Lila s’amuse avec un apiculteur ; Diego et Alban tombent amoureux ; les jumeaux Hic et Nunc se disputent pour savoir qui est né avant l’autre. Bref, des histoires d’enfants pour les enfants, qu’importe qu’ils soient des enfants trans, comme Julie, qu’ils aient deux papas, comme Hic et Nunc, ou deux mamans, comme Lila. “Le fait d’être LGBTQI+ n’est pas central dans les livres que l’on édite, même si l’on a opté pour des représentations assez osées, détaille Caroline Fourier, une des deux cofondatrices de la maison d’édition On ne compte pas pour du beurre. Notre objectif n’est pas de problématiser les enfants et les familles LGBTQI+, mais de donner des représentations positives et joyeuses.”

Lancée en 2020 avec Elsa Kedadouche, la maison d’édition a publié une dizaine de livres pour enfants. “On s’est rendu compte que la communauté manquait cruellement de représentations dans les ouvrages à destination des plus jeunes, explique Caroline Fournier. Comme l’accueil de nos deux premiers petits projets de livres fut enthousiasmant, on a continué. On veut faire des livres pour enfants que nous aurions adoré lire à leur âge.” EH

La Maison des enfants, On ne compte pas pour du beurre, dès 3 ans, à partir de 14 euros.

Firebird

Au cœur des années 1970, dans l’armée soviétique en pleine période de guerre froide, un pilote de chasse noue une amitié avec un jeune soldat. De fil en aiguille, ce lien singulier qui les rapproche se mue en romance interdite… puis en triangle amoureux, quand la secrétaire d’un commandant militaire s’ajoute à l’équation. Tendu par son contexte politico-historique, Firebird s’impose comme un drame vibrant dont le dénouement ne laissera personne indemne. FQ

Firebird, de Peeter Rebane. DVD. Optimale Distribution.

Moi qui ai souri le premier

Marc, Julien et Luc sont les trois premiers amants du narrateur, dans l’ennui d’une enfance solitaire des années 1960, à Roanne. Trois jeunes adolescents sans doute furieux d’avoir envie du corps des hommes. En tout cas, lâches et tordus. Daniel Arsand décrit la force et la violence par des mots fulgurants. Il revient sur l’apprentissage de ce qui n’a pas été l’amour, mais plutôt l’école de la haine ou de la honte. Voilà ce que peuvent donner des sociétés fermées où les hommes doivent se cacher pour découvrir leurs sens et – parfois – leurs cœurs. Partageant le même secret, Marc, Julien et Luc devraient être solidaires. Ils ne peuvent être qu’humiliants. Moi qui ai souri le premier est un livre dont chaque phrase touche au cœur. PC

Moi qui ai souri le premier, de Daniel Arsand. Actes Sud. 

Archive Dora Diamant

Personnalité incontournable des nuits queers parisiennes, artiste, DJ et photographe disparue en 2020 d’un cancer à l’âge de 34 ans, Dora Diamant a laissé derrière elle une œuvre photographique importante. Avec l’association portant son nom, les Éditions de l’Amazone ont publié cette année une partie de son travail dans Archive Dora Diamant. Fille du dessinateur Pascal Doury, mort en 2001, Dora Diamant était encore une enfant quand elle perdit sa mère – c’est dire l’importance de la famille d’amis peuplant ses archives. Pour apprécier son univers, chacun des quatre volumes est conçu par une personne différente. Ainsi le premier se termine-t-il sur un texte de Clara Pacotte, récit lesbien d’un instant à deux : “Leurs lèvres s’écrasent les unes sur les autres comme leurs quatre seins. Tout est ramolli, elles sont encore endormies. Elles respirent l’une dans l’autre.” Au détour de ces corps aimés, dénudés et tatoués, de ces soirées sans lendemains et de ces petits matins complices, son travail nous donne douloureusement envie de ressusciter cette muse éternelle, ou de renaître à ses côtés. MC

Archive Dora Diamant. Éditions de l’Amazone.

Toutes les princesses meurent après minuit

Dans une banlieue française, à la fin des années 1990, une famille se fracture. En son sein, Lulu, 8 ans, rêve d’embrasser son voisin à peine plus grand que lui. Le bédéiste Quentin Zuttion, qui avait visé juste avec Appelez-moi Nathan et Touchées, signe ici son opus le plus personnel, esquissant avec sensibilité les premiers émois amoureux d’un garçon. Ses dessins pastels et texturés, aux couleurs chaudes, font de ce roman graphique un joli récit d’apprentissage. À considérer comme l’héritier spirituel, en BD, de Tomboy de Céline Sciamma ou de Close de Lukas Dhont. FQ

Toutes les princesses meurent après minuit, de Quentin Zuttion. Le Lombard.

