L’animateur télé qui officie sur CNews était à nouveau jugé cette semaine pour harcèlement sexuel et travail dissimulé dans le cadre de castings réalisés en 2015 pour sa web-série Les Faucons. Jean-Marc Morandini aurait notamment utilisé une fausse identité pour obtenir des faveurs sexuelles de l'un des comédiens.
"C’était pour tester ses limites", rétorque l'accusé à la question de la juge : "J’ai du mal à comprendre en quoi faire une fellation à quelqu’un que l’on connaît à peine permettrait d’améliorer le jeu d’acteur ?". Cet échange, pour le moins surprenant, s’est tenu ce mardi 13 juin au tribunal correctionnel de Paris, où Jean-Marc Morandini était à nouveau en procès, cette fois pour "harcèlement sexuel" et "travail dissimulé". Déjà condamné en décembre dernier pour "corruption de mineurs" sur trois adolescents, l’animateur télé est cette fois accusé d’avoir, entre 2015 et 2016, encouragé de jeunes comédiens à lui envoyer des photos et vidéos d’actes sexuels et à s'exhiber nus devant la caméra, dans le cadre des castings de la web-série érotique dont il était le producteur, Les Faucons.
L'animateur de 57 ans est d'abord accusé d'avoir harcelé, pendant près d’un an, un jeune homme alors âgé de 18 ans, Gabriel, afin d'obtenir de lui une fellation. Au premier jour de ce nouveau procès sous tension, durant lequel les avocats des parties civiles et de la défense se sont régulièrement invectivés, les débats se sont axés sur les quelque 600 pages de mails échangés entre eux de la mi-2015 au début 2016. En fait de courriels entre le plaignant et Jean-Marc Morandini, ceux de ce dernier étaient en réalité signés Catherine Leclerc, une fausse directrice de casting que l’animateur de CNews reconnaît aujourd’hui avoir créée de toute pièce. "Pour pousser les jeunes à aller toujours plus loin ?", demande la présidente. "Pour que les personnes ne répondent pas simplement au casting parce que c’est Morandini", oppose l'accusé qui se montrera agacé, souvent condescendant, tout au long du procès, refusant avec constance de reconnaître sa responsabilité dans cette affaire.
Catherine Leclerc, faux-nez salace
Décrite comme "maternelle" et "sécurisante" avec Gabriel, Catherine Leclerc va "tour à tour le rassurer, le gronder, lui envoyer des signes de tendresse", notera la procureure ce mercredi lors de ses réquisitions, relevant : "Je ne vois pas du tout l'intérêt d’avoir créé ce personnage et d’avoir noué ce type de relation, si ce n’est pour marquer une emprise sur ce jeune homme, pour le phagocyter, pour jouer avec lui aussi, puisqu’il résiste".
Mais pour bien comprendre les accusations de harcèlement sexuel, il faut remonter au mois d’août 2015. "Catherine" et Gabriel décident d’écrire une scène à quatre mains pour permettre au jeune comédien de se "lâcher" et de "repousser ses limites" avant un entretien avec Jean-Marc Morandini. Une idée germe alors dans la tête de la casteuse imaginaire, formulée au jeune homme par mail : "Vous sentez-vous de faire une fellation à Jean-Marc Morandini qui n’est pas n’importe qui ? Star télé et radio (...)". Dans un message précédent, l’animateur télé, cette fois sous sa véritable identité, lui disait déjà vouloir le "forcer à s’impliquer". "Vous avez envie de faire quoi ? C’est le moment ou jamais", enjoignait-il.
"Je ne pensais vraiment pas qu’on puisse réaliser un faux profil pour recevoir une fellation".
Mais Gabriel n’ira pas jusqu’au bout. "Je ne veux pas que vous pensiez que je me suis dégonflé, mais je n’ai pas plus trop envie de jouer cette scène, écrit-il peu de temps après à Catherine Leclerc. Je me demande ce que ça m’apporte de jouer une scène de fellation (...)". À la lecture de ces échanges dans la salle d’audience, l’intéressé trépigne et s’emporte : "Dit comme ça, devant le tribunal… (silence) ça prend des proportions… Il s’agissait d’une simple question". Dubitative, la présidente relance : "L’optique était seulement de vérifier s’il pouvait jouer nu dans la série ?". Et Morandini d'acquiescer.
Alors qu’il ne souhaitait initialement pas prendre la parole au procès, Gabriel fait savoir au tribunal, mardi en fin d’après-midi, qu’il entend s’exprimer. "Je n’ai jamais pensé que Catherine Leclerc puisse être en réalité Jean-Marc Morandini, insiste-t-il face aux accusations de la défense qui assure qu’il avait compris la supercherie. Je ne pensais vraiment pas qu’on puisse réaliser un faux profil pour recevoir une fellation".
