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politiqueIVG dans la Constitution : Emmanuel Macron avance mais joue avec le feu

Par Nicolas Scheffer le 09/03/2023
Lors d'un hommage à Gisèle Halimi ce 8 mars, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi pour l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution.

À l'occasion d'un hommage rendu à Gisèle Halimi en ce 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi constitutionnelle incluant le droit à l'avortement. Une option qui présente un avantage, mais aussi un inconvénient…

Emmanuel Macron a choisi l'hommage à Gisèle Halimi, rendu au palais de Justice de Paris ce mercredi 8 mars 2023, pour annoncer le dépôt "dans les prochains mois" d'un projet de loi constitutionnelle inscrivant le droit à l'IVG dans la loi fondamentale. L'avocate féministe, disparue en 2020 à l'âge de 93 ans, en avait fait un combat de sa vie, signant notamment le "Manifeste des 343" et défendant, lors du procès de Bobigny en 1972, une femme violée ayant eu recours à l'avortement. Près de 50 ans après la loi Veil (1975) ouvrant le droit à l'IVG, le président de la République a donc annoncé sa volonté de l'inscrire dans la Constitution pour "graver la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse, pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible". Mais pourquoi annoncer un projet de loi alors qu'un texte a déjà été voté récemment à l'Assemblée nationale et au Sénat ? Explications.

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Pour modifier la Constitution, deux formes sont possibles : d'abord une proposition de loi, c'est-à-dire un texte à l'initiative d'un·e parlementaire, à l'Assemblée ou au Sénat. Pour aboutir, le texte doit alors être voté dans les mêmes termes par les deux chambres. Or en l'espèce, elles ont déjà voté ces derniers mois deux textes différents – le Sénat, où la droite est majoritaire, a limité la proposition issue de l'Assemblée. Si les deux institutions s'accordaient sur un texte commun, un référendum devrait alors être convoqué. Problème : si les Français sont majoritairement favorables à l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, reste que lors d'un référendum, les électeurs ont tendance à voter pour ou contre le gouvernement en place et non à la question posée. En outre, l'expérience du débat sur le mariage pour tous il y a dix ans n'invite pas à réveiller sur ce sujet les passions réactionnaires...

Modification constitutionnelle complexe

Emmanuel Macron a donc choisi la seconde voie, celle d'un projet de loi, à l'initiative du gouvernement. Cette fois, après le passage du texte devant les deux chambres législatives, l'exécutif aura le choix entre l'organisation d'un référendum et la tenue d'un Congrès à Versailles, où des deux assemblées réunies seront saisies de la modification constitutionnelle. Pour aboutir, le texte doit alors être approuvé par les trois cinquièmes des parlementaires (majorité à 60%). Au total, 22 révisions constitutionnelles ont été introduites depuis 1958 et, sauf le passage du mandat présidentiel à cinq ans en 2000, toutes sont passées par le Congrès et non par un référendum.

Le projet de loi voulu par Emmanuel Macron ne concernera toutefois pas seulement l'IVG, mais s'inscrit dans une plus vaste démarche de réforme des institutions ambitionnée par le président de la République. À la protection du droit à l'IVG, populaire, le chef de l'État voudrait ainsi adjoindre un nouveau redécoupage des régions ou une redéfinition des mandats électoraux, a indiqué son entourage à l'AFP. Une méthode qui prend le risque de susciter une opposition sur le "package", au détriment de l'IVG. "S’il veut faire en sorte que jamais l’IVG ne soit inscrite dans la Constitution, qu’il continue à faire comme ça", a déjà dénoncé Mathilde Panot, la cheffe de file des députés La France insoumise (LFI) à l'Assemblée. La constitutionnalisation du droit à l'IVG n'est pas encore au bout de son chemin.

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Crédit photo : capture d'écran @Elysee