Chambre à louer

Journaliste voyages pour le New York Times, Michael, un quinquagénaire dont le couple fait du surplace, s’échappe à Tel-Aviv où il doit se rendre pour les besoins d’un article. Là-bas, il se rapproche de Tomer, étudiant en cinéma qui lui loue son appartement le temps de son séjour en Israël. L’expérience de l’un et la jeunesse de l’autre vont les pousser à remettre en question leur vision du monde et leurs relations amoureuses. Plus touchant qu’il n’y paraît, Chambre à louer est un film gay réussi qui opère comme un pont entre les générations. PC

Chambre à louer, d’Eytan Fox. DVD. Optimale Distribution.

Houston-Osaka

Tout n’est pas au beau fixe pour Benson et Mike. Leur couple stagne, leurs échanges se font de plus en plus tendus… Et voilà qu’une nouvelle épreuve se dresse sur leur route : alors que Mike s’envole sur un coup de tête pour Osaka afin de dire adieu à son père mourant, Benson est contraint de cohabiter avec sa belle-mère, une Japonaise obstinée avec qui la communication est loin d’être fluide. Pour son premier roman, l’auteur américain Bryan Washington brosse une histoire d’amour chaotique enrobée d’une chronique sociale ancrée dans son temps, auscultant en filigrane la gentrification des quartiers noirs du Texas ou encore l’importance de la nourriture pour créer du lien et s’ouvrir sur le monde. FQ

Houston-Osaka, de Bryan Washington. JC Lattès.

Le Voyage sans fin

Philosophe, romancière et militante féministe dont l’essai La Pensée straight (1992) reste à ce jour un des textes les plus importants du féminisme matérialiste, Monique Wittig était aussi dramaturge, comme en témoigne l’édition de ce texte mis en scène pour la première fois en 1985. Justement nommé Le Voyage sans fin, il offre une vision féministe de l’œuvre éponyme de Cervantès, qui prônait déjà la liberté, l’aventure et la justice. Wittig explore ainsi des thèmes tels que la légitime défense ou le droit à disposer de son corps. Sa Quichotte, une jeune femme à l’esprit libre, se fiche d’être à contre-courant, eh si elle est la seule à voir le monde tel qu’il est, eh bien c’est le monde entier qui se trompe. TL

Le Voyage sans fin, de Monique Wittig. Gallimard.

Dans l’hiver des villes

Les éditions Seghers republient Dans l’hiver des villes, de Tennessee Williams, avec pour la première fois les poèmes dont ce recueil fut amputé en raison des références à l’homosexualité de l’auteur. En France, on connaît surtout ce dramaturge américain du milieu du XXe siècle pour les adaptations cinématographique de ses pièces, parmi lesquelles Un tramway nommé désir – réalisé par Elia Kazan avec Marlon Brando et Vivien Leigh dans le rôle de Blanche – ou encore La Chatte sur un toit brûlant, immortalisé par Elizabeth Taylor et Paul Newman. On se dit que la censure était décidément bien pudibonde puisqu’il n’y a rien de scabreux dans l’évocation, par exemple, de Frank Merlo, ancien marin d’origine sicilienne et compagnon de Tennessee Williams durant 14 ans. L’auteur lui a dédié "Petit Cheval", le surnom qu’il lui avait donné, et "L’Île" nous reste en mémoire, qui fait probablement référence à Key West, située au large de la Floride, où le couple avait ses habitudes. “Les petits mots de tendresse sont difficiles à dire pour l’homme d’ombre”, écrit le poète dramaturge, qui évoque les “sauvages et sots passagers de l’amour”, ces “hommes renards”, “pourchassés”“petits animaux qui la nuit se poussent l’un l’autre comme pour chuchoter : Nous sommes ensemble ! Aucun danger !” MC

Dans l’hiver des villes, de Tennessee Williams. Éditions Seghers.

Si le soleil se dérobe

Comment se définir lesbienne quand on vient d’une famille, voire d’un pays où les représentations LGBTQI+ manquent ? Dans son roman Si le soleil se dérobe, Nicole Dennis-Benn met en scène cette lutte interne à travers l’histoire de Patsy, une Jamaïcaine qui quitte son pays, sa famille et sa fille pour vivre une histoire d’amour et son lesbianisme aux États-Unis, dans une Amérique qu’elle n’imaginait pas si violente et si raciste. Dans ce roman intime, l’autrice laisse entrevoir une partie de ses questionnements internes et de ses combats : elle fut en effet la première lesbienne jamaïcaine à se marier sur l’île. EH

Si le soleil se dérobe, de Nicole Dennis-Benn. Édition de l’Aube.

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