Les fantasmes de Morandini
Quelques mois après ces échanges, Jean-Marc Morandini et Gabriel se retrouvent dans le bureau de l’animateur, en face d’Europe 1, pour visionner les images du deuxième épisode des Faucons, épisode dans lequel Gabriel se masturbe. Mais quelques jours plus tôt, Catherine Leclerc et le plaignant avaient préparé une "scène mystérieuse" qui devait être jouée pendant cette rencontre, que Jean-Marc Morandini feint de ne pas connaître dans un mail échangé avec Gabriel : "Il faut prévoir combien de temps ? On se retrouve dans mon bureau ou dans une salle à part pour être tranquille ? Je dois préparer quelque chose ?", demande-t-il inocemment.
Mais une nouvelle fois, la fellation n’aura pas lieu. "Je sais que vous êtes venu pour passer enfin à l’action, mais Jean-Marc Morandini m’a dit que vous n’avez pas osé", écrira plus tard Catherine Leclerc dans un mail lu par la procureure. Et d'insister : "Être un acteur, c’est faire abstraction de la personne en face (...) Vous avez imaginé une scène très osée dans laquelle vous étiez nu, face à lui (...), vous vous masturbiez, l’embrassiez, lui baissant son pantalon, lui faisant une fellation jusqu’à ce qu’il éjacule dans votre bouche… cela m’avait étonnée, car je vous sais hétéro (…)". Et d’ajouter encore : "Oser aller au bout des choses, c’est aller au bout de ses limites. D’autant que je pense que vous en avez envie. Profitez du tournage de samedi prochain pour lui proposer dimanche ou lundi à nouveau". Et de signer son message de la mention "maman qui ne vous a pas oublié".
Face à ces écrits, l’animateur s’agace à nouveau mardi après-midi. "Je vous confirme que jamais je n’aurais accepté (la fellation, sic). À ce moment-là, on est en train de les tester". "Mais pourquoi vous insistez alors ?",l’interroge la procureure. "Quand on vous écoute, on a l’impression qu’on a parlé de fellation pendant six mois, mais on a fait beaucoup d’exercices sur d’autres thèmes", proteste l'accusé. Des propos qu’il répétera mercredi quelques minutes avant la fin de l’audience. "Pour Monsieur Morandini, l’objectif était bien évidemment d’assouvir des fantasmes", estimera dans sa plaidoirie l’un des avocats des parties civiles, Me Arash Derambarsh.
"Pourquoi la fellation est-elle si importante ?"
À la barre, interrogé par l’un des assesseurs, Jean-Marc Morandini reconnaît que "ce filtre de Catherine Leclerc lui permettait de dire les choses différemment". Sur la fellation, il admet que "si le mail avait été signé de Jean-Marc Morandini, il aurait formulé la demande différemment". Et d’ajouter : "Il n’y a aucune demande, rien n’est imposé. Ce sont des questions qui lui sont posées pour connaître ses limites".
La présidente renchérit alors : "Pourquoi la fellation est-elle si importante ? Ça revient en juillet (2015, sic) en août, novembre, décembre, janvier, etc." "Oui, mais il y a une pause, se défend avec difficulté Jean-Marc Morandini. On ne peut pas donner l’impression qu’on parle de ça non-stop pendant six mois". Sur le fait de signer "maman", il dira enfin que c’est "de l’humour, un clin d’œil". Interrogé à la barre, Gabriel ne rit pas. Habillé d’une chemise bleue à fleurs et d’un pantalon beige, le jeune homme évoque avec émotion les conséquences de cette affaire. "J’ai l’impression d’avoir été une grenouille qu’on met dans l’eau chaude, qui gonfle et qui gonfle jusqu’à l’explosion, souffle-t-il. Ça brise la confiance et ça me poursuit encore maintenant". Morandini dira de son côté avoir subi, lui aussi, des "répercussions, notamment professionnelles". Et ce, même s'il officie toujours sur CNews malgré sa condamnation, le 5 décembre dernier, à un an de prison et une obligation de soin de deux ans pour "corruption de mineurs", jugement dont il a fait appel.
Pour les faits de harcèlement, la procureure a cette fois requis une peine de six mois de prison assortie d’un sursis probatoire de deux ans, avec notamment une obligation de soins. Au sujet des accusations de travail dissimulé, Morandini dira des trois premiers épisodes de la web-série Les Faucons (il y a eu quatre épisodes en tout) qu’ils étaient "des essais" pour savoir si la série allait bien fonctionner. "Ils (les comédiens, ndlr) étaient bénévoles sur ces tournages et ils le savaient". "On ne paie pas un salarié seulement quand on est convaincu que cela rapportera de l’argent", lui signalera la procureure dans ses réquisitions, préconisant une amende de 50.000 euros "au regard de la période durant laquelle se sont déroulés les faits et du nombre d’épisodes tournés". Le jugement doit être rendu le 29 août.